24 août 2011

CAPTAIN STEVEN

Bien essayé, Joe Johnston ! Mais rien ne résiste à la machine à daubes que sont les studios MARVEL.


Vu Captain America cet après-midi, énième resucée d'Iron Man 2, de L'Incroyable Hulk, de Wolverine, de Thor, du Spiderman et des Avengers à venir (l'idée de l'auto-resucée permanente a quelque chose d'obscène et c'est tant mieux, le but étant clairement de vous dégoûter des productions Marvel). Je ne mets pas dans la liste des calamités le premier Iron Man : étant l'original, il n'a rien à se reprocher...

Captain America, donc, a coûté dans les 150 millions de dollars, inégalement répartis entre des acteurs haut-de-gamme (Tommy Lee Jones en pilote automatique, Stanley Tucci encore trop bon au milieu de la débandade - oui, je pense à Lovely Bones), un (assez) bon réalisateur (Joe Johnston) et un (jadis) bon compositeur (Alan Silvestri) priés de faire comme s'ils étaient vraiment mauvais - et un scénariste, même si ce dernier n'a pas dû recevoir grand chose. C'est rageant à la fin ! On nous avait dit qu'un bon film, c'était, 1 : Une bonne histoire et 2 : Un bon méchant. Ici, l'histoire est encore celle du héros naissant et le méchant, un super-héros (au sens où il a les mêmes pouvoirs que le héros, mais en mieux, en hybristique).

Tout cela, c'est la faute de Steven Spielberg. Il a beau se planquer derrière ses sublimes travellings ascendants de chevaux qui galopent (ici), on n'a vu que lui cet été. Contrairement à Super 8 et Cowboys et Envahisseurs, dont il est producteur, il n'est a priori pour rien dans Captain America. Et pourtant ! Le film n'a pas commencé depuis un quart-d'heure que le voilà nommé. Mais si : le gringalet joué par Chris Evans change tout le temps de nom pour tenter de s'enrôler dans l'armée, et son copain lui dit : "Et comment tu vas t'appeler, cette fois ? Steve from Ohio ?". HAHA, LOL, BLINK BLINK - eh oui, c'est un peu ridicule mais ça fait partie des trucs que je sais : Spielberg est de Cincinnati. Dans l'Ohio.

Pas d'erreur possible : Johnston est l'un de ses poulains. Il est le réalisateur de Jurassic Park 3, et c'est le genre d'expérience qui tisse des liens. C'est bien simple : il y a eu trafic de réalisateurs entre Spielberg et la Marvel. Captain America, c'est Soldat Ryan & Envahisseurs : le mélange de film historique et de SF ne peut pas être une coïncidence (en plus d'être tellement Super-8-esque). Puisque Cowboys & Envahisseurs a été réalisé par Jon Favreau. Et que Jon Favreau a réalisé Iron Man. Un Joe contre un Jon, quoi.

(je ne voudrais griller personne, mais ceci est le fond d'écran d'une certaine Noémie)

A ceux qui aimeraient à ce point du texte avoir un avis tranché sur Captain America, qu'il suffise de dire que la première moitié est bien tentée, parce qu'il y est plus question de propagande (véritable Mémoires de nos Pères/The Pacific pour les Nuls - ce sont des productions Spielberg) que de super-héroïsme, mais que la deuxième moitié est d'un ennui mortel puisque le méchant est sans intérêt, visuellement banal, prévisible et stupide (du genre à avoir le héros au bout de son super-flingue et à faire un discours de quinze plombes). La scène finale n'est ni spectaculaire ni angoissante, puisque Marvel est un studio radin qui ne donnera jamais plus de 10 millions pour un climax - c'est le principe de ses films cheap, qui ne doivent pas coûter beaucoup plus que l'impression d'une histoire expédiée sur du papier pulp.

C'est la raison pour laquelle Green Lantern a coûté aussi cher - 200 millions, c'est le budget de Titanic, eh oui. Green Lantern est un héros DC Comics, nemesis de Marvel. Vous avez vu Incassable : un méchant doit être l'opposé parfait du héros. Dans le monde de l'industrie cinématographique, le héros a donc pour nom QUALITÉ et le méchant, QUANTITÉ.

