29 avril 2012

17 filles enceintes à Lorient

 Récupéré le DVD de 17 filles. Pitch énorme, histoire vraie : 17 lycéennes tombent enceintes en même temps, à Lorient, en 2008. En gros, c'est à Juno ce qu'Avengers est à Iron Man. Autrement dit : 17 fois Juno.
 Ambiance Hélène et les Garçons, surtout. Enfin il y a quelques jolies choses.
 Après, il faut savoir que le film ne réserve aucune surprise. Aucune.
  ...Vraiment comme Avengers, en fait.



 
  

 
 

Mouais.

 C.

25 avril 2012

Cinéphilie-Jackass (Hunger Games, La Colère des Titans, Battleship)

 
Attention, l'après-midi suivante a été réalisée par un professionnel sous surveillance médicale. Ne tentez pas de reproduire cela chez vous.

 24 avril 2012 : Hunger Games et La Colère des Titans aux Halles, puis Battleship en salle prestige de l'UGC Normandie. 

 Soient 80 + 150 + 200 = 430 millions de dollars pour mes pauvres yeux réjouis.

 Compte-rendu de cette expédition au cœur du magma imaginaire des trois premiers blockbusters de la saison.

* * *


1. Hunger Games 
 

 Vraie bonne surprise. Moi qui pensais que c'était là pour remplacer Twilight : ça n'a rien à voir. Rien à voir avec Battle Royale non plus. 

 Rien à voir avec Twilight : les acteurs sont bons, on n'a pas l'impression qu'ils regrettent d'avoir signé pour une saga. Le réalisateur a de vraies idées. L'image n'est pas répugnante, le scénario réserve des surprises. C'est intelligent.
Jennifer Lawrence en Cléopâtre. Elle est très belle, oui.
 Rien à voir avec Battle Royale : s'il est question de jeunes qui s'entretuent dans une arène, le film japonais verse dans le gore le plus tôt possible. Le plaisir est clairement du côté de la cruauté. La chasse à l'homme de Hunger Games, il faut le savoir (et je ne le savais pas) n'occupe que la deuxième moitié du film, peut-être même le dernier tiers. Toute la première partie est consacrée à la façon dont sont choisis les candidats, dont ils sont préparés. On voit l'héroïne se faire doucher, épiler, etc., l'accent est mis sur son trac, sur son apprentissage de la mise en scène de soi-même. Tout cela est excellent. On regarde et, anxieux, on se dit : le début est très bon et puis, quand on en viendra à la tuerie, tout va s'effondrer.

 

 Sauf que ça tient. Autre surprise : la violence ne m'a pas manqué. Il y a des critiques qui disent que le film demande au spectateur s'il oserait regarder un tel programme. La réponse est évidemment oui. Tout le monde regarderait, comme pour Battle Royale, pour voir du sang. Seulement, là où Battle Royale ne protégeait pas son spectateur du plaisir malsain qu'il pouvait y prendre, Hunger Games - américain et donc plus prudent, peut-être aussi par amour pour le cinéma - prend garde de ne jamais mettre à égalité le film et l'émission. Le spectateur du film ne devient à aucun moment spectateur de l'émission, à aucun moment l'image des caméras de télé n'occupe l'écran tout entier. Cherchant à questionner l'attirance du public pour le sadisme, le réalisateur fait attention de ne pas l'y plonger.


 Je me demandais sincèrement comment ils allaient se débrouiller pour faire en sorte que l'héroïne devienne une tueuse tout en gardant la sympathie du public. A première vue, le pitch d'Hunger Games est d'une grande banalité (énième chasse à l'homme) - c'est en réalité un vrai challenge de scénaristes. Et la preuve que le film est réussi, c'est qu'on n'a pas l'impression que la violence est censurée. Simplement que sa représentation aurait été hors de propos.

