10 avril 2010

(500) Days of Summer (M.Webb)

La non-princesse et le scénariste (ceci n'est pas un Disney)

Dans Donkey Kong, sur Game Boy, chaque niveau recelait une dizaine d’énigmes qu’il incombait à Mario de résoudre pour secourir la Princesse Peach, retenue captive par l’affreux gorille. Eh bien ne cherchez plus : c’est la musique de ce jeu-là qu’on entend juste après une scène romantique dans (500) Jours Ensemble, que menaçait peu avant une grotesque chanson pop. L’infantilisation apportée par le jingle électronique dont l'évocation vient de vous replonger en enfance rappelle cette ironie que Marc Webb maintient précieusement tout au long de son film : Zooey Deschanel est la princesse que Tom Hanson voudrait sauver mais il n’est pas un prince, juste un gosse attardé.

Devant (500) Jours, on n’est jamais guère plus que Mario. Si la musique épouse la mièvrerie du héros, c’est toujours pour la moquer, comme choisie avec un rire sarcastique par le personnage féminin. Pas besoin, dès lors, de hurler à l’inconscience ou, pire, à l’engagement politique de Marc Webb lorsqu’une chanson du premier album de Carla Bruni accompagne une scène : la musique, toujours choisie par le personnage de Zooey Deschanel, est alors une tentative d'affirmer ne pas être la princesse aux yeux bleus que voient en elle le spectateur énamouré et le pauvre Tom Hanson, mais bel et bien, ce que connote le choix de la chanteuse : une salope intéressée. Ce qu’elle n’est pas, évidemment, mais c'est alors son stratagème pour éloigner ce boulet de Tom Hanson et se débarrasser de son idolâtrie - en même temps que de celle du spectateur. Toutes les filles ont fait ça au moins une fois dans leur vie.

Si vous vous êtes payé le dvd pour ne regarder que Zooey Deschanel sans même vous donner la peine de jeter un coup d’œil aux sous-titres, vous en serez donc quittes pour le poignant sentiment de votre bêtise. Lors de la scène du premier karaoké, le moindre gros plan sur le visage rond de l'actrice, et sur les deux cercles bleus qui y règnent en maîtres (en exagérant à peine : on pourrait effacer par ordinateur l’intégralité du corps de Zooey Deschanel et ne plus laisser que ses yeux, ses personnages ne perdraient rien en intensité) moque la libido du regard mâle, qu’il soit celui du personnage, du réalisateur ou du spectateur. Comme dans The Informant, dans lequel des espions prennent Matt Damon pour un héros de cinéma (un genre de Jason Bourne), ici Zooey Deschanel est aimée comme un héroïne de cinéma (la petite amie parfaite de Jim Carrey dans Yes Man).

"You paused..." (Yes Man)

On pense à Eternal Sunshine of the Spotless Mind. Le gros plan du visage féminin posé sur un oreiller, dans (500) Jours, a un puissant goût de déjà-vu, à ceci près qu’il prend place, chez Webb, sur un lit d’exposition dans un magasin Ikéa. C'est que nous ne sommes plus dans la tête de Jim Carrey, le mélancolique (emploi ici tenu par Joseph Gordon-Levitt), mais bien dans celle de la demoiselle pour qui cette histoire n’est pas encore achetée, pas encore acceