6 août 2012

Au fait, au Futuroscope, ils passent quoi ?



 Comme nous tous, le Futuroscope est aujourd'hui une vieille chose de 25 ans un peu passés. On ne s'y rend plus comme dans un parc d'attraction, plutôt comme dans une sorte de festival spécialisé dans l'IMAX décatie, la 3D un peu cheap - un festival de ce cinéma dit "forain" dont Hollywood fait aujourd'hui ses choux gras et ses blockbusters dodus (Dark Knight en IMAX, Rebelle en 3D, vous voyez le tableau). Qu'est-ce que c'était, ce bazar, quand on y allait encore pour s'encanailler ? Vous avez compris : le petit frisson du Futuroscope, où tous les films ont au minimum l'âge de coûter 5€ à Gibert, c'est l'improbable combinaison de l'IMAX et du Grindhouse, du très-propre de la pellicule traversant ces projecteurs de deux tonnes, et du très-sale de la poussière qui s'est accumulée dans les coins du parc, et ceux des photogrammes.

blablabla
  Le Futuroscope a été frappé du syndrome Optic 2000. Vous savez, ces opticiens qui ont eu l'air très con quand on a changé de millénaire, il y a 11 ans. Lorsque le Futuroscope a ouvert il se tournait vers l'avenir et aujourd'hui, évidemment, ce n'est plus le même kif : c'est devenu un parc consacré à une portion très spécifique du rétro-futurisme. A Disneyland, vous avez cette très jolie section, à droite de Main Street, consacrée à la façon dont on voyait le futur au XIXe siècle (Jules Verne y est très représenté). Aussi le Futuruscope se consacre-t-il aujourd'hui à la façon dont on voyait le futur en 1987. Pour l'instant, ce changement de statut n'est pas encore assumé, le parc s'imagine encore pionnier. Alors qu'on est dans les limbes du spectacle. Revue point par point de ces films sans âge, mais pas complètement. Soyez prévenus : vous risquez d'avoir finalement envie d'aller y faire un tour quand même.

* * *

1. Voyageurs du ciel et de la mer [2000/2010]

Voyageurs du ciel et de la mer est le premier des trois films du parc réalisés par de grands noms (...avec Annaud et Besson, je vous entends rire, j'y reviens tout-à-l'heure). Il s'agit de plans tournés en IMAX par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud sur Le peuple migrateur et Océans ; le tout projeté sur un délicieux procédé de double-Imax qui consiste à placer le public entre deux écrans géants, l'un en face de lui, l'autre sous ses pieds. 
Une mise au point sur l'Imax ? Sans façons. Ou très vite. Imax, pour Image Maximum. En gros c'est un format d'image. A la base, ça désignait la largeur de la pellicule - 70mm au lieu de 35. Aujourd'hui, l'Imax, c'est le 4K, cet espèce de format hyper-lourd qu'on fantasme renfermé sur une clé USB glissé par un hypothétique Père Noël hollywoodien dans la cheminée des cinémas du monde entier. Gag : le Futuroscope tourne encore majoritairement à l'Imax sur pellicule et ne s'est pas mis au numérique. 

 

Quel est l'intérêt de l'Imax ? Voir des machins toujours plus grands ? Même pas. Par exemple, le Grand Large du Grand Rex, boulevard Poissonnière, est plus large qu'un écran Imax. Il mesure 25m de largeur sur 12 de hauteur (25x12), tandis qu'un écran Imax en fait 16 de haut mais seulement 22 de large (22x16). A vous de choisir. La largeur ou la hauteur. Mais cela nous éloignerait de notre sujet d'origine. L'intérêt de l'Imax n'est en tout cas pas une histoire de taille ; il est où alors ?

 Réponse 1 : nulle part, lâche-moi.