 

 Les scénaristes sont doués, les acteurs aussi : Stanley Tucci, Woody Harrelson, Elizabeth Banks ; et Josh Hutcherson, qui est quand-même le gosse des deux Voyages au centre de la Terre et de Terabithia, pas vraiment des références... mais en y regardant de plus près, pas des daubes non plus. Pas pu m'empêcher de sourire au moment du baiser. Ça aussi, c'est la preuve que ça marche.

still a better love story than twilight
 Disons que l'idée de base, pour éviter le spectacle de la violence, c'est de toujours montrer les conséquences de cette violence. S'il y a une explosion, l'héroïne est soufflée en arrière. Si elle veut couper la branche d'un nid de guêpe, elle se fait piquer plusieurs fois sa gorge tendue. Une fillette prend une flêche dans le ventre : on meurt avec elle, en plan subjectif. La dernière fois que j'ai vu ça, c'était dans Che, de Steven Soderbergh, vous n'avez qu'à voir... Sauf que, attendez... Soderberg était directeur de seconde équipe sur Hunger Games. Il fait aussi partie des remerciements. Tout s'explique.


* * *

2. La Colère des Tits 

 

 M'en voulez pas : alors même qu'on avait trouvé le premier franchement pourri, je voulais voir le second.  C'est l'histoire du film : le premier a fait un bide, mais ils ont tourné une suite quand-même. Pourquoi est-ce que les gens y retournent ? Pour se faire sauter la panse de ce GLOUBIBOULGA (et dieu sait que voilà un mot que je n'emploie pas à la légère) d'images de synthèse, les films Marvel à côté c'est du Nicolas Klotz ; tout est fake, c'est incroyable.

 

  Persée reste ce super-héros de la Grèce antique chargé de... Pff, plein de trucs. Entre autres sauver les dieux, parce qu'ils se mettent à mourir et le souci, quand on est un dieu et qu'on meurt, c'est qu'on va même pas aux Enfers. L'arnaque.

 

Faire mourir les Dieux, c'est déjà bizarre. Citer Inception, ça l'est encore plus. La musique est un plagiat de celle de Hans Zimmer et accompagne une longue séquence (assez réussie, bizarrement) dans un labyrinthe souterrain, à la Nolan. C'est assez joli, on tombe sur un Minotaure en latex qui se fait calmer en quatre plans (combat raccourci au montage, les responsables maquillage font la gueule) et puis on se croirait dans les Goonies. Depuis Super 8, on les avait oublié, ceux-là. C'est pourtant ça. Vous avez Bill Nighy qui fait son numéro (sous prétexte d'incarner Héphaïstos) et fait entrer les trois héros dans une sorte de cave  à la Richard Donner (les Enfers, quoi). Trois héros façon 80's : le protagoniste fade (Persée/Worthington), la jolie blonde (Andromède/Rosamund Pike - mais si, la fille qui faisait de l'escrime contre Madonna dans le 20e James Bond) et le sidekick rigolo (Agénor/un type qui joue dans War Horse).
non, cette nouvelle interface de blogspot ne me servira pas à mettre des légendes stupides sous toutes les photos
 A part ça, le film est assez bête. Un geste le résume parfaitement : lors de son combat contre Arès, Persée colle un coup de boule dans la cuirasse de son adversaire. Même Jason Bourne n'avait jamais tenté ce coup-là (il ne marche pas super).

 

 La scène du baiser vaut son pesant de foin, à la fois macho et plutôt gay. Macho parce que Persée se pointe à côté d'Andromède, la laisse parler quelques secondes sans l'écouter, lui chope la nuque et lui roule un patin. Voir le plan d'Andromède qui suit : je ne sais pas du tout ce que veulent dire les yeux de Rosamund Pike, à ce moment-là, quelque chose comme WTF, je crois. - Plutôt gay, parce que Persée n'a aucune envie d'aller embrasser Andromède et que c'est le sidekick qui l'y pousse. On ignore s'il doit pousser Persée parce que ce dernier est timide ou parce qu'il n'en a aucune envie. ... Sauf que, attendez, Persée n'est pas timide.
 
 Le titre apparaît à la fin du film, façon je me la pète. Le "N" de "TITANS" est à l'envers. Ça donne un côté Elève Ducobu à l'ensemble. Bien vu.

Free mugs

* * *

3. BATTLESHIP (le titre qu'on ne peut pas écrire en minuscules)

 

  Fin de soirée, UGC Normandie, 900 places dans la seule salle circulaire de Paris, 20 spectateurs maximum. Mon siège : U21. Là où on ne peut pas voir les bords de l'écran sans tourner les yeux.

 ... Bon, j'ai reculé d'un rang quand les bandes-annonces ont commencé.

