28 avril 2010

Edito

Chers tous,

tout arrive et le printemps aussi : les températures décollent, le rhume des foins caracole, les papillons batifolent, et les films fleurissent avec plus ou moins de bonheur. Quant aux membres du groupe Facebook de Mauvaises Langues, ils poussent comme des pâquerettes (ceci est encore une blague de geek, le premier qui replace la citation gagne un Carambar virtuel) : bref, on est très très très contents.

Pour rester dans la tendance, je vous annonce l'éclosion prochaine de deux nouveautés fascinantes : un tag "Culture G." pour faire le point sur quelques fondamentaux à connaître même sans les avoir vus, et un tag "Top 5" dans lequel vous avez de fortes chances de trouver tout et son contraire, le bon avec le pire, le culte avec l'inculte, le plus authentique sérieux et la plus mauvaise foi du monde.

Sur ces promesses d'abondance je vous laisse, chers lecteurs, retourner à vos bucoliques occupations : continuez de nous lire, soyez chics et critiques, nous avons connu notre première vraie révolte d'abonné(e), nous avons lu, retenu, survécu, et nous sommes toujours là, pour le meilleur et pour le pire, éthiques, lyriques et sympathiques : restez, croissez et multipliez, soyez chics !


Noémie.

26 avril 2010

Shoot me, I'm famous

De 21, Jump Street, Thelma et Louise et Titanic, aux yeux difformes du Chapelier Fou dans Alice, au visage ridé de Ben Button, et à la lobotomie (hors-film, mais quand même) de Shutter Island, trois gueules d'ange se sont attaquées à leur visage, détruisant à même l'écran le fardeau de leur jolie jeunesse pour se donner le droit de vieillir. Voici en image le début des travaux de façade. Et comme on dit à la fin de Rocky : "Un doliprane pour ces messieurs." [je mets les titres de film en comment et je ne spoyle rien.]









Camille.

19 avril 2010

Les aventures extraordinaires d'Adèle Blanc-Sec (Luc Besson)

L'humour douteux de monsieur Besson

Pour une fois, notre bien-aimé F.M. de A nous Lutèce avait presque mis le doigt dessus. Presque. Il faut dire que c'était vraiment trop énorme, trop lourd, pour que le plus myope des spectateurs le rate : Luc Besson a le sens de l'humour. C'est même un sacré petit rigolo. Cette petitesse, monsieur F.M. la pointait avec une indulgence euphémistique que l'on voudra croire involontaire, en désignant Adèle comme "un imbroglio rigolo adapté des BD de Tardi et mis en scène par Luc Besson avec un humour un peu lourd si on a passé les 10 ans et demi [je dirais 6, mais j'évite autant que possible la fréquentation des enfants], mais avec aussi un talent indéniable pour le spectacle." Et nous n'en voulions pas plus, monsieur F.M., croyez-nous ! Vous savez, avec un Ptérodactyle en images de synthèse, on était déjà plus que contents.

Mais Luc Besson s'est bien fichu de nous.

Merde alors

Si vous allez voir le site officiel, fort sympathique au demeurant, vous ne manquerez pas de constater avec quelle apparente ferveur le film revendique ses lointaines racines : mise en parallèle des photos d'acteurs et des vignettes correspondantes, extraits de BD, biographie de Tardi... De fait, à l'instar du tristement célèbre James Huth, monsieur Besson a pris un soin louable à reproduire sur des faciès d'acteurs vivants le trait incisif du dessinateur, à grands renforts de prothèses auriculaires et autres nez en plastique mou. A l'instar de James Huth, il pensait s'en tirer à bon compte : voilà pour la source, maintenant on va pouvoir s'amuser.

Soit : nous aussi monsieur Besson, nous étions confiants dans votre sens du spectacle. Tout au long de la cérémonie des Oscars, vous nous aviez rebattu les oreilles avec les prouesses techniques accomplies pour la plus grande gloire d'Adèle, alors que, le nez dans nos statistiques (Démineurs, je te dis que ce sera Démineurs), on n'en avait vraiment rien à cirer.

