30 juillet 2010

Objet Cinématographique Non Identifié

Sucker Punch, de Zack Snyder, sortie prévue en 2011.

27 juillet 2010

Dog Pound, de Kim Chapiron.

Entre les murs

Tout a commencé avec Prison Break. Cette phrase inaugurale, pour accrocheuse qu'elle puisse vous paraître (comme vous êtes indulgents), est bien évidemment un scandaleux raccourci. On n'a pas attendu Prison Break, loin s'en faut, pour filmer la prison. C'est même tout le contraire. Dès que la caméra est arrivée, ou presque, on s’est empressé de l’emporter dans les recoins sombres, pour montrer à l’humanité rangée le visage de l’humanité mauvaise, de la même façon que, la première flamme à peine attisée, les ancêtres préhistoriques s’empressèrent d’aller la porter dans les cavernes, pour voir s’ils y dénicheraient Platon (autre raccourci plus désinvolte encore, c'est les vacances et je suis trop paresseuse pour les bons mots d'esprit, pardonnez-moi).

Ce n’est guère la première fois qu’un film de prison fait parler de lui. Le genre a toujours plu, toujours trouvé son public, gros durs naviguant à revers de Scarface ou midinettes au cœur battant (« Tout de même, le jeune meurtrier, il est pas mal »), les mirettes à moitié cachées par une main tremblante aux doigts trop espacés. Tout ce monde va voir Dog Pound, et là encore tout de même, le jeune déjanté, il est pas mal, avec sa moue crispée et son œil asymétrique mais bleu, si bleu.



























Or donc, tout avait commencé avec Prison Break. C’était la première fois que le très grand public était invité à suivre sur le long terme, de saison en saison, l’épopée en sous-sol des damnés de Fox River. La fange carcérale devenait fashion.
Rappelez-vous : deux frères. Un beau gosse intelligent, l’œil bleu symétrique, l’air grave, avec la générosité d’être innocent et l’élégance de se laisser tenter, à l’occasion, par le côté obscur de la Force. Un grand costaud très costaud, bulldozer à ses heures, suffisamment dévoué pour mettre en péril les raffinements stratégiques du cadet à force de bonnes intentions un peu frustes. Autour d’eux, une poignée de mousquetaires des bas-fonds, gentils durs et vraies canailles, Roméo latino, père de famille, violeur-meurtrier-tortionnaire-pédophile mal repenti, mafieux de cinéma. Des gardiens. Une prison. Et ça marche, admirablement d’abord, au fil d’une première saison en huis clos déroulée avec une maestria rarement observée sur le petit écran. Le public suit avidement, en redemande, perd le sommeil à attendre ce nouvel épisode qui ne vient pas et dans lequel Michael Scofield sauvera enfin son frère, ses mousquetaires (les faux méchants seulement), sa jolie doctoresse, son honneur, les billets verts de son papy d'adoption. Et tandis que la grande évasion s'élabore avec une fragilité délectable, tout nous est dévoilé peu à peu des arcanes de la prison, trafics honteux et nécessaires, corruptions et alliances, déviances sexuelles, suicides, techniques de la médecine et du bâtiment.

Après Prison Break, le grand public sait tout ce qu’il y a à savoir sur la prison. Et il en redemande. Ambitieux dans son discours comme dans sa fabrique, le Prophète d’Audiard reçoit un accueil vibrant, et Tahar Rahim, inconnu au bataillon, devient le Scofield messianique et poète des plus exigeants. La prison se fait forêt de symboles, et les spectres discrets de Fox River prennent le temps de venir hanter les heures du captif. A la dialectique fraternelle se substitue un collage père-fils difficile et intenable au-delà des murs. Il y aurait beaucoup à dire sur ce clanisme carcéral tenté par le tropisme familial, rêvant le père sous les traits du protecteur de circonstance. C'est là un bien plus gros morceau, auquel je n'ai pas la patience de m'attaquer maintenant, confortablement installée dans un fauteuil mou, presque engourdie par le bruit des vagues.


C’est peu dire que Kim Chapiron surfe sur une tendance. Le parti-pris de Dog Pound est d’une franchise qui semblerait charmante si elle ne sentait pas l’opportunisme à plein nez : Kim Chapiron vous dira tout sur les prisons d’ados. Soit. Et le public de se jeter sur son film, persuadé de compléter à bon compte sa connaissance encyclopédique du milieu carcéral. Pourquoi pas ? Ajoutez à cela que, comme on a pris grand soin de nous le répéter, le casting se compose d’amateurs pêchés dans ce même milieu, et l’ivresse est totale : de vrais détenus jouant les faux détenus, finalement, c’est comme voir de vrais détenus tout court. Une fois encore, le public suit.

