31 décembre 2011

Notre avis est indispensable, 2011

The Green Hornet, Les émotifs anonymes, Au-delà, Les Chemins de la liberté, Black Swan, Tron Legacy, Jewish Connection, Halal Police d’état, 127 heures, Le Discours d’un Roi, Paul, True Grit, Never let me go, Fighter, Sucker Punch, Rango, The Ballad of Genesis and Lady Jaye, Essential Killing, Rio, Pina, Thor, Fast & Furious 5, Minuit à Paris, L’Aigle de la 9e Légion, The Tree of Life, King of Comedy, Very Bad Trip 2, Pirates des Caraïbes 4, X-Men Origins, Kung Fu Panda 2, Transformers 3, Hors Satan, Harry Potter 7.2, Happy Happy, Bad Teacher, Cars 2, Super 8, Mr. Popper et les Pingouins, Mes Meilleures Amies, Les Contes de la Nuit, My Little Princess, Captain America, Green Lantern, Melancholia, Cow-boys & Envahisseurs, Comment tuer son boss, La Guerre des Boutons, Et maintenant on va où ?, La Planète des Singes Origins (?!), L’Apollonide, Crazy Stupid Love, Drive, Toast, We need to talk about Kevin, Les Trois Mousquetaires, The Artist, Real Steel, Dream House, Tintin, Forces Spéciales, Contagion, Clueless, 50/50, Twilight 4, Or Noir, L’Ordre et la Morale, Time Out, Shame, Mission : Impossible 4, Frangins malgré eux, Polisse, Hugo Cabret.

Quel est le meilleur moment pour poster un top ? On les voit commencer à fleurir, timidement, au début de la deuxième quinzaine de décembre. Et puis, tandis que les bêtisiers se multiplient à la télé, les tops prolifèrent, eux, dans les magazines. Mais le meilleur moment, c’est le 31. A la toute fin de l’année : nous avons vu Hugo Cabret hier et il faut bien en tenir compte.

Un top n’est pas seulement la liste des films vus, c’est aussi la liste des films pas vus. Il ne faut pas s’imaginer que nous annonçons ici les films dont pensons qu’ils ont été les meilleurs de 2011 ; ce sont les meilleurs parmi ceux que nous avons vus. Si ça se trouve, les 5 films que nous aurions préférés cette année, nous les découvrirons en dvd, incidemment, dans plusieurs autres années distinctes, et réaliserons après coup que tous ces films sublimes datent de 2011. Même si, à la vérité, nous croyons dur comme fer que si nous sommes allés voir les films cités, c’est parce que ce sont ceux que nous voulions le plus voir. Qu’un film rencontre ses attentes est un miracle suffisant pour nous indiquer sa rareté, et nous apporter la certitude que c’est un chef-d’œuvre.

Behold, the tops ! :

Le top 5 de Camille

5. Essential Killing, de Jerzy Skolimowski


Essential Killing est un premier poème. On n'y aime pas des scènes en particulier, on aime ce qu'il fait au spectateur. Pas seulement mal, pas seulement peur. C'est un film sans paroles, sans musique, quelque chose y parle très fort cependant. Pour en parler il faudrait le cerner, pour le cerner il faudrait le revoir attentivement. Qu'est-ce qu'on tue quand on tue ? Qu'est-ce qui est l'humain ? Ce genre de truc. C'est aussi un album de rock. Une suite de morceaux hard ou slow, mais dans lequel les scènes se répondent comme les chansons d'un CD. On n'est pas loin de Tarantino. Le générique de fin est la clé.

4. Drive, de Nicolas Winding Refn


Drive aurait figuré dans ce top 5 s'il n'y avait eu que le seul mouvement du bras dans l'ascenseur, celui de ce chevalier damné arrachant un baiser au silence avant de rejoindre la galaxie sanglante qui l'aspire au fin fond de son noyau en fusion. C'est lyrique, je sais ; ceux qui ont vu ce mouvement du bras savent que c'est à peu près comme ça qu'on a envie de parler au moment où il arrive. Seulement il y a aussi le suspense étincelant de la scène du braquage. Le tic-tac et la détonation. Et puis le calme d'un héros stoïcien comme je les aime. Du Michaux. Drive, c'est Plume possédé par Rambo.