* Marvel, c'est la quantité : des films peu chers et interchangeables.
* DC Comics, c'est la qualité : prenez Batman et vous trouverez les Tim Burton et les Chris Nolan ; prenez Superman, vous trouverez Bryan Singer et Zack Snyder (photo ci-dessous, film prévu pour 2013) ; prenez Green Lantern, vous trouvez le réalisateur de Casino Royale, mais surtout un budget censé assurer quelques scènes d'action de premier ordre, contrairement à celles de Marvel.

Bon, je ne l'ai pas encore vu mais il y a de fortes chances pour que Green Lantern soit une daube aussi. C'est l'intention qui compte : avec Captain America, Marvel fait de la quantité ratée ; avec Green Lantern, DC Comics fait de la qualité ratée (le Superman de Singer était aussi de la qualité ratée, je sais. Vous m'embêtez. Mais vous avez compris.) [24h après ces lignes, j'ai vu Green Lantern : si nul et ennuyeux qu'on en sort presque dégoûté des mauvais films. Un insert inutile sur un plat à homards à une réception change la bêtise en connerie. Détestable.]

Le vainqueur reste la production Spielberg : Cowboys et Envahisseurs. Réalisé par le seul homme ayant su tirer un film regardable de Marvel (Favreau donc, avec Iron Man), il semble aligner quelques scènes de rétro-SF autrement plus jolies que Captain America (il faut dire que pour Spielberg, c'est ILM qui signe les images de synthèse), et les acteurs sont des bijoux ciselé par l'orfèvre de Cincinnati (rhâ) : rappelez-vous, Ford est Indiana Jones, mais Daniel Craig a appris à jouer les espions dans Munich.

Alors, on fait les gros yeux à JJ Abrams parce qu'il n'en a, d'yeux, que pour le beau Steven, mais on devrait écrire les mêmes critiques, qui parleraient d'idolâtrie et de Goonies, sur Johnston et Favreau. Je vais aller voir Green Lantern alors que je suis convaincu que ce sera le navet le plus cher de l'histoire de l'humanité, mais que voulez-vous : on dirait bien que ce sera l'un des seuls à avoir essayé de sortir de l'écurie (pour ceux qui auraient eu la flemme de cliquer ici, ceci est un jeu de mots) - même s'il en sort n'importe comment.

mais alors vraiment n'importe comment


Camille (qui, 24h après, se dit qu'il avait quand-même mieux à faire.)

P.S. Inutile de préciser que pour les films concernés, nous vous recommandons de fuir la 3D comme la peste.

P.S.² : Désolé, il faut que ça sorte : Pourquoi Joe Johnston a-t-il réalisé Captain America ? Parce qu'il est le spécialiste des "jungles familières". En gros, il est celui qu'on appelle lorsqu'il s'agit de refaire des films avec des monstres trop connus du public. Chérie, j'ai rétréci les gosses : fourmis, scorpions, abeilles. Jumanji : éléphants, rhinocéros, crocodiles. Jurassic Park 3 : tyrannosaure, vélociraptors, brachiosaures. Wolfman : loups-garous. Captain America : super-héros.

6 août 2011

Super 8 - Objectif Sale







L’idée majeure de Super 8 n’est pas de raconter la rencontre d’un groupe d’enfants avec un extra-terrestre. Ce n’est pas non plus de cacher l’apparence de l’extra-terrestre en question aussi longtemps que possible. C’est de cacher l’apparence de l’extra-terrestre en question aussi longtemps que possible dans un film sorti en 2011 – c’est-à-dire à l’ère du tout-visible, du tout-image, du fast-viewing et des films où les images de synthèse déferlent dès le deuxième photogramme. Cacher les monstres, ça a été l’art des Dents de la Mer, de Rencontres du 3e Type, de Jurassic Park et même de Hook. Michael Bay raconte que dans le premier Transformers, c’est Spielberg qui lui a suggéré de laisser la transformation d’une chaîne hi-fi en robot hors-champ, permettant d’économiser des dizaines de milliers de dollars. Alors, secondé par un Spielberg-producteur grisé par la nostalgie, JJ Abrams, réalisateur de Super 8, redouble de trouvailles pour suggérer la présence d’un trucage numérique sans le révéler au spectateur. Spielberg continue de produire ce qu’il faisait étant jeune. C’est, typiquement, l’histoire de Hook : le principe de l’enfant et de l’adulte partageant, plus ou moins sereinement, le même corps. En produisant Bay et Abrams, Spielberg entretient sa part d’enfance tout en continuant de faire des films d’adulte.

Lâchons dès à présent l’expression assassine et consacrée, celle qui fait que si je rencontre un jour JJ Abrams, j’aurai envie de lui crier mon amour mais rougirai de terreur à l’idée qu’il lise cette critique : L’ENSEMBLE SENT LE PROCÉDÉ À QUINZE KILOMÈTRES. Or le but de l’histoire est, justement, de ne pas sentir le procédé, et d’être aussi réaliste que possible.

Attendez, attendez. Avant d’être désagréable, je voudrais clamer haut et fort à quel point j’ai adoré voir, pendant le générique, l’intégralité du film réalisé par les gosses. Comme à la fin de Rain Man, comme à la fin de Very Bad Trip. Et le clin d’œil à Orson Welles est un bonheur : tous les grands réalisateurs, de Welles au gosse du film en passant par Abrams, rêvent d’être de grands mégalos. Surtout, j’aime découvrir, lors du générique, ce qu’ont filmé ou photographié les personnages. C’est un moyen extraordinaire de leur donner de la réalité. Et c’est tout ce qui compte dans un film comme celui-ci.

1. Question d'image

Abrams et Spielberg partagent cette envie de rendre absolument crédible la chose la plus merveilleuse que l’on puisse imaginer – c’est évident : de rendre crédible l’IMPOSSIBLE (bin oui : Abrams a réalisé Mission : Impossible 3.) Jurassic Park, premier à employer des images de synthèse, veut rendre absolument crédible la présence de dinosaures dans un parc à thèmes. Cloverfield, premier à employer des images de synthèse et à filmer à côté, veut rendre absolument crédible la présence d’un monstre à proximité de celui qui filme. Super 8 est une nouvelle tentative de rendre crédible une image de synthèse, via le mélange du numérique (le monstre) et de l’analogique (la pellicule Super 8). Tout cela est bien beau et ne marche pas autant que je l’aurais voulu. Super 8, c’est surtout le numérique d’aujourd’hui sur l’analogique des films des années 80. C’est là que le bât blesse. Je m’explique.

Comme je le dis à ma grand-mère en claquant des doigts devant son visage, aujourd’hui, c’est le XXIe siècle : tout va très vite. Le cinéma nous a habitués à voir le monstre tout de suite. (Mêmes symptômes dans la comédie pour enfants, par exemple Mr. Poppers et les Pingouins, que j'ai vu hier pendant que ma sœur accouchait : l’acte IV des comédies, où soudain tout va mal, y est expédié hyper-vite, en une minute, sans le moindre suspense, de manière à ce que le spectateur ait aussitôt ce qu’il veut : la réconciliation.) Le retour à l’ère de la pellicule et des technologies plus lentes, c’est le retour à l’ère où le monstre mettait du temps à apparaître.

Qu’une caméra Super-8 filme une image de synthèse moderne : là est la trouvaille, la nouvelle manière, recherchée depuis des siècles !, d'atteindre la fameuse suspension of disbelief devant les images de synthèse, aussi parfaites soient-elles. Donner l’impression qu’elles ont été filmées en analogique, voilà le secret. C’est exactement le même principe que dans le générique de Watchmen ou les scènes sur la Lune de Transformers 3 : il s’agit de mélanger les images du passé aux images d’aujourd’hui, de manière à harmoniser le degré de réalité des images analogiques avec celui des images numériques. Il s’agit de planter les fondations de l’image numérique légère et irréelle dans la boue du réel. Tout cela a commencé par un film de Michael Mann où le passé était filmé en HD : voyez Public Enemies, le simple grain de l’image en fait un film de science-fiction, comme si John Dillinger avait été filmé par un voyageur temporel et sa caméra de 2008 – j’en avais parlé ici (ah ! c'était mon premier post.)