 Battleship ouvre la saison des blockbusters. Normal : à l'origine, le mot "blockbuster" désignait une bombe suffisamment puissante pour faire exploser des bunkers.
 ... Ou des cuirassés.
  Ça se tient.

un côté king kong de 33 à ce plan, quand les acteurs étaient filmés devant un écran sur lequel on projetait les effets spéciaux.
 Comme Prometheus, le Ridley Scott à venir, Battleship part du principe que si les extra-terrestres débarquaient sur Terre, ils seraient très avancés technologiquement sur nous et qu'on se ferait donc exterminer. Ça et Blanche-Neige, voilà les deux tendances de l'été. Tout s'explique : à la deuxième minute de Cockiness, de Rihanna (tête d'affiche de Battleship), on entend le sonar de la bande-annonce de Prometheus. Il n'y a pas de hasard

 Contrairement à La Colère des Titans, Hunger Games et Battleship sont des blockbusters qui prennent leur temps. Pourquoi ? Parce que ce sont des Episode #1. C'est très agréable. On a l'impression de pas être traité comme de gros addicts qu'il faut satisfaire tout de suite. 

 Battleship, c'est l'histoire d'un type de gauche qui voit entrer une paire de seins dans un bar. Manque de chance, ceux-ci appartiennent à une fille de droite (la fille d'un amiral, joué par Liam Neeson de surcroît). Cette fille, c'est Brooklyn Decker, celle qui ferait passer Rosie Huntington-Whiteley pour Meryl Streep. Profitez-en, sa carrière risque d'être courte.

Brooklyn Decker dans le film
Brooklyn Decker dans la vraie vie
                                                      



 (Rosie H-W, au moins, était jolie, même avec sa bouche Pirelli.)











 Pour s'approprier la fille de l'amiral, pas d'autre moyen que de l'épouser. C'est con, mais c'est comme ça. Il faut passer à droite. Le type se coupe les cheveux et intègre l'armée, c'est un début. Il explose quelques bateaux comme un gamin, adieux à son enfance d'aventurier. Puis il intègre le système, victoire ! Pathétique dernier plan du film : le héros a osé demander la main de sa fille à l'amiral. La fille en question lui adresse un gros like du pouce. L'amiral a la main posée sur l'épaule du jeune homme, qui se retourne : like ! lance-t-il du pouce. Cut - générique de fin. Pas de doute : les bateaux, c'est pour faire diversion. 

...
oui, Legolas, c'est ce qu'on appelle une bonne grosse diversion
  Adapter la bataille navale au cinéma n'est pas une si mauvaise idée que ça. Pourquoi on aimait tant y jouer étant gosse, sinon parce qu'on aimait imaginer les bateaux exploser. C'était à peu de chose près l'époque où on se repassait en boucle, sur la VHS (ou le DVD, pour les chanceux) de Pearl Harbor l'explosion du porte-avion. Battleship, c'est cette explosion trois fois de suite en dix minutes, avec un peu du tremblement de terre de 2012 (que je me suis repassé en boucle aussi).

oui parce que donc ça se passe à Pearl Harbor, les Japonais et les Américains font alliance, et Peter Breg se paye un petit plan-séquence sympathique, dont est extraite cette image. voilà voilà, fin de la parenthèse
 Les dix minutes en question sont cependant les seules du film à vraiment délivrer les biens. Je vous l'ai dit, le début prend son temps. On en arrive au bout d'une cinquantaine de minutes à ce premier échange d'obus, très excitant - excitant, littéralement : Battleship est un porno crypté, pourquoi vous pensez que c'est Rihanna qui fait tirer les canons ? S'il n'y avait eu que des mecs au commandes, ce serait passé pour un film onaniste. Il fallait que ce soit une fille qui fasse éjaculer les bateaux.

 Tout ça pour dire qu'à part deux scènes d'assaut vraiment splendides - round 1 remporté par les aliens, puis round 2, une heure plus tard, remporté par les humains - on s'ennuie un peu, c'est du copié de Spielberg (la fille qui se met la main devant la bouche pour pas crier et le monstre à l'arrière-plan). Sachez par exemple qu'aucun porte-avion n'est détruit dans le film. Copyright Michael Bay.


 Le vrai défaut de Battleship, c'est de manquer de poésie.