3. Tree of Life, de Terrence Malick


Comme je regrette de ne l'avoir vu qu'une seule fois au Max Linder. Tree of Life y était plus qu'un film, c'était l'expérience mystique qu'il doit être, quelque chose de brutal, de physique, dont la détonation traversait l'écran, cet écran aboli par la flamme comme une âme que l'on voit onduler par moments. Traversait l'écran il prenait aux poumons, pas aux tripes, ni au cœur. Ce n'était plus du cinéma puisque personne ne filmait, que l'on était là où on ne peut pas filmer, hors des galaxies, au temps des dinosaures, dans l'espace entre une mère et son fils, là où passe l'amour. Et si c'était un film, rien qu'un film ? Alors ce serait l'un des plus forts, l'un des plus beaux jamais réalisés.

2. Black Swan, de Darren Aronofsky


Partis comme cela, évidemment, qu'est-ce qui peut surpasser Tree of Life ? Nathalie Portman. Vous m'auriez montré les pubs pour Dior que j'aurais répondu la même chose. Pourtant il n'y a sur cette pub que l'image de son visage. Black Swan va chercher au-delà, prospecte plus loin et touche ainsi à la destruction chez la femme, ce qu'il y a de plus profond et de plus sale - tout ce qu'aime Aronofsky, if you ask me. Et la caméra ne lâche rien, proche d'une chair qu'elle embrasse même quand elle saigne ou pleure ou crève. C'est de la pure saleté, de la douleur douce, et il y a cette musique qui embroche le visage de Portman déchirée, et le spectateur avec.

1. L'Apollonide, de Bertrand Bonello


Mais alors que peut-il y avoir au-delà de Tree of Life et de Black Swan ? Bonne question. Je n'y croyais pas, et pourtant. Voici le dernier poème. Je pourrais passer ma vie à regarderL'Apollonide. On est à nouveau collés à de la chair qui hurle, enveloppée dans du film. Dans beaucoup de cinéma. De la lumière, du son, de la musique, de l'actrice. Tout brûle, tout crie, et finalement tout se ramène à un calme qui est à la fois résignation et sérénité. "Faites comme si j'étais morte", c'est ça, c'est jouir enfin de ne plus avoir à vivre, quitter ses souffrances et regarder la laideur de loin. L'Apollonide est cette distance. Sans elle, on est dans la merde, voilà tout.


Le top 5 de Noémie

5. Une erreur : The Ballad of Genesis and Lady Jaye, de Marie Losier


Un film que je n'ai pas aimé, d'abord. Puis une rencontre : Marie Losier, créature minuscule comme les fées des vieux contes, ses yeux tristes et doux, son sourire. J'ai compris, et avec retard j'ai aimé, sans restriction. Le geste unique derrière ce film, geste de pur amour, sans idéal et sans complaisance, comme une main tendue, un pas en avant vers une morte et une vivante. Et toute entière dans ce geste, avec son inaltérable douceur, ce merveilleux petit bout de femme infiniment riche de ce qu'elle donne, envolée à l'instant de se laisser saisir. 

4. Une vraie joie : Hugo Cabret, de Martin Scorsese


Dernière toile de l'année 2011, et une fin en beauté comme on en a rarement : le conte de noël dans toute sa splendeur, avec ses bons sentiments, son happy end, ses quelques larmes et sa musique qui vous gonfle le coeur. Surtout, un film porté par une énergie bienveillante extraordinaire, dont il raconte l'histoire : celle d'un homme vaincu et réparé, dont les yeux éteints, croisant ceux d'un petit sauvageon, renouent avec les étoiles. 

3. Une souffrance : Shame, de Steve McQueen (le réalisateur, pas l'acteur mort)


Si vous voulez savoir ce que j'ai pensé du film, vous pouvez aller là. Et sinon, Michael Fassbender est l'un des acteurs les plus émouvants que l'on puisse avoir le privilège d'observer sur une toile. Touchée.