Super 8 est une variation sur Cloverfield. Il s’agit de faire croire au monstre. Dans les deux cas, il s’agit de donner l’impression qu’on n’a pas voulu filmer le monstre. D’une certaine manière, l’image est là malgré elle ; on ne l’a pas mise au milieu du plan comme, mettons, la blatte géante de Men In Black ; non : elle est ici comme par erreur. Donc elle est venue toute seule. Même principe également dans la séquence des dinosaures de Tree of Life et sa caméra toute-puissante : les dinos ne sont pas au centre de l'écran, mais sur les bords. C’est le secret de ces fameuses scènes où l’image de synthèse est au fond du plan. Il n’y a absolument rien de tel pour la rendre crédible. Le meilleur plan de Super 8 est conçu comme ça, c’est le moment où j’ai le mieux pris mon pied : quand le gosse s'extrait du bus retourné, la caméra fait un travelling ascendant. On voit le gosse sortir au premier plan et, au fond, le monstre qui s’acharne sur la porte d’entrée du véhicule, sans savoir qu'on le filme. D'autres exemples :

King Kong (2005)

Pirates des Caraïbes 2 (2006)

... et Star Trek. (2009)


2. Question de rythme

Le style de JJ Abrams, c’est le rythme. La vitesse effrénée de l’action. Les choses arrivent sans que le suspense ait eu le temps de s’installer. Boum. Tom Cruise saute de l’immeuble et on n’a pas vu ce qui s’est passé à l’intérieur (même chose au début de Super 8, quand le père de Joe vire le père d’Alice sans qu’on ait vu leur dispute à l’intérieur de la maison). Le vaisseau de Star Trek qui arrive au beau milieu d’une bataille à la vitesse de la lumière. Re-boum. Ici, ces moments sont minoritaires. C’est le crash de la voiture du père d’Alice. L’explosion d’un mur sur les gosses qui blesse le trouillard. Et le déraillement du train – j’oublie toujours de le mentionner : cette séquence de pure maestria a l’air complètement décalée avec le reste du film. Ma mâchoire inférieure est tombée par terre et j’ai raté les minutes qui ont suivi parce que je ne la retrouvais pas dans le noir. Mais oui, évidemment, cette scène-là, c'est du Abrams.

(Les Américains appellent cela une scène de BSU : Blowing Shit Up. Si, si, c'est utile.)

Après deux films qui allaient à 200 à l’heure, Abrams choisit de ralentir, de faire l’inverse total de ce qui faisait sa singularité. Voyez ses deux films précédents : les choses vont si vite qu’on a peur en permanence qu’il se passe quelque chose de nouveau. Lui qui avait découvert un nouveau style de suspense passant par l’absence de suspense retourne au suspense à l’ancienne, se vautre dedans, en fait le principe même de son film. C’est parfaitement masochiste. C’est le principe de l’idolâtrie. En plus de se débarrasser de ce qui fait son style et qui est un truc de rythme, il prend le style visuel de quelqu’un d’autre. Alors, oui, le film fonctionne, la musique est extraordinaire (Abrams a son John Williams, c’est certain, d’ailleurs Giacchino a débuté en composant la musique du jeu vidéo du Monde Perdu, à partir des thèmes de Williams – je le sais, Amazon me l’avait livré par erreur), et on est ému quand les yeux de l’alien apparaissent, tout cela fonctionne, tout cela est un parfait film de Spielberg des années 80.

On ne s’ennuie pas mais tout ça sent le déjà-vu à un point inimaginable. Moi qui ai le moindre plan du moindre Spielberg en mémoire – je me vante à peine – je peux vous assurer qu’il n’y a pas un plan de Super 8 qui ne vienne pas d’un Spielberg. Qui n’en soit pas non seulement inspiré – que celui qui ne s’est jamais inspiré de Spielberg me jette la première pierre – mais copié. Il y a des millions de citations dans le film, plus que dans un Michael Bay – il faut le faire. L’attaque du bus est une répétition de l’attaque de la caravane du Monde Perdu, avec la disparition d’un corps aspiré à l’extérieur piquée à la scène d’ouverture de Jurassic Park. La plupart des scènes avec les militaires sont directement importées de La Guerre des Mondes : même lumière de jour, mêmes plans larges de nuit. On peut jouer à ça pendant des heures. Je ne vous ferai pas l’affront d’écrire tout ce qui vient d’E.T., en plus du grandiose thème principal, (re)composé par Michael Giacchino (mais si, écoutez : le "taaadiii, taaa tabadabadaaaah" est le même). C’est cela : en regardant Super 8 j’ai eu l’impression de regarder une reproduction. Une bonne ; CERTES MAIS : ça reste le travail d’un copiste, pas d’un artiste. Ou alors, il élève la copie au rang d’art, mais je n’ai pas assez de Doliprane en réserve pour me lancer là-dedans. On pourrait raconter Super 8 en faisant un montage d’images des films de Spielberg. Attendez quelques semaines, vous le trouverez sur YouTube, je vous le parie.

Je me suis vu aimer ce film de derrière une vitre. Je me suis vu regarder en boucle des scènes de Spielberg, sur mon lit, avec la télécommande du DVD dans la main, le pouce allant et venant entre les boutons pause et rewind. Super 8 est un best of, basta ! J’aime Spielberg, mais j’ai plus l’impression de découvrir l’un de ses films aussi géniaux que vicieux (les deux premiers Indiana Jones, les deux premiers Jurassic Park) en regardant des Michael Bay. Pendant tout le film, j’ai attendu ces orgasmes de cinéma que procurait Abrams par dizaines dans Mission : Impossible 3 et Star Trek, et je n’en ai pas eu. Je me suis dit que j’allais affronter ma trouille et revoir E.T., oui, c’est sûr. Mais je n’ai pas vu Super 8. Je n’ai rien vu sur la pellicule du film d’Abrams. Ses gosses ont vu un monstre, moi, j’ai vu un type se filmant en train de filmer un monstre. Un peu ce que faisait Peter Jackson quand il filmait son Carl Denham dans King Kong. Sauf que Jackson se désintéressait de ce que filmait son personnage avec sa vieille caméra. On ne le voyait jamais. Ma référence à Jackson n’est pas innocente : le père de Joe dans Super 8 est incarné par Kyle Chandler, l’acteur qui jouait… L’acteur de Carl Denham dans le King Kong de Jackson. This is a mindfuck.


3. Question d'amour

Tant qu’on y est, parlons-en : les acteurs sont très bons. Elle Fanning est craquante (plus que sa grande sœur Dakota, qui joue dans La Guerre des Mondes). On trouve dans Super 8 d’extraordinaires scènes de film dans le film. Cette répétition de sa scène par Alice qui laisse tout le monde bouche bée, y compris le figurant d’arrière-plan. Les retrouvailles des pères et de leurs enfants. Les gosses sont excellents. Mais un génie comme Abrams serait capable de faire jouer Mélanie Laurent comme Cate Blanchett dans son sommeil. Ce n’est pas le problème.

Super 8 est un film pédagogique. Il vise à expliquer à ces imbéciles de jeunes gavés d’i-trucs que l’ère analogique avait son charme. Le rapprochement qu’étonnamment personne n’a encore fait, c’est avec Paul, de Greg Mottola. Le film avec Simon Pegg, Nick Frost et Seth Rogen en performance capture, sorti en mars 2011. Paul et Super 8, même combat. Le premier serait plutôt branché George Lucas mais dans les deux cas, il s’agit de condenser, en moins de 100 millions de dollars, plusieurs scènes de films ayant rapporté des milliards de dollars depuis les années 80. Cela s’appelle la dévaluation. C’est triste, un peu. Ça me rend nostalgique, en tout cas, d’une époque que je n’ai pas connue. Mottola et Abrams semblent avoir fait leurs films par peur que ceux de Spielberg et Lucas, qui ont fabriqué leur enfance, ne disparaissent derrière le voile toujours plus épais de la recréation numérique du monde. Et que les jeunes se moquent de ces films-là. Spielberg n’essayait pas de refaire les films de Welles parce qu’il ne craignait pas pour eux : aucune technologie n’était venu prendre le risque de les rendre obsolètes. Les réalisateurs de la dernière génération hollywoodienne, obsédés par la nécessité d’une bonne histoire et fascinés par la toute-puissance de la technologie, sont en réalité effrayés par cette toute-puissance. Les films que l’on fait aujourd’hui risquent-ils de faire disparaître ceux d’avant ? Faut-il leur rendre hommage, tant qu’il est encore temps ?