La visite guidée commence en fanfare. Trois héros, trois flashs très courts centrés sur la faute, trois cartons en police jaune, trois noms, trois délits. Après cela, plus personne ne franchira les murs avant l’ultime, fugace et prévisible aperçu du soleil, juste avant que les portes de l’Enfer ne se referment sur le héros martyr, les jambes brisées comme le larron en croix.






Entre temps, Kim Chapiron réussit la prouesse de refaire en 1h31 ce que Full Metal Jacket faisait en 20 minutes inaugurales avec lesquelles il était bien évidemment vain de prétendre rivaliser. Comme tous les jeunes réalisateurs (c’est son deuxième film), Kim Chapiron a du mal à se détacher de ses références, revendique à toutes ses interviews le droit de « rendre hommage » aux Grands. Posant sous le saint patronage de Truffaut et Pialat avec une humilité un peu louche, il semble de ceux qui ont la belle simplicité de s'effacer devant la Nature pour la plus grande gloire d'un jeune cinéma documentaire. Avec une modestie admirablement jouée, il confesse avoir lâché la bride à ses "vrais détenus" pour la fameuse scène d'émeute. Que de belles manières, jusqu'au générique final, et le merci galant à Ludivine Sagnier, sa compagne. Seules les plus mauvaises langues auraient l'esprit mal tourné au point d'y voir la revendication d'une appartenance à tout ce que la jeune intelligentsia du cinéma français a de plus in, et par in, vous comprendrez ce que vous voulez.

En langage honnête, Truffaut et Pialat me semblent bien n'être ici que des divinités tutélaires de façade. Mais Chapiron joue très bien, et vous croirez volontiers à sa sincérité, s'il vous plaît d'y croire. Inconsciemment ou non il se trahit, cependant, dès les premières secondes dès les cartons en police jaune empruntés à Tarantino, jusque dans la scène de tabassage nocturne, purement et simplement copiée sur Full Metal Jacket. Et si vous m'en croyez, moi qui suis peut-être la pire des mauvaises langues, ne perdez pas votre temps à chercher entre ces murs l'ombre sacrée de Truffaut : il ne s'agit pas d'ombre ici, mais d'un Kubrick bien réel, avalé tout rond, mal digéré. Tout ce qu'il y a à voir dans Dog Pound, nous l'avons déjà vu. Faut-il cependant enterrer Chapiron parce qu'il n'invente rien ? Il n'y pas que du mauvais dans Dog Pound. Tout d'abord, et ce n'est pas rien, il me semble éviter l'écueil du manichéisme (si vraiment ça vous intéresse, je développerai. Mais je vous préviens, j'ai la flemme). Les jeunes acteurs sont vraiment bien, la féodalité instable qui définit l'univers carcéral très justement rendue. La scène de sport collectif (parfaitement cliché au demeurant, mais toujours réconfortante) fonctionne à merveille. Quelques jolis effets de cadre, et en même temps, qu'y a-t-il à faire d'autre d'un décor de prison, quand on n'a pas la riche palette en ombres et lumières d'Audiard ? Non, décidément, enterrons Dog Pound, il est trop malhonnête. Tenter de nous faire prendre une fan fiction kubrickienne d'adolescent pour du Truffaut, et avec l'air modeste en plus ! Non, vraiment, c'est énervant. Plus grave encore, je me demande si tout cela n'est pas le signe que le versant fashion post-Prison Break est en train de tourner au voyeurisme stérile : comment expliquer, sinon, que le public revienne avec autant d'empressement à ce qu'il a déjà vu ? Dans le ciel documentaire, rien de nouveau. Je ne ressens pas l'envie de m'attarder encore sur une scène de viol de prisonnier par un petit camarade. Mais si c'est vraiment ce que vous voulez, revoyez Pulp Fiction. Le vrai drame, dans cette affaire, c'est que Dog Pound, arrivé bon dernier d'une longue course à l'image, et tout plein de réel qu'il est, n'a plus rien de dérangeant pour une génération qui connaît son Kubrick, et son Tarantino, par coeur.


Noémie.

PS : Sauvons tout de même Adam Butcher.