2. Des fractales : Drive, de Nicolas Winding Refn


La perfection faite film. Musique planante, lumières lentement portées sur la nuit, amour, vengeance, grandes passions de l'âme. Rien n'y manque. Et rien n'y pèse. L'unique baiser, les coups, le véhicule intercepté par l'ombre, sa trajectoire inaltérée. Une beauté froide.

1. Un éblouissement : Tree of Life, de Terrence Malick


Un film que l'on voudrait garder pour soi comme un trésor trouvé dans un champ, qui avait toujours été là, sans doute, mais que l'on était trop occupé pour voir. A peine saisi, pourtant, voilà qu'il exige d'être mis entre toutes les mains : l'herbe se redresse là où il se cachait, nos doigts s'immobilisent dans l'air, là où le don s'est fait sans que l'on ait eu le temps d'y réfléchir. Et la voici, cette lumière, passant de main en main dans le silence habité des certitudes, déployée en rayons de visage en visage, vie éternelle.

Le top fouine commun (en clair, les films dont on se repassera des scènes en boucle pour conjurer les mauvais soirs) :

5. Transformers 3, de Michael Bay
4. Fast & Furious 5, de Justin Lin
3. Harry Potter 7.2, de David Yates
2. Mission : Impossible 4, de Brad Bird
1. Tron Legacy, de Joseph Kosinski

Et on n'oublie pas les esthètes, voici le top-bouse :

5. Cars 2, de John Pomdetter
4. Green Lantern, de Bruno Coquatrix
3. Forces Spéciales, de Steven Wizoo
2. Pirates des Caraïbes 4, de Bob l'Eponge
1. Twilight 4 : Constipation, de Nathalie Kosciusko-Morizet.

 Et surtout, joyeux passage en...



C'n'N

A little treat

A une époque, dans le magazine UGC que l’on piquait au cinéma quand on arrivait en avance et qu’il fallait s’attendre à attendre avant le début des bandes-annonces, on retrouvait toujours une sorte d’interview marrante, en troisième page. Avec leur nouvelle formule, l’interview a disparu, peut-être en raison des conséquences néfastes qu’elle pouvait avoir sur ceux qui y avaient avoué pleurer devant Crossroads et détester Citizen Kane. Avec Noémie, on se l’était fait pour nous, fin 2010 ; on le relit maintenant avec un léger sourire amer : comme vous pourrez le constater à la fin, les films les plus attendus de 2011 n’auront pas été les plus réussis…


* A quel film devez-vous votre premier souvenir de cinéma ?

Camille : Orca. Je me souviens avoir appris ce soir-là l’expression « pleurer comme une madeleine ». Quand ils éventrent la mère et que le fœtus tombe sur le pont du bateau.

Noémie : Blanche-Neige. En réalité je ne me souviens absolument pas du film, j’ai été traumatisée par l’une des publicités qui le précédaient, et dans laquelle la caméra tombait dans un escalier tournant. Et j’ai rêvé de faire cette chute moi-même pendant des dizaines d’années.


* Quel est le chef-d’œuvre officiel qui vous gonfle ?

Camille : Le Mépris.

Noémie : Oncle Boonmee.

* Quel classique absolu n’avez-vous jamais vu ?

Camille : La Maman et la Putain.

Noémie : Les Tontons Flingueurs.

* Quel est le film unanimement jugé mauvais que vous aimez quand même ?

Camille : Alexandre.

Noémie : Underworld.

* Quel est le film que vous avez le sentiment d’être seul à aimer ?

Camille : Matrix Reloaded.

Noémie : Velvet Goldmine.

* Quel film aimeriez-vous faire découvrir au monde entier ?

Camille : L’Homme Sans Âge.

Noémie : Ville Portuaire.

* Quel film montreriez-vous en boucle à votre pire ennemi pour le torturer ?

Camille : N’importe quel Robert Bresson.

Noémie : N’importe quel Meg Ryan.

* Quel film faut-il voir pour y découvrir un aspect essentiel de votre personnalité ?

Camille : Qui veut la peau de Roger Rabbit.

Noémie : Blade Runner.

* Quel film vous a fait verser vos plus grosses larmes ?

Camille : The Hours.

Noémie : La Route.