Et moi et moi et moi

Monsieur Besson, vous nous avez bien eus ! Les quelques secondes qui méritaient le coup d'oeil sont dans les 2.25 de la bande-annonce. Pour le reste, des images de synthèse qu'un enfant de 10 ans et demi armé d'une page Paint aurait mieux réussies. Votre Ptérodactyle est tellement laid qu'on en venait à supplier la caméra de ne pas s'approcher plus, vos incrustations si minables qu'il ne leur manquait plus que le halo bleu des Dix commandements (1956 !) pour achever de nous égarer : non, vous n'essayiez pas de rendre hommage à Cecil B. DeMille, qui lui, en plus, ne le faisait pas exprès. Et l'Adèle numérique fendant les cieux sur la bestiole est proportionnée comme une icône médiévale et floue comme une carte postale noyée dans le caniveau. Ca nous ferait presque fait rire si on n'avait pas tant envie de lui bourrer les narines avec les plumes de son chapeau. Non, vraiment, vous nous avez bien eus. Mais vous êtes le seul à avoir trouvé ça drôle.

Oh la belle incrustation

Pourtant, on avait bien compris qu'il fallait rigoler. Dès le début, avec ce gros qui pisse contre une grille dans Paris désert et manque de faire un infarctus en apercevant la fichue bestiole. Oh, le vieux gag. Mais bon, manifestement, ça vous plaisait, et vous nous l'avez resservi une seconde fois, en remplaçant la bestiole par une momie funky. Il paraît que le monsieur est de la Comédie Française (Sacrée gamelle hein ! fallait vraiment être torché pour échanger son étiquette Comédie Française contre celle du mec-qui-pisse-dans-le-dernier-Besson). Et vous, Besson, votre grand-mère vous a trop répété que c'est dans les vieux pots qu'on fait les meilleures confitures. Mais vous n'avez plus 10 ans et demi, et votre grand-mère, elle s'est bien fichue de vous.

Si encore vos blagues n'avaient d'autre tort que celui de ne faire rire que vous... Mais à vouloir faire rire, monsieur Besson, vous en avez oublié de faire un film. La pauvreté de votre scénario donnerait envie à bien des Tardiphiles de vous expédier par la poste un petit cercueil, oui, comme dans l'Enquête Corse. Vos blagues sont de celles qui ne faisaient pas rire au départ, et perdurèrent mystérieusement sur douze générations, se nullifiant encore et encore avec l'âge, comme se bonifie un bon vin. Un jour peut-être, en atteignant le 126e degré, on se prendra à rire de vos momies parlantes, de vos scientifiques fleur bleue, de vos gendarmes mononeurones. Et on culpabilisera.

Et votre Adèle, monsieur Besson, votre Adèle ! On avait rarement eu autant de mal à croire l'héroïne intelligente depuis Da Vinci Code. Je vous jure, même Denise Richards dans Starship Troopers, ça marchait mieux. Mais bon, on a vu ses seins, vous pensiez sans doute que ça nous suffirait. Mais monsieur Besson, disons-le enfin, vous nous prenez POUR DES CONS ! S'il suffisait d'un fond de teint matifiant et de quelques exhibitions mammaires pour faire une actrice, Pamela Anderson aurait un Oscar dans sa salle de bain.

Tu es content hein spectateur tu es content

Mais j'ai déjà consacré beaucoup trop de temps à votre petite blague. Et de toutes façons, tout le monde a déjà saisi le pourquoi du comment : le vrai cinéaste, celui de Subway et de Léon, vous l'avez jeté dans la Seine et, trois coups de bistouri plus tard, vous avez pris sa place. Aussi je laisserai l'honneur de conclure à monsieur Kevin Prin qui vous assène sur Filmsactu un diagnostic sans appel. Et moi, qui ai mieux à faire, je file relire Tardi.

Noémie.


Si vous avez aimé cette critique, n'oubliez pas de voter pour la réhabilitation immédiate de LOUISE BOURGOIN à son poste de MISS METEO CANAL +.

Surtout si vous n'avez pas Canal +.

15 avril 2010

Le Choc des Titans (Louis Leterrier, 2010)

Télé-Olympo, la météo des héros !

(présentée par Zeus, notre céleste correspondant)



Comme toujours, un temps divin sur l'Olympe, une fois passée la couronne de nuages. Attention toutefois, les visites intempestives d'Hadès pourraient entraîner des perturbations en cours de film.