 Les trois Transformers n'en manquaient pas : le robot sortant de la piscine du premier. Les robots-billes du second. Les hommes-parachute du troisième. Battleship se contente de donner au public ce qu'il réclame, sans s'en éloigner d'un pouce. Bateaux, explosions, destructions. Évidemment qu'on crie "encore", c'est tellement con.

 Seulement j'ai peur de commencer à me lasser. Dans la bande-annonce de GI Joe 2, ils détruisent Londres en plan large. J'ai juste souri alors qu'à l'époque de 2012, j'étais extatique devant l'effondrement de Saint Pierre de Rome. Je dois vieillir. J'ai deux ans de plus que Rihanna, après tout. Ou alors, il va falloir se trouver des réalisateurs pour rendre leur puissance aux images de synthèse.


* * *

 A partir de cette étude de détail... Trois conclusions s'imposent.

- Les méchants se sont remis à soliloquer. A une époque (disons, de 2006 à 2009, la phase JJ Abrams/Jason Bourne), tout allait très vite. A présent, retour aux héros acculés qui ont le temps de se remater Titanic avant que leur adversaire se décide à faire un geste.


- Grotesques citations de Star Wars. "I love you", lance Persée à son fils. "I know", répond celui-ci. Mettre Sam Worthington à la place de la Princesse Leïa, personnellement je n'aurais pas osé. Surtout si c'est son fils qui fait Han Solo. Dans Battleship, c'est l'éternel "I have a bad feeling about this".

- Enfin, l'effet acoustique Soldat Ryan s'annonce comme la tendance de cet été. On le retrouve dans Hunger Games, La Colère des Titans et Battleship. Vous avez une explosion, puis le film devient sourd et on entend juste un sifflement pendant quelques secondes. Subjectivité facile. Ces mecs ne peuvent pas lâcher Spielberg et Lucas deux minutes, c'est incroyable.

 S'il y a un effet de subjectivité post-explosion dans Avengers, vous aurez le droit de vous plaindre. 

 Bon... C'est à peu près tout... Je rends l'antenne. 

ben quoi, vous en faites une tête.

C.

 P.S. Si par mégarde je vous ai donné envie de voir La Colère des Titans, ne jouez pas au héros, c'est inutile.

18 avril 2012

L'Or et la Morale


L'Ordre et la Morale de Matthieu Kassovitz sort en dvd aujourd'hui ; Or Noir de Jean-Jacques Annaud est sorti mercredi dernier : coffret DVD de Noël idéal, intitulé Fours immérités 2011 (au fait, j'ai vu hier La Guerre selon Charlie Wilson, qui serait parfait avec Social Network pour un coffret Aaron Sorkin, dialoguiste de génie. Voilà, fin de la parenthèse).


Kassovitz et Annaud étaient les rois du pétrole en 1995 et 15 ans plus tard, voilà qu'ils raclent le bitume avec leurs incisives. Pourquoi ? Pas la moindre idée. Ce qui est sûr, c'est que leurs derniers films se ressemblent et partagent une même ambition démesurée : faire du David Lean et du Ridley Scott pour Annaud (cavalerie + poussière) ; faire du Spielberg et du Coppola pour Kasso (fusillades en plans-séquence + hélicoptères). Se rapprocher du cinéma américain implique une naïveté qui explique peut-être que le public ne les ait pas suivis. Les deux films peuvent être lus comme des fables politiques (je n'aime pas ce mot, mais je crois qu'on peut l'employer ici) - ils peuvent surtout être vus comme d'assez bons films à grand spectacle, du genre de ceux que les Français ne font jamais.


Je parle ici des deux films dans les trois premiers paragraphes, puis le texte fait des allées et venues assez fastidieuses de l'un à l'autre, pardon d'avance. Oh, et, je n'ai pas de conclusion. M'en voulez pas.


* * *


1. ÉPOPÉE DU BIDON D'ESSENCE



Or Noir raconte le début du commerce de l'essence, le commencement de l'exploitation des terres appartenant à deux émirs archaïques, au début du XXe siècle. Annaud a carrément fait appel à James Horner pour composer la musique de son épopée dans laquelle une armée techniquement plus avancée perd face à une alliance entre peuplades indigènes. Oui, oui, comme Avatar. Mais James Horner est le compositeur d'Avatar.