* Quel film emporteriez-vous sur une île déserte ?

Camille : Star Wars III.

Noémie : Gladiator.

* Quel film attendez-vous avez le plus d’impatience ?

Camille : Tintin.

Noémie : Sucker Punch.

C'n'N

23 décembre 2011

Hots Shots de fin d'année

Deux films qui n'ont rien à voir

MI4 : Protocole Fantôme, de Brad Bird

Il n'y a pas moins intime qu'un Mission Impossible. Néanmoins, y consacrer sa pause digestive du début d'après-midi, dans l'IMAX désert (si) du Disney Village, aurait presque été synonyme de confort sans un épisode de voltige à Dubaï très contrariant pour l'estomac. Nous étions sept dans la salle, l'écran immense, avec tout un abîme à nous partager. Ca fait beaucoup de vide par personne. 


Dans cette atmosphère cosy à laquelle il ne manquait qu'une tasse de thé et quelques scones, nous avons passé un fort bon moment. On peut penser tout ce que l'on veut de Tom Cruise, sa scientolographotétraparanormologie, sa fille en talons hauts et sa femme sous Prozac, ce qu'il fait est toujours bien fait. Pas de surprise : ce MI4 est exactement ce qu'un MI doit être. Un feuilleté action/plan d'action croustillant et bien doré à l'image de synthèse, moelleux à l'intérieur comme le muscle bien entretenu du quinqua nouvelle génération, aux réflexes pyrotechniques et au cheveu brillant. Presque rien n'est crédible et tout est très joli. 


Le problème avec les films honnêtes, c'est qu'il se trouve toujours quelques énergumènes prompts à se jeter dessus pour y plaquer avec du gros scotch quelques méditations sur l'art, les théories de la représentation et du récit, les supposés sous-textes politiques, et la vie même. A chaque saga ses thuriféraires de la dernière heure, comme à chaque guerre ses résistants de la dernière seconde : pour le plaisir gratifiant de médire du dernier-né, on se met à trouver dans ses prédécesseurs des trésors de philosophie, un génie de l'intrigue, une vraisemblance aussi souveraine que la main de Dieu sur la glaise où s'esquisse l'homme, un gros paquet de sens. Mais je m'égare. De quoi parlions-nous donc ? De La Démocratie en Amérique ? De Jean-Luc Godard ? Du Pari pascalien ? Tout cela n'a pas grand-chose à voir avec Mission Impossible, à un détail près : moi aussi, je parle en code. Mais vous l'aviez compris. 

Une petite photo bien lol de Léa Seydoux pour terminer. 
On t'aime Léa, même quand on ne comprend pas très bien ce que tu mimes. 
Ni à quoi tu sers.

Shame, de Steve McQueen

En guise d'apéritruc, une salve d'applaudissements pour notre bien-aimé confrère F. de A nous Villiers-le-Bel qui nous rappelle avec un imparable sens du détail que le Steve McQueen dont il est question est "le réalisateur de Hunger, pas l'acteur mort"*. 

(...)

Revenant à mes moutons, la petite blague faite, je n'ai plus du tout envie de rire. Le film de Steve McQueen est de ces constructions intransigeantes qui lentement mais sûrement vous prennent à la gorge et vous désarment, tout envahis d'une implacable lourdeur d'être. Une palette de lumières blanches déployées sur des images toujours un peu trop longues, pour que nous soyons obligés de voir. Une filature sans clefs, sans expertise, partageant avec sa cible un glaçant inconfort. 


Poussant les portes du Max Linder, nous pensons être prêts pour Shame. Nous croyons, comme souvent, qu'il suffit de savoir de quoi parle le film. S'il doit parler de nous, nous arrivons comme brisés d'avance, tout frémissants, presque flattés, le mouchoir dans la poche. S'il doit parler d'un autre, nous entrons dans la salle comme on en sortirait, tranquilles et propres sur nous, l'oeil connaisseur. 


Que s'est-il donc passé ? A croire que nous venions observer l'Autre, nous en sommes ressortis tout nus, et plus fragiles, avec la certitude inattendue que Shame n'avait jamais parlé que de nous. La peau à vif, comme si à détailler Brandon, son âme avec son corps, nous avions oublié le nôtre dans la neige, des heures durant, des heures. 