Chez les humbles mortels en revanche, l'anticyclone va donner lieu à des perturbations climatiques des plus déconcertantes :

- éclosion précoce de scorpions géants dans les régions désertiques. Ne sois pas rebuté, Héros, par leur apparence farouche, les Djinns (???) ont profité d'une excursion en Terre du Milieu pour dérober à Peter Jackson sa technique de domptage des Mumakils. Bien qu'un peu mouvementée (nous n'avons pas compris s'il s'agissait de belles images de synthèse filmées façon Parkinson, ou d'animatroniques rupestres, dans tous les cas ce n'est pas très fluide), l'excursion reste pittoresque, si tu aimes Mouloud, les guerriers en jupette, le sable, Mouloud, ou les combats filmés façon Michael Bay sous LSD (sincèrement, on ne croyait pas que c'était possible). Aspirine pour le Héros.


- aux approches du repaire des Sorcières, une dépression est à signaler, occasionnant une légère chute de température. Héros, sois prévoyant, avril, le fil et tout le toutim, et, comme notre nymphe locale, adopte sans hésiter et à prix doux cette élégante serpillère proposée par nos sponsors.


Une fois encore, ne t'inquiète pas des trois sorcières : ce ne sont que des stagiaires venues du Labyrinthe de Pan pour combler les blancs. Regarde ou revois le Labyrinthe de Pan, tu apprendras comment les vaincre (non, même pas un grain de raisin !). Et puis après le Choc des Titans, ça te fera un bien fou de voir un bon film.

- à l'entrée des Enfers, prudence ! l'atmosphère est humide et le Passeur aussi capricieux qu'on peut l'être lorsqu'on est soudé à sa propre barque par un sushi de carton-pâte. Si la crainte de Charon t'assaille, n'oublie pas, Héros, que ton prévoyant Papa t'a donné une pièce en chocolat à l'effigie de Louis XIV. Personne ne sait pourquoi, mais ça marche.

- sous terre, en revanche, les températures s'élèvent et les forces telluriques instables rendront tes pas hésitants. Prends garde ! entre les silhouettes charbonnées de tes compagnons figés (restez bien immobiles, les gars, ça tourne !) t'attend une incommensurable déception : on t'avait promis la belle Natalia Vodianova, las ! les Dieux t'ont joué, une fois encore, et te voilà face à une image de synthèse sans âme et sans relief, arborant sans honte un soutien-gorge en vinyle qui donnerait des hauts-le-coeur à David Lachapelle.

ll me faut t'avouer pour finir, Héros, que les prévisions maritimes ne tournent guère à ton avantage. Depuis que d'autres crétins en jupette ont balancé ma statue dans la mer, il a bien fallu que je me fâche. J'ai tué ton papa, ta maman, ta soeurette. J'ai fait amende honorable, je t'ai comblé de présents. Mais malgré la pièce en chocolat, tu ne m'aimes toujours pas.

Aussi, cher Héros, je suis au regret de t'informer que, contrairement à la tagline qui proclamait sur l'affiche, "Du ciel viendra l'Enfer", c'est un monstre marin que tu auras à affronter, sur son propre territoire. Et ne me demande pas pourquoi Poséidon n'a pas eu voix au chapitre, je n'ai pas compris non plus. Pendant qu'on se battait dans son royaume, assis sur un récif coranique, il grignotait des Carambars.


Sur mer donc, l'anticyclone libèrera un beau Kraken et quelques furies, que la Parkinsocaméra ne te laissera pas le temps de voir. Heureusement, avec une tête dans un sac et un cheval qui vole, il n'est guère besoin d'utiliser ses yeux, et encore moins son cerveau. Tends le bras fièrement, Héros ! Pour avoir rendu à la mer ce qui ne lui appartenait pas, moi, ton céleste Papa, je t'accorderai la plus inattendue, la plus belle de toutes les récompenses : je ramènerai des Enfers ton aimée, la belle Io, qui avait pourtant bien pris le temps de mourir, et d'une façon si touchante ! et je te la rendrai, nimbée de lumière, avec sa serpillère et tout le bazar.