Kassovitz, lui, s'est offert les services de ces bons vieux Tambours du Bronx. L'Ordre et la Morale ne se déroule pas seulement sur l'île d'Ouvéa, dans une caverne où des otages furent retenus pendant l'entre deux-tours des présidentielles de 88 : les coups métalliques qui accompagnent les hélicoptères apocalyptiques de Kasso renvoient à autre chose qu'à des coups du destins, ils suggèrent qu'Ouvéa est un bidon clos sur lequel frappent insensément des forces supérieures. Et que ce bidon, ultimement, est voué à être vendu.


Par qui ? Ben par les descendants des personnages d'Or Noir, pardi. Or Noir et L'Ordre et la Morale sont les deux volets d'une seule et même épopée du bidon.


2. HISTOIRE DU CAPITALISME



Or par ces temps désolés, vendre, c'est échouer. Ce ne sont pas les dollars de son producteur milliardaire Tarak Ben Ammar qui ôteront d'Or Noir la mine sombre du personnage de Mark Strong lorsqu'il songe à vendre ses terres à un Texan. Il y a chez Annaud une sorte d'humour caché sous le sable, de complexité qui ne s'avoue pas - le film veut faire simple (comme tous les Annaud) mais le problème des sirènes du capitalisme y est posé de manière plus détournée que chez Kassovitz, où le camp des méchants est clairement défini, lors d'un monologue dans lequel le réalisateur prend parti pour Alphonse, chef kanak que les cités-dortoirs parisiennes dégoûtent.


Mais Kassovitz est un idéaliste, un pirate ; élève du système, Annaud est obligé de se montrer plus poli avec son richissime producteur. Or Noir se termine sur un monde transformé en argent, celui-là même contre lequel se révoltent les preneurs d'otages depuis leur grotte en Nouvelle-Calédonie.


3. LES MAINS SALES



Tout cela a l'air cynique, et l'est un peu. Rien ne prime jamais autant, toutefois, que le goût du cinéma, qui prime sur toute idéologie. Plus résigné, moins hargneux, le film d'Annaud est techniquement plus serein que celui de Kasso, incendiaire, chassant la trouvaille à la moindre seconde, quitte à emprunter aux effets sonores de la Nouvelle Vague. Chez Annaud, une image suffit à faire un plan. Fumée noire, sable jaune, ciel bleu ; une caresse du pouce sur la peau poussiéreuse d'un maître noir sorti d'une geôle : Or Noir connaît d'exceptionnelles poussées de lyrisme. Kassovitz ne se contente pas de lignes et de couleurs, il lui faut du mouvement, du tonnerre. Non pas une caresse du pouce sur une main, mais des dizaines de visages kanaks, autant de maîtres noirs, acteurs amateurs habités dont les mains menottées, comme chez Annaud, sont sorties du contexte du conte et réintroduites dans le réel. Rechargées politiquement (décidément... ça doit être les programmes des élections 2012 posés à côté de moi.)


* * *


4. UN TRAVELLING BIEN FAIT (L'Ordre et la Morale)


On peine à croire qu'Annaud se soit plus soucié de questionner la transition d'une civilisation tribale à une civilisation du commerce, que de filmer une charge de chevaux sous un ciel enfumé, entouré de dunes à perte de vue - de filmer sa traditionnelle scène de sexe à l'arrière d'une voiture de luxe. De même, si l'on sait l'engagement de Kasso depuis La Haine, on sait aussi l'amour du travelling bien fait qui reste le sien. L'Ordre et la Morale fait un joli paradoxe de sa scène la plus excitante, mêlant guerre et cinéma dans un même geste - mais oui ! : je veux parler du FAMEUX plan-séquence de l'assaut final, dans lequel Kassovitz, commandant et réalisateur, dirige à la fois ses soldats et ses techniciens. Échec diplomatique mais réussite cinématographique. On y a l'impression tenace que Kasso dirige le caméraman par télépathie tandis qu'il hurle des ordres aux autres personnages. Fascinant et, surtout, très culotté. Je vous rappelle que nous sommes ici dans le cadre d'un film français.


5. NÉGOCIER (L'Ordre et la Morale)



Là où le film rejoint son sujet, c'est qu'il est un échec lui-même. Trois semaines après sa sortie, L'Ordre et la Morale ne passait plus que dans trois salles parisiennes. Fucking Matthieu Kassovitz, le making-of du ratage si complet qu'il en devient poétique de Babylon A.D., raconte comment les négociations du Français échouèrent avec Hollywood. Diffusé sur Dailymotion le jour de la sortie de L'Ordre et la Morale, le documentaire, ode à l'amour tragique du cinéma américain, préparait le diptyque de l'échec qui était sur le point d'être complété.