Ceux qui s’en sortent le mieux sont ceux qui se foutent de l’hommage. D’un côté, les premiers concernés : Spielberg n’a aucun souci à faire autre chose parce qu’il est beaucoup moins attaché à ses films vicieux que son public. De l’autre côté, ceux qui ne respectent rien : exemplairement, Michael Bay. Bon, Michael Bay a d’autres problèmes. Mais pour lui, rien ne ressemble à un hommage : Super 8, c’est l’histoire de sa carrière, du combat entre analogique et numérique (voyez comme Shia LaBeouf recouvre dans sa chambre le poster de Cloverfield d’un poster de Bad Boys II dans Transformers 2, où le personnage fan de YouTube est un abruti).

Que deviennent les élèves de Spielberg ? Roland Emmerich est en train de muter, d’essayer de vieillir aussi après avoir atteint le point de non-retour scénaristique avec 2012, aussi débile que spectaculaire : et se lance dans un film historique à petit budget (un truc sur Shakespeare prévu pour 2012, justement).

M. Night Shyamalan, l’enfant non avoué, va essayer de se racheter une âme en laissant tomber le cinéma numérique et en retournant se vautrer dans l’amour fétichiste de son maître. En matière d’hommage à Spielberg, il est celui qui a devancé de très loin Mottola et Abrams : Super 8 raconte Signes, sorti en 2001. A la mère morte dans un accident de voiture près. Plutôt précis. Super 8 est le mélange de l’humour geek de Paul et de l’hommage sérieux de Signes.

Michael Bay est en maintenance.

Et JJ Abrams, il est coincé.

Le vrai Super 8, c’est Cloverfield. Avec lui, Abrams avait produit (en 2008) le remake d’un film antique qu’il n’avait pas encore tourné. Ce paradoxe temporel aussi est spielbergien ; rappelez-vous Indiana Jones 4 : un film tourné dans les années 2000 censé ressembler à un film des années 1980 rendant hommage aux films des années 1930 mais se déroulant dans les années 1960. Il s’agissait déjà de retourner explorer, via le numérique, l’époque dorée de l’analogique (des premiers Indiana Jones). Spielberg ne s’était pas posé la question de la crédibilité de ses images (ça, c’était le côté années 1930, Tintin et Cie) et le résultat est… Disons, désarmant. J’ai un peu d’amour pour Indiana Jones 4, c’est ainsi. J’en aurai sûrement pour Super 8 aussi, à terme. Quand je saurai que ce n’est pas un grand JJ Abrams comme Mission : Impossible 3, ou Star Trek, mais un grand Greg Mottola – ou un bon petit Spielberg.

Camille.

P.S. Sur les trois affiches au début de cet article, celle du milieu est de Drew Struzan. Il est cet homme qui transforme des affiches de films à grand spectacle en affiches de film des années 30, quand on redessinait encore le visage des acteurs. Il a donc commencé avec les affiches des premiers Indiana Jones. Et depuis 1999, ce sont des films numériques qu'il transforme en vieux films. Mélanger les époques et les supports, il n'y a que cela de vrai dans un monde dirigé par un ancien Peter Pan.

2 août 2011

La vie secrète des animaux

C'est l'été, tout le monde ne pense qu'au Grand Ça et vous savez, nous sommes très humains : nous aussi. Alors, voici de quoi relâcher un peu la pression : quelques captures de deux très beaux documentaires sur la vie sexuelle des bêtes qui se complètent comme le Yin et le Yang, le + et le -, la main et le gant, bref, vous comprenez.




Les Animaux Amoureux, de Laurent Charbonnier (2007)
SuperGrave, de Greg Mottola (2007).



Camille.