Noémie

* Authentique.

3 décembre 2011

Twilight 4 - Cataplasme

Pour ceux qui nous croiraient malades, quelques mots sur Twilight 4, que nous sommes bien-sûr allés voir, et au Mk2 Bibliothèque encore, tradition oblige. Très vite pendant la séance, l'atmosphère s'est détendue, nos éclats de rires ont conquis quelques autres rang qui ont peu-à-peu cessé de prendre au sérieux ce film où l'on vous fait passer pour du grand spectacle des huskies géants qui reçoivent des droites pendant 10 minutes. A la fin pourtant, certains fans nous regardaient de travers. Ceux qui auraient probablement le mieux aimé nous tuer s'embrassaient langoureusement, enlacés, debout au dernier rang, de temps en temps ils se regardaient dans le blanc des yeux, on s'est demandés avec horreur si le mec s'était pas plus ou moins servi de la scène de mariage entre Edward et Bella pour faire sa demande.

"Quoi, j'ai lancé, ne nous faites pas croire que vous nous en voulez d'avoir un peu gloussé.
- Ça fait un an qu'on l'attendait, a répondu une jolie brune au rang derrière nous. Vous avez ruiné la séance, vous n'avez pas honte ?"

Aux rangs de devant, sur les côtés aussi, les gens l'avaient entendue. Un type est intervenu : "Nous vous avons sauvé du piège intellectuel mortel qui aurait consisté à prendre ces conneries au sérieux." Je l'ai remercié avant de renchérir : "Avouez que la mère qui donne un collier à Bella en disant que c'est son premier bijou de famille, juste avant la nuit de noce, ça fait con.
- C'est les sous-titres.
- Avouez que les loups qui s'engueulent par voix-off interposée, ça fait con.
- Toujours moins que de les faire parler vraiment.
- Avouez que le type qui casse le lit en faisant l'amour pour la première fois, jouit quatre secondes plus tard et ne retouche plus jamais sa femme parce qu'il a peur de la brutaliser, ça fait pas seulement con, ça fait glauque.
Elle s'est tournée vers sa voisine et lui a raconté un truc sur un garçon qui battait sa copine quand il jouissait trop vite. Là, il s'est passé quelque chose d'assez intéressant : les deux filles ont eu l'air de faire une concession.
- Oui, ça...

Comme si les fans de Twilight savaient que c'est nul et qu'ils l'acceptaient. Partant de là, je ne serai pas surpris si les salauds cupides qui produisent tout ça ne demandent pas délibérément aux réalisateurs d'être mauvais. Un peu comme le type moche qui s'enlaidit encore plus pour faire rire son entourage, être sûr d'être accepté en répondant aux attentes des gens. Je vous dis, dans la salle, la moitié du public était venue pour rigoler. Si ça se trouve, le cœur de cible, c'était nous.

J'ai demandé à la brune ce qu'elle aimait dans Twilight. Sa copine blonde a répondu :
- Taylor Lautner est très beau.
Ce qui rejoint ce que j'écrivais dans mon dernier post : Twilight se vend comme du porno et ne joue que sur les pulsions sexuelles. C'est même pire que du porno, puisque Twilight entretient la frustration là où même le plus naze des films X finit par une éjaculation.
Elle m'a traité de vicieux.
- Est-ce que ça ne vaut pas mieux ?, j'ai poursuivi : Twilight ressemble à une longue inception visant à persuader que 1) Buter des criminels n'est pas si grave 2) On n'avorte pas, même si le bébé est un monstre qui vous bouffe de l'intérieur (cette fille qui passe son temps à corriger "bébé" quand on dit "fœtus"...) et 3) Tout est meilleur si c'est faux.

J'aurais été ravi de me taire à ce moment-là et de partir mais des dizaines d'yeux hostiles s'étaient rivés sur moi et attendaient que je continue de parler pour saisir une opportunité plus facile de me clouer le bec.