Le désir de négocier était déjà au cœur de La Haine, dialogue tendu entre Paris et la banlieue. Protégé par son noir et blanc virtuose, Kasso ne prenait pas le risque inhérent à celui du métier de négociateur : celui de finir trop près, aspiré par ce qu'il essaie de comprendre au point de ne plus reconnaître son camp - ce que raconte L'Ordre et la Morale, lorsque la caméra se rapproche des yeux de Mitterrand et de Chirac à la télé jusqu'à ce qu'il soit impossible de les différencier l'un et l'autre.


6. LE MOU ET LE DUR (Or Noir)



L'Ordre et la Morale dresse le portrait d'hommes qui refusent de devenir négociants, préfèrent rester négociateurs. Je me suis souvenu de la différence, il n'y a pas longtemps. Dans Or Noir, même histoire de négociation - sauf que tous les personnages finissent négociants en pétrole. Le personnage de Tahar Rahim négocie d'abord la vie de ses hommes, et le film s'achève sur Banderas parti négocier au Texas. Toutes ces histoires de négociation sont à l'origine de la caractéristique principal au film : il est mou. Beaucoup plus mou que celui de Kassovitz, qui est enflammé. Voilà : répartitions des figures du Mou et du Dur dans Or Noir et L'Ordre et la Morale, vous avez six heures. Allez, allez.


7. MALÉDICTION DU PLAN SUBJECTIF (Or Noir)


J'en profite pour mentionner le gros défaut des films d'Annaud, le plan subjectif. Une plaie, ce truc. Est-ce que David Lean faisait des plans subjectifs ? Chez Annaud, en plus d'être l'élement majeur de la dimension cheap qui émaille tous ses films, même les plus chers, il constitue l'identification bidon par excellence. Il est, par exemple, au cœur de l'illusion qui consiste, dans L'Ours, dans Deux Frères, à s'imaginer que l'on regarde à travers les yeux d'un animal, alors que ce dernier n'est qu'une caricature d'homme en animal. La princesse incarnée par Freida Pinto dans Or Noir n'est jamais aussi peu présente à l'écran que lorsque la caméra fait mine d'épouser son point de vue, derrière les fenêtre du harem.


8. PLANS D'APPROCHE (L'Ordre et la Morale)


Kasso se garde bien de ne faire qu'un avec l'Autre. Zéro plan subjectifs chez lui (détrompez-moi). Le Kanak reste toujours une énigme pour Philippe Legorjus, qui n'en finit pas de se poser des questions. En lieu et place de plans faussement identificateurs, deux plans-séquence qui sont deux scènes d'approche - d'approche vouée à l'échec. D'abord une update du flash-back de La Haine, où le narrateur d'une histoire se retrouve au beau milieu de la scène qu'il décrit (-->approche du passé); ensuite, ce fameux plan-séquence suivant l'approche, et l'assaut, de la grotte.


* * *


Souvenez-vous, je n'ai pas de conclusion. Le principal, c'est que vous jetiez un coup d’œil à ces deux films, bien plus intéressants que The Artist et Intouchables réunis. Tout ce pataquès autour de Kassovitz, ça m'a donné envie d'acheter son DVD à la Fnac (je vous rassure, je ne le ferai pas. A tous les coups il sera en occase à Gibert en moins de deux... pfff.)



Camille.

7 avril 2012

Le film de chevet de Tim Burton enfin révélé (!)

Attention, post totalement subjectif, un peu-beaucoup délirant, et probablement voué à l'incompréhension, aux gémonies et autres WTF unanimes.


C'est drôle...



Enfin ça ne l'est pas tellement, mais ça me fait penser à quelque chose... Autre chose...

Un autre film, qui ne devrait pas avoir le moindre rapport avec celui-là...

Voyons... Un type qui fait un grand saut dans le temps, se retrouve dans le monde moderne, et ne sait pas comment marchent les voitures ou la télévision...

Non ? Ca ne vous dit rien ?

Bizarre.... J'aurais juré que...

C'est tout de même étrange...

A moins que...

AH !

Et si c'était...