 Réponse 2 : dans une caméra Imax, qui pèse déjà très lourd (selon le modèle, cela va de 25 à 100kg), on ne peut pas mètre 50 heures de pellicule vierge. C'est une bête très lourde. Au Futuroscope il faut toujours garder ça à l'esprit : chaque film consiste à emmener en balade 200kg de matos. Le but du jeu étant de les emmener le plus haut possible.  Dans les Andes, dans l'Himalaya, dans l'espace, etc.

quelque chose comme ça
 D'où l'intérêt (relatif...) d'avoir tourné des morceaux du Peuple migrateur avec. Vous savez, ce film tourné en ULM. Voilà, gag. La caméra pèse deux tonnes, du coup, difficulté accrue de voler, cadrer correctement n'y pensez même pas, résultat : les types ne pouvaient pas mettre plus d'une minute de pellicule pour chaque session en vol et quand on filme des animaux - ce qui nécessite beaucoup de patience et surtout de temps - un plan réussi en Imax a tout d'un miracle. 

en vrai c'est un peu moins bien quand même, hein
  Le hic, c'est que les images d'Océans (documentaire sorti début 2010) projetées sur l'écran inférieur ont l'air beaucoup plus propres que celles du Peuple Migrateur. Et voilà le Futuroscope dans toute la splendeur de son paradoxe : vous avez face à vous des oiseaux de l'an 2000, et sous les pieds des baleines de 2010 ; une sorte de montage à la one-again tend à vous donner l'illusion que les premiers volent au-dessus des seconds

Pour être honnête, il faut mentionner certains plans zénithaux (caméra en vol, tournée vers le sol) qui se déploient sur les deux écrans à la fois (ils ont dû coller deux caméras l'une à l'autre et tourner en hélico, j'imagine). C'est pas mal. Problème : la segmentation de l'écran inférieur. La vitre qui soutient les gradins est découpée en rectangles par la charpente opaque du sol. En fait d'Imax, on se retrouve avec plusieurs petits écrans collés l'un à l'autre. C'est con.

2. Les ailes du courage [1995]


 Les ailes du courage, c'est un peu le Citizen Kane du cinéma Imax - ce qui vous donne une idée du niveau général des films de cette catégorie, sachant qu'Orson Welles, dans ce cas, s'appelle Jean-Jacques Annaud. Bon, je trouve L'Amant magnifique, Le Nom de la Rose est ce qu'il est et on a vaguement défendu Or Noir sur le blog l'an passé. Toujours est-il que Les ailes du courage est le premier film à avoir été tourné en IMAX et en 3D. Pfouy.
 Le grand classique n'a plus les hommages de l'Imax pour lequel il a été conçu. Il passe donc sur un petit écran - et en VF. Tant pis pour la voix suave du Val Kilmer des beaux jours, mesdemoiselles. Il est ici Jean Mermoz, sorte de mentor vaniteux du petit Guillaumet, dont le film retrace la survie pas croyable dans la cordillère des Andes. Quelques scènes de vol sympa en 3D, bien-sûr ; on imagine Annaud tout content d'avoir fait monter la grosse dame Imax dans les sommets enneigés d'un quelconque col de Caradhras (Carahdras? Caradrhas ? pft). Sinon le film est gentiment nunuche, façon Annaud quoi, avec quelques trouvailles (le type qui se fabrique une tombe pour qu'on le repère du ciel), et puis Gabriel Yared a composé la musique (Gabriel Yared : L'Amant, Le Patient Anglais).

 Petit à petit, on comprend mieux le problème de Jean-Jacques Annaud : l'homme filme en IMAX tout le temps, même en 35mm. C'est-à-dire : comme si sa caméra avait toujours un gros cul. Très peu de travellings, ou alors très très lents. Majorité de plans fixes. Ça marche quand on adapte des écrivains, qui ont eux-mêmes souvent un gros cul. Moins quand on se prend pour David Lean...



3. Le Petit Prince [2011]

Star des pubs pour le parc dans le métro, attraction la plus récente, Le Petit Prince est un cinéma dynamique pour enfants, que l'on regarde debout sur une plateforme hoquetante. Il y a des bulles et des éclaboussures, et la musique est nulle à pleurer. L'animation fait penser à un film de fin d'études projeté au festival d'Annecy. La salle d'attente est jolie, cela dit. Poulpe, dauphins et méduses animatroniques géants. Charming.