Pendant ce temps, au dessus de vos têtes, le fier Pégase dessinera de son vol léger des arabesques.... Comment ça, Hadès, j'ai trop regardé de films Disney ? .... Viens me le dire en face si tu l'oses ! .... HADES !!!
La communication avec notre correspondant ayant été brutalement interrompue, nous vous donnons rendez-vous aux prochaines Calendes grecques pour un nouveau bulletin météo. Celui-ci vous était présenté en direct des Olympo-Studios, grâce à une technologie révolutionnaire. Vous pouvez ici apercevoir notre correspondant badinant avec son jeune frère Hadès sur ce plateau d'un nouveau genre.... EH, LES GARS ! LES GARS ! VOUS MARCHEZ SUR LE PLANISPHERE, CA VA PAS DU TOUT ! LES GARS ! ....


Retranscription : Noémie



Si vous avez aimé ce bulletin, n'oubliez pas de voter pour ZEUS au CASTING CANAL + MISS METEO, avec TELE-OLYMPO, la météo des Héros, la météo qu'il vous faut !

10 avril 2010

(500) Days of Summer (M.Webb)

La non-princesse et le scénariste (ceci n'est pas un Disney)

Dans Donkey Kong, sur Game Boy, chaque niveau recelait une dizaine d’énigmes qu’il incombait à Mario de résoudre pour secourir la Princesse Peach, retenue captive par l’affreux gorille. Eh bien ne cherchez plus : c’est la musique de ce jeu-là qu’on entend juste après une scène romantique dans (500) Jours Ensemble, que menaçait peu avant une grotesque chanson pop. L’infantilisation apportée par le jingle électronique dont l'évocation vient de vous replonger en enfance rappelle cette ironie que Marc Webb maintient précieusement tout au long de son film : Zooey Deschanel est la princesse que Tom Hanson voudrait sauver mais il n’est pas un prince, juste un gosse attardé.

Devant (500) Jours, on n’est jamais guère plus que Mario. Si la musique épouse la mièvrerie du héros, c’est toujours pour la moquer, comme choisie avec un rire sarcastique par le personnage féminin. Pas besoin, dès lors, de hurler à l’inconscience ou, pire, à l’engagement politique de Marc Webb lorsqu’une chanson du premier album de Carla Bruni accompagne une scène : la musique, toujours choisie par le personnage de Zooey Deschanel, est alors une tentative d'affirmer ne pas être la princesse aux yeux bleus que voient en elle le spectateur énamouré et le pauvre Tom Hanson, mais bel et bien, ce que connote le choix de la chanteuse : une salope intéressée. Ce qu’elle n’est pas, évidemment, mais c'est alors son stratagème pour éloigner ce boulet de Tom Hanson et se débarrasser de son idolâtrie - en même temps que de celle du spectateur. Toutes les filles ont fait ça au moins une fois dans leur vie.

Si vous vous êtes payé le dvd pour ne regarder que Zooey Deschanel sans même vous donner la peine de jeter un coup d’œil aux sous-titres, vous en serez donc quittes pour le poignant sentiment de votre bêtise. Lors de la scène du premier karaoké, le moindre gros plan sur le visage rond de l'actrice, et sur les deux cercles bleus qui y règnent en maîtres (en exagérant à peine : on pourrait effacer par ordinateur l’intégralité du corps de Zooey Deschanel et ne plus laisser que ses yeux, ses personnages ne perdraient rien en intensité) moque la libido du regard mâle, qu’il soit celui du personnage, du réalisateur ou du spectateur. Comme dans The Informant, dans lequel des espions prennent Matt Damon pour un héros de cinéma (un genre de Jason Bourne), ici Zooey Deschanel est aimée comme un héroïne de cinéma (la petite amie parfaite de Jim Carrey dans Yes Man).

"You paused..." (Yes Man)

On pense à Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Le gros plan du visage féminin posé sur un oreiller, dans (500) Jours, a un puissant goût de déjà-vu, à ceci près qu’il prend place, chez Webb, sur un lit d’exposition dans un magasin Ikéa. C'est que nous ne sommes plus dans la tête de Jim Carrey, le mélancolique (emploi ici tenu par Joseph Gordon-Levitt), mais bien dans celle de la demoiselle pour qui cette histoire n’est pas encore achetée, pas encore acceptée. On a l'impression que (500) Jours est une adaptation du journal d'un pauvre type, c'en est une ; à ceci près qu'elle a été réalisée par le personnage central du journal en question. Sur l'affiche, il y a le scénariste, en train d'écrire sur ses genoux, et la réalisatrice, en dizaine de photos, présente dans le moindre plan du film, implicitement ou non.

(500) Jours se rêverait en premier film romantique à finir mal, il en joue cependant trop : l’histoire rejouée n’est jamais que celle de Nathalie Portman et de Jude Law dans Closer – avec qui il partage la scène de Narcisse retrouvant son reflet, se contemplant fixement quelques secondes pour mieux s’admirer (plutôt que pour se comprendre). La focalisation sur le loser rappelle même Edward Norton dans sa première comédie, l’œcuménique Au Nom d’Anna. Qu’elles étaient tartes ces scènes d’apitoiement, jouées par le réalisateur, Norton lui-même ! (pendant ma période Beau Gosse, je les adorais) Ici pourtant, on en redemande : parce que ce n’est pas de la tête du loser qu’est extrait le film. Ça change tout.

Z.D. à l'époque de Presque Célèbre (2000)

La scène de comédie musicale détonne un peu. Le succès de Tom – il a eu sa partie de jambes en l’air – introduit un merveilleux toujours factice qui n’est pas sans rappeler The Mask, c’est-à-dire – toujours lui ! - Jim Carrey, dont l’histoire d’amour avec Zooey Deschanel finissait bien dans Yes Man. Gordon-Levitt imite même, à la fin de sa danse, la dégaine du Mask prenant son élan avant de se mettre à courir pour sortir du cadre. Il demeure cependant hors-cinéma, piètrement réel en dépit de la chorégraphie improvisée par les passants, et ne peut que s’imaginer Jim Carrey ou Harrison Ford. Personnage réel échouant à devenir fictif : c'est l'inverse exact d’Il Etait Une Fois, chouette film Disney où une princesse de dessin animé se trouve plongée dans le monde réel (même oiseau bleu cartoon chez Webb, costumes bleus accompagnant les yeux de Zooey Deschanel faisant écho aux ouvriers en salopette bleue
accompagnant ceux d’Amy Adams).

Il était une fois, Kevin Lima, 2008. La scène de comédie musicale de (500) Jours y fait référence, autant qu'au numéro de Sancho le Cubain de Jim Carrey dans The Mask. Mais Tom Hanson n'est pas un toon, et c'est son drame.

Jeté dans le monde réel de Webb, le moucheron Gordon-Levitt n’apparaît plus que comme un mort, ses sourires et ses œillades n’évoquant rien d’autre que le Casanova exhumé, fatigué et légèrement moisi du regretté Heath Ledger.



Amy Adams dans Arrête-moi si tu peux, de Spielberg : "I'm not a princess." Bon, d'accord, la réplique exacte c'est : "I'm not a virgin." Mais c'est toujours l'histoire de (500) Jours.
Un détail avant de signer : Marc Webb a été choisi pour remplacer Sam Raimi à la tête de Spiderman 4 (prévu pour 2011). Avec Hewitt dans le rôle du "I'm not a superhero".

Camille.

6 avril 2010

Girls & the River

David Lean, The Bridge on the River Kwai, 1957.














Noémie.

4 avril 2010

Easter Symphony

Funny Little Bunnies (Disney's Silly symphonies, 1934)





Joyeuses Pâques !

Noémie.

2 avril 2010

Tempête de boulettes géantes / Le syndrome du Titanic

Le titre de l'article mis en lien est parlant : Nicolas Hulot a mené une "offensive éclair" pour "clarifier les choses" au sujet de l'écologie. C'est ça : l'écologie n'est plus un courant, une mode, une lubie, ni même un combat. C'est une guerre. Nous vivons sur une planète cancéreuse, et un groupe d'anticorps a décidé qu'il ne serait pas vain d'enfiler les treillis. Actifs. Agressifs. Ce n'est plus Sea Shepherd qui se la joue Pirates des Caraïbes avec les baleiniers japonais, mais pas loin.
On n'est pas ici pour parler politique, rassurez-vous. Mais, vous commencez à nous connaître, tous les chemins mènent à Hollywood : Tempête de Boulettes Géantes, sorti l'année dernière, semblait déjà annoncer cette métamorphose de l'action écolo en guérilla rhétorique. D'autant que la farce de chez Sony (Tempête de BG est l'un de ces rares films d'animation 3D à n'être ni Pixar, ni Dreamworks) était sortie à quelques semaines d'intervalle du Syndrome du Titanic, LA pièce majeure de l'artillerie Hulot. On avait écrit là-dessus. Ca donnait ça :