Non, ce n'est pas possible, je délire.

Mais quand même, si c'était CECI !

...non ? ...non ?

[D'accord, vous avez le droit de trouver que j'exagère. C'est parce que je n'ai pas trouvé le bon extrait, mais "Reveal yourself ! Tiny songstress" c'est EXACTEMENT.... la BOÎTE A TROUBADOURS !?!]

Toujours pas convaincus ? Je vous listerai les points communs quand j'en aurai le temps. Le vrai souci, très égoïstement, c'est que je suis convaincue. Plus j'y pense, plus j'y pense, et plus j'ai peur. C'est peut-être une conséquence tardive des méfaits de la cruelle Alice. Chat de Cheshire échaudé, et patati et patata... Mais j'y pense ! J'y pense... et j'ai peur...

Noémie

6 avril 2012

Bonheur, extase, TITANIC

Aller voir Titanic en 3D, version originale, le lendemain de la ressortie et sur l’écran titanesque du Grand Rex, ce n’est pas regarder une fois de trop quelque bluette commerciale.

D’abord parce que la conversion 3D est parfaite. Cameron a le chic pour faire passer toute la technologie qui l’a précédé pour un truc d’amateurs. Il y a beaucoup de fondus enchaînés dans le film, ils sont ici magnifiés, parce que quand les dimensions s’entremêlent, l’effet du fondu est démultiplié. Il y a les visages mais surtout les mains. La scène d’amour dans la voiture est la plus belle de l’histoire de la 3D. Mains au premier plan, épaisses, charnues, immenses sur l’écran géant. Au fond, les visages. Toutes les mains du film, dès qu’elles gagnent le gros plan, sont ce que j’ai vu de plus proche de la Chapelle Sixtine vivante. Elles sont si belles, si belles. Aussi belles que celles que dessine Jack au fusain.

Et l’écran est si grand, si grand. Le regard monte autant qu’il descend pour capter toute l’image. Les scènes labyrinthiques des poursuites dans les coursives inondées sont évidemment exploitées au maximum de leurs potentialités. Sublime 3D, hypnotisante 3D, oppressante 3D. Mais là où c’est génial, c’est quand l’eau occupe tout le tiers inférieur de l’image, et s’enfonce dans l’écran jusqu’à son centre : parce qu’on a véritablement l’impression qu’en baissant les yeux on regarde un immense bassin qui s’étend là, juste devant la balustrade du cinéma.

Et puis le deuxième soir, le public est au taquet. S’il peut être agaçant de retrouver des affiches de films nous rappelant notre adolescence dans les rues, le plaisir de revoir un film qu’on connaît par cœur est de ceux qu’on aurait tort de bouder. Première salve d’applaudissements pour le logo 20th Century Fox. Cris de joie et éclats de rire lors du finale de la séquence du baiser à la proue du bateau (et fondu enchaîné). Eclats de rire et applaudissements lors de la main collée contre la buée. Silence total lors du dernier échange entre Jack et Rose. Applaudissements lors du dernier baiser, à la toute fin. Et au nom du réalisateur.

Titanic au Grand Rex, c’est surtout une poignée de plans absolument fascinants. On voudrait pouvoir arrêter l’image et la regarder comme on s’arrête devant les Noces de Cana de Véronèse au Louvre, sous la Chapelle Sixtine. Gigantisme. Ce fameux plan des trois hélices et de la poupe couleur de bronze qui s’élève au-dessus des naufragés dans l’eau noire. Immense. Immense. Celui du cadavre devenu gigantesque, gigantesque, et qui flotte sous la coupole éclatée, submergée. Qui flotte vraiment devant nous, fantôme géant. Parce que la 3D est parfaite. Que ce corps est immense et qu’il flotte, comment dire, pas sur l’écran mais vraiment devant nous, et il fait bien 10 mètres de long, et derrière il y a cette lumière étrange qui filtre à travers l’eau et le verre brisé. Fascinant. Sublime.

Bonheur.


C.

P.S. Et non, contrairement à Lucas, Cameron n’a rien retouché aux effets spéciaux de l’époque, les figurants numériques continuent de marcher comme des automates. Cela ne pose aucun problème, pas plus que l’image floue par moments. Même la luminosité semble rigoureusement la même que sur le DVD, en dépit des lunettes. C’est le pied intégral. Vous n’avez pas idée.