4. Planète Bleue [1980 ? 1970 ? 1812 ? -10 000 ? Honnêtement je ne veux pas le savoir.]

Quand l'Imax passe sur un écran bombé, il devient de l'Omnimax. C'est ainsi. A l'Omnimax du Futuroscope, l'écran lui-même est si vieux que les jointures se voient, même quand le film est projeté dessus (la Géode de Paris a le même problème, pour autant que je me souvienne). Résultat : segmentation de l'image maximum, effet de gigantisme divisé par autant de portions découpées. Planète bleue est un docu acheté 12 dollars au Smithsonian Museum il y a 20 ans, traduit en VF à l'arrache : écologie 1.0, plans de 4L et de 205 sur les Champs Elysées. Au secours.

5. Du côté des Pandas  [2001]

 

Ecologie 1.0, le retour. On est cette fois à l'intérieur du "Kinemax", le bâtiment qui ressemble à un cristal. 

Du côté des Pandas consiste encore et toujours à emmener la grosse caméra partout. Ici dans les montagnes de Chine, sur des ponts suspendus - le caméraman joue à se faire peur, les planches pourraient craquer sous le poids de la caméra, bla bla bla. Le plan, lui, ne rend rien. Le problème avec les films en IMAX, c'est que les types qui s'en occupent ne regardent que l'image. A fortiori les directeurs du Futuroscope. Ils s'imaginent que le public ne va voir que des images. On se retrouve avec des films au scénario débile, au montage pathétique (fondus enchaînés systématiques), à la musique regrettable (ici, le compositeur Randy Edelman est l'homme derrière la musique de McGyver et La Momie 3), aux acteurs douteux (malgré Maria Bello face aux pandas, vue dans History of Violence) - sans oublier un doublage VF digne des grandes heures de Dallas en maison de retraite le mardi après-midi.
 J'allais dire, il faudrait que de vrais réalisateurs s'occupent de tourner en Imax, mais je n'ai pas encore vu Dark Knight Rises (je le verrai sur petit écran, malheureusement - Max Linder : 16x6m - ou pas).

6. Sea Monsters [2007]

 Film en Omnimax et en 3D (ce qui n'est pas systématique, à la Géode de Paris par exemple, il arrive que les films en 3D soient projetés sur une petite partie de l'écran seulement). Le narrateur s'appelle Bernard, raconte n'importe quoi, mais alors n'importe quoi. Travelling flous. Plans réutilisés plusieurs fois. Effets de surgissement à gogo.

7. Coup de foudre à Pizza Hill [2011]

Ambiance festival d'Annecy à nouveau, pour ce film dynamique pompé sur Le Cinquième Élément. Besson n'est jamais loin, d'ailleurs c'est avec Le Grand Bleu que le Grand Rex avait inauguré le Grand Large en 88.

8. Cosmic Collisions [2010]


 Film projeté au Planétarium. Voix-off en VO : Robert Redford. VF : Lorànt Deutsch. Hahaha. 
 Ce serait dommage de s'en priver pourtant : le charme discret des Planétariums opère encore. Hollywood s'est emparé de la 3D et de l'IMAX, c'est le dernier territoire à conquérir. Vas-y Scorsese, fais-nous un film pour Planétarium. Vas-y Spielberg. Vas-y Dolan (il paraît que son dernier est bien, il faut savoir s'ouvrir. Et puis un film d'amour aurait tellement de gueule. On verrait des filles pleurer à la place des étoiles. On regarderait leurs larmes couler comme des météorites ! Vivement 2030)

9. Vienne dynamique [1994]

 Pas facile de parler d'un film dynamique. Il faudrait mémoriser en plus des images et du son les mouvements de la plate-forme où l'on est installé. Tout ce dont je me souviens ici, c'est de la trouvaille qui consiste à pencher les sièges en avant quand la caméra effectue un travelling ascendant, ce qui donne l'impression d'être enfermé à l'intérieur, derrière l'objectif, et de s'élever en même temps que la grue. Bien vu.
 Désormais tous les films dynamiques sont en animation 3D, alors celui-ci fait office de dinosaure. Du coup, ils ont rajouté il y a 6 mois, sur les côtés de la salle, des écrans qui diffusent des images en relation avec ce qui a été tourné en 1994 (paysage qui défilent, passants qui vous regardent, éclairs lumineux...). Le Futuroscope dans toute sa splendeur, à nouveau : 1994 en face, 2012 sur les côtés. 