- Dans Twilight, on boit du sang contenu dans des poches en plastiques et on le boit à la paille ; on transforme quelqu'un en vampire non pas en le mordant mais en lui faisant une piqûre. Tout est décalé, démonté, tout ce qui est vrai, direct, charnel et sincère est délayé. Mordre Bella pour la première fois et la dépuceler auraient dû constituer un seul et même acte mais ça aussi est décalé : il la saute, et la mord deux heures plus tard - et seulement une fois qu'elle est morte ! (petite scène de nécrophilie assez sympa, je reconnais : cette bouffée d'air ouvertement malsain faisait un bien fou).
Si vous enlevez les vampires et les loups-garous, et ne gardez de Twilight que ce qui est un miroir de la réalité, vous n'obtenez pas seulement un film con comme Sarah Palin (il est plusieurs fois question d'Alaska dans la saga, si je ne m'abuse), vous obtenez un plaidoyer pour la survie en milieu aseptisé. Et c'est ce que vous voulez : pas un film qui soit bon, mais un film qui corresponde à ce que vous attendez. Vous-même avez dissocié la chaîne naturelle de cause à effet qui veut qu'on aille voir un film parce qu'il est bon. Déconnectés de la réalité.


A ce titre, le dernier plan du film n'est pas seulement scandaleux, il est symptomatique. Le gros plan sur les yeux rouges de Bella qui ressuscite sous forme de vampire est un plagiat honteux du dernier plan d'Avatar, tout le monde y a pensé. Pourtant, Twilight est le contraire d'Avatar : là où le film de Cameron est entièrement technologique mais dégoûté de la technologie, Twilight est cheap et rêve d'un monde où rien n'est direct, ou tout est médiatisé et passe par un outil. Twilight, c'est le cri du singe dans 2001 Odyssée de l'espace, du singe qui se rend compte qu'il peut taper sur un autre singe avec un os plutôt qu'avec ses poings. Les loups en image de synthèse, c'est encore ça : Twilight ressemble à l'adaptation de ces tableaux beaufs sur lesquels des huskies posent devant la Lune. Eh ben, c'est le cri de singe des types qui sont contents d'avoir recréé ces images merdiques par le truchement d'un ordinateur plutôt qu'avec des gros pastels.
- Tous les films hollywoodiens sont cyniques comme ça. C'est une industrie, on l'accepte, on le sait, a fait remarquer la brune.
- Oui, sauf qu'ici le cynisme des producteurs n'est aucunement filtré par la créativité d'un réalisateur. C'est du cynisme à l'état pur. Y avait-il vraiment besoin de faire deux épisodes pour ce dernier livre ? Ici, tout dure quinze plombes parce qu'il faut tenir deux heures. On a même droit à une scène où machin fait ses bagages. Rien, absolument rien d'important ou même d'utile à l'histoire ne se passe entre le mariage et l'accouchement. Et ce rien n'est même pas intéressant, comme pouvait l'être le rien de la première partie en forêt d'Harry Potter et les Reliques de la Mort.
Vous êtes les victimes de ce que le cinéma peut faire de plus corrompu, de plus laid et de plus cupide, et vous ne savez même pas pourquoi vous choisissez d'y céder."

J'étais content de ma conclusion. Il y avait à présent une ambiance de merde. Le flûtiste du générique de fin s'était enfin pendu. La blonde et la brune sont parties sans sourire. J'avais l'air très con. Personne n'étale sa science comme ça à la fin des films. Et sûrement pas à la fin de Twilight. On n'apprend rien à personne, on se rend antipathique et on a l'air prétentieux. Les gens y vont pour faire quelque chose de bête. Ils le savent. Ils aiment Twilight et savent que c'est mauvais : c'est la signature de la saga. Sinon, qui accepterait un final débile comme le coup de foudre entre Taylor Lautner et le bébé ? Le prénom de ce bébé : Renesmée ? La tronche de gastroentérite que tire Kristen Stewart du début à la fin ?

Aussi ne dirons-nous aucun mal du prochain qui sortira. Espérons que nos agents infiltrés au service des sous-titres nous serviront encore quelques beaux bijoux de famille.


C.


P.S. Bien entendu, tout était vrai dans ce qui vient d'être raconté.