Le Syndrome du Titanic
, de Jean-Albert Lièvre et Nicolas Hulot

Tempête de Boulettes Géantes
, de Chris Miller et Phil Lord.


Ils exagèrent, hein ?


L’une des nombreuses et illustres voix-off commentant les images du Syndrome du Titanic est celle de Théodore Monod (1902-2000, et toc). L’ethnologue explique que l’un des plus grands scandales dont notre civilisation se soit rendue coupable a été de ne plus se poser la question de la légitimité de la création technologique. Lorsque quelque chose est possible, comme cette tour d’un mile de haut en Arabie, on ne se demande plus si l’on peut se permettre de le faire ou non, on le fait. C’est exactement ce qu’illustre le dernier-né des studios Sony Imageworks, Tempête de Boulettes Géantes : Flint Lockwood, savant fou, veut devenir célèbre, peu importe le moyen. Il invente toutes sortes de choses dont il ne mesure pas les conséquences – à commencer par une paire de chaussures faciles à enfiler mais impossible à enlever – pour en arriver à cette machine qui transforme l’eau en nourriture, métaphore très appuyée de la société de consommation et de l’abondance insensée qui en découle.


Ce sont là les deux pôles du discours alarmiste que tout bon écologiste se doit de tenir aujourd’hui : le premier est idéaliste – Nicolas Hulot, au début, se demande encore pourquoi les humains, exceptions merveilleuses à l’échelle du cosmos, ne se serrent pas tous les coudes comme des frères -, le second est plutôt cynique – l’absurde apparaissant comme la seule règle du monde, présidant aux actions (la litanie d’infinitifs prononcée par le héros) comme aux sentiments (le père parvient à déclarer son amour à son fils grâce au vocalisateur de pensées d’un singe). L’idéalisme du premier est apaisé par un discours désabusé (notre planète est « désespérément » petite) et baigne dans une mélancolie qui est la raison pour laquelle Le Syndrome du Titanic n'a pas trouvé son public, contrairement à Home qui exaltait la beauté de toute chose, y compris de la pollution. Le cynisme du second est apaisé par l’humour et l’apparente puérilité de l’histoire : pluie de sushis, pancake écrasant l’école, personnage du sidekick animalier cher à la tradition Disney.
Ces deux films partagent une violence singulière. Jusqu’à Home, les films et documentaires écolos – d’Un Jour sur Terre à Une Vérité qui Dérange en passant par Le Jour d’Après – trouvaient toujours différents moyens d’épargner le spectateur : respectivement par une absence totale de la présence humaine, des sujets people faisant diversion ou la survie d’une moitié de l’humanité. Da la même manière qu’Emmerich, dans le très beau et très con 2012, n'a même pas laissé survivre l'équivalent de la moitié de la population parisienne, Le Syndrome du Titanic et Tempête de Boulettes Géantes se montrent impitoyables.














Cela tient d’abord à une brutalité que l’on n’attend pas au sein du genre. Le premier film, documentaire écolo, est censé présenter la nature avec poésie et douceur : les raccords entre image de fœtus et déflagration atomique, chiens en cages et hommes en cage, accompagnés d’un discours en voix-off qui ne laisse aucune alternative à celui qui l’écoute, tranchent avec les attentes façon Ushuaïa du spectateur. Le second, film d’animation visant donc un public plutôt jeune, s’abandonne parfois à des dérives d’humour noir franchement dérangeantes : lorsque Flint fait neiger des boules de glace, il découvre les joies de la bataille de boules de neige. Il découvre surtout qu’il faut les lancer suffisamment fort pour qu’elles éclatent. Le voilà soudain pénétrant de force dans la maison d’une mère au foyer, qu’il terrasse d’une boule, avant d’aller trouver les deux enfants qui regardent la télé, et de leur jeter au visage, le plus fort possible, deux autres boules. Tant que le second enfant ne s’est pas effondré après avoir titubé, effaré par l’irruption de cet inconnu fou, le plan ne s’arrête pas. On se croirait dans Elephant. Le Syndrome du Titanic évoque d’ailleurs l’un de ces tueurs de campus, le finlandais de septembre 2008. Comme si l’écologie, devenue plus dure, portait avec elle la folie meurtrière aveugle comme métaphore de la destruction de la planète par ses habitants.