 

 10. Arthur et les Minimoys, l'aventure en 4D bla bla bla bla [2009]


Luc Besson, donc. A conçu cette attraction qui reçoit l'année dernière le Grand Prix de l'Attraction qui Déchire le Plus au Monde. C'est mérité, allez. Si les films qui l'inspirent sont nuls, c'est qu'ils ne valent qu'en tant que prétextes à ces quelques minutes passées dans un cube de verre au Futuroscope. L'inverse de Pirates des Caraïbes, quoi.

sinon le type à droite est un parfait inconnu
Arthur et les Minimoys est une sorte de Best Of du parc tout entier. On vous place dans des sièges dynamiques à l'intérieur d'une grosse coccinelle. Face à une Géode. Gigantesque, façon Omnimax. Et on vous fait enfiler des lunettes 3D. Ajoutez à cela quelques courants d'air derrière les cheveux quand un énorme moustique vous dépasse, interminablement, en vrombissant sur votre droite, et puis des baguettes qui cliquettent contre votre siège quand des araignées recouvrent l'écran - l'immersion est absolue, incroyable. Ça ne sert à rien mais qu'est-ce que c'est joli. 

 

 Voilà le Futuroscope : dernier refuge des grands faiseurs comme Annaud et Besson. Quand ces deux-là seront cuits pour de bon du point de vue créatif, il faut leur souhaiter de se retirer au Futuroscope. Leur Villa à eux, née à l'époque de leur premiers succès. Qu'ils retapent le parc. Qu'ils en fassent une ode aux vieux de 25 ans déformés. D'ici là, si vous pouvez voir Dark Knight Rises en Imax, foncez !

Oh, il y a aussi ce truc, Les Animaux du futur. Ce n'est pas un film, plus une attraction façon Disneyland, où on vous assoit par deux dans des casseroles montées sur des rails. Je m'étais retrouvé assis à côté du concepteur lors d'une séance d'Avatar au Max Linder. Le type m'avait laissé étaler ma petite science sur la 3D pendant une heure avant d'annoncer qui il était. Golry. Le fait est qu'il a dû baver devant Pandora. Son monde virtuel à lui est beaucoup moins... efflorescent, disons. Les Animaux du futur repose sur le principe de la réalité augmentée et c'est précisément le genre d'attraction qui fera rire en 2022. Et qu'ils auront gardée... Future œuvre high-tech et grindhouse, en somme, comme Les ailes du courage.

 Le Futuroscope, ou l'art du rétro-futurisme par anticipation. L'une des boutiques s'appelle "La fabrique de souvenirs". C'est ça. Ici, on fabrique le futur du passé. Ou quelque chose comme ça.

 

 c.

P.S. Il existe 5 cinq salles IMAX en France susceptibles de diffuser Dark Knight Rises. Une à Disneyland, une à Ivry-sur-Seine, une à Rouen, une à Lyon, une à Toulouse. Toi qui nous lis depuis Châteauroux, pardon de t'avoir vendu du rêve pour rien.

4 août 2012

Dimanche soir à Lama

A Lama, en Balagne, se tient depuis dix-neuf ans un festival de cinéma en plein air, où votre envoyée spéciale a vu de très beaux films et fait quelques photos. Dimanche soir, c'était la séance pour les enfants (Little Bird, de Boudewijn Koole) au Mercatu, dans une ruelle...












Noémie

PS : On ne voit plus grand-chose vers la fin, c'est indubitable. Blâmez sans scrupule mon absence totale de prédispositions photographiques, puis pardonnez-moi, si j'ai réussi à vous transmettre tout de même un peu de l'ambiance...