19 juillet 2010

Edito

Night & Holiday


Oh... Trois semaines sans un mot, même pas un signe (de ponctuation), pas un film ou une image, c'est le plus grand silence auquel nous vous aurons confrontés. Bien conscients que cela n'aura pas terni le bleu de votre ciel, nous voudrions quand-même vous stipuler que, d'où nous sommes, nous culpabilisons (un peu).
Pourtant les fraîches salles obscures nous invectivent, comme un enfant sur un tricycle avec les bras levés : "Regarde-moi, regarde-moi !" Et nous avons les yeux sous l'eau. Même notre lecteur DVD commence à craindre que nous n'ayons pas finalement choisi le réel.
Il a bien tort de s'inquiéter, et vous aussi. Le rythme est différent : cela peut signifier une pause comme un staccato de posts à venir.

Or donc...

Sachez pour l'instant que la beauté bleue qui nous environne ne nous a pas fait oublier la présence à l'affiche de Toy Story 3 et d'Inception, dont on parlera sans doute encore au moment des top-10 de fin de décennie, en 2020. Avant cela (on l'espère), nous les verrons, nous vous en parlerons. En attendant, foncez-y !


Et puis, un détail. Vous avez sans doute remarqué, cette semaine, l'apparition d'une des taglines les plus pourries de l'histoire de la pourritude : "Elle l'a rencontré dans un avion, il va la mener en bateau." Et vous vous êtes dit, what the fuck ? devant cette affiche où, autour de narines dilatées par les hormones d'été, on distingue Tom Cruise, Cameron Diaz, et un titre à la con : Night & Day.

En cinq minutes, trois choses sur ce film (qu'on n'a toujours pas vu, hein).

1) Le titre original est Knight & Day. Comme Knuit & Jour n'est pas vendeur (encore que), on a perdu le jeu de mot au change, et le "Chevalier" est devenu une "nuit" banale dont on se fout. Night.
C'est-à-dire que la traduction a largué au passage le petit désir d'originalité du réalisateur James Mangold, pourtant pas célèbre pour son imagination : Walk the Line était l'archétype du biopic, 3h10 pour Yuma, l'archétype du western ; Knight&Day, jeu de mot ou pas jeu de mot, est l'archétype du film d'espion.

MAIS POURQUOI FAIRE ?????

Parce que Night & Day n'est pas un film, c'est un sondage. Vous l'avez sans doute remarqué : depuis 1996, Tom Cruise a vieilli. Du coup, Mission : Impossible 4, ça fait hésiter la Paramount. Ce qui donne, en résumé : on a bien envie de faire M:I4. Mais on voudrait être sûrs que Cruise n'a pas définitivement gavé le public. Donc on teste. On fait faire à Tom du Mission : Impossible, avec un autre emballage.

Ça a l'air marrant, mais c'est triste. Mission : Impossible 3 est un grand film, cependant il a merdé aux USA. Et la Paramount aimerait bien que Cruise lui foute la paix avec ses cascades. Night & Day est une manœuvre pour éviter d'avoir à virer la star comme on vire un employé de Singer en Lorraine : la commande à un réalisateur sans talent d'un film dont tout le monde sait qu'il sera, au mieux, médiocre. Le public, pas idiot, se moquera bien d'un film vendu comme du foin. Et Mission : Impossible 4... Aux oubliettes. C'est Brad Bird qui va faire la gueule, le réalisateur des Indestructibles, que Cruise avait été débaucher de Pixar pour lui proposer de passer au réel.


Voyez Night&Day si vous voulez voir un acteur vendre son corps, comme on n'avait pas vu ça depuis Sean Connery dans La Ligue des Gentlemen Extraordinaires.


Ou si vous aimez les diptyques officieux, le film de Mangold étant le versant bling-boum de Crazy Night, le Steve Carrell sorti en juin. Dans tous les cas, si on prend on compte Kiss & Kill, c'est encore et toujours l'été des espions-qui-deviennent-espions-mais-oh-zut-sans-le-faire-exprès-et-merde-à-True-Lies. Génial.

Night&Day, c'est aussi le nom du court-métrage brillantissime qui est projeté en lever de rideau de Toy Story 3. C'est aussi le temps que vous passerez à repenser à Inception, une fois que vous l'aurez pris dans les yeux.

Le monde est petit, et il fait beau ; alors je vous salue ici, et je vous dis à bientôt - un post autour d'un DVD devrait venir bientôt ; ou peut-être quelques mots de Noémie sur Dog Pound, ou alors juste des images. Et puis, un jour, bientôt ! - le Pixar et le Christopher Nolan !!


Camille.