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Cette violence singulière passe ensuite par une volonté nouvelle de donner à penser la multitude qui résulte de l’accumulation. Home reposait sur des plans zénithaux du sol ne représentant jamais que des espaces fragmentés, proposant une véritable esthétique du morcellement qui produisait la sensation troublante d’une osmose entre l’œuvre de la nature et celle de l’homme. On finissait par s’imaginer « une planète infinie », exactement comme Hulot quand il était naïf. Ce dernier trouve cependant la planète « désespérément petite », car son film va bien plus loin que le bidule bessionien vendu 4 euros dans la queue des Fnac comme les Ricola au Monoprix (je parle de Home, oui). Il ne montre pas le morcellement, il montre le chaos dans la prolifération,
sans craindre l’illisibilité. C’est le cas d'un plan de Lagos.

Quelque part, six ou sept immeubles sont les mêmes, à côté d'une mare noire constituée de taudis, qui s’étend jusqu’à quelques immeubles se ressemblant aussi. Qu’il s’agisse des pieds des passants filmés au ras du sol ou du milliard de voitures circulant sur terre, il ne s’en tient jamais aux chiffres : les images viennent donner corps, non pas à l’inconcevable notion de milliard, mais à la notion de la multitude. C’est le cas du très joli plan partant de l’arrière d’une rame de la ligne 14, à Paris. Un autre métro croise celui où est posée la caméra. Quelques instants encore, on regarde défiler les loupiotes du tunnel, qui soudain se multiplient. Encore, et encore. Jusqu’à former un amas d’étoiles, une galaxie. Sorti du souterrain, voilà le spectateur plongé dans un travelling non pas sans fin, mais extrêmement long, révélant le nombre des étoiles autour desquelles la vie ne s’est pas développée (il y a vaguement le même dans Océans, d'ailleurs, maintenant que j'y repense, mais la référence est évidemment le finale de Men In Black).

Quant au film d’animation, c’est par la comparaison avec l’autre film qui avait numérisé les aliments, Ratatouille, qu’il parvient à cet étourdissement devant la multitude devenue concrète, charnelle et puante, puisque le film de Pixar visait à redonner un goût, une singularité, une valeur aux aliments, tandis que Tempête de Boulettes Géantes fait strictement l’inverse. Ratatouille reposait sur la complexité de la cuisine, Tempête se situe à l’opposé avec ses plats qui tombent des nuages. La légèreté de l’histoire de rats est devenue lourdeur, pesanteur dangereuse. Lorsque les steaks pleuvent dans le restaurant à ciel ouvert, ils ne tombent d’abord que dans les assiettes, comme dans tout cartoon qui se respecte. Puis ils deviennent de plus en plus gros, effet cartoon, toujours. Puis ils tombent sur la tête des clients, effet comique garanti. Puis ils tombent sur leurs verres à vin : l’effet comique disparaît avec un éclat de verre, et la moue inquiète de la femme qui ne tient plus qu’une coupe brisée.
Ajouter des conséquences funestes aux effets comiques est l’une des trouvailles de ce dessin animé qui s’inscrit ainsi, sous couvert d’en parodier les fers de lance, dans la mouvance du discours écolo alarmiste : ce que l’on fait, ce que l’on construit, a des conséquences. Même chose avec Hulot qui montre les conséquences de l'accumulation magnifiée dans Home.
Accumulation, destruction.


Aujourd'hui les DVD sont à 20 euros, vous pouvez vous jeter dessus. Vous passerez à la fois un très bon moment, et un sale quart d'heure. Dans les deux cas, vous ne l'aurez pas volé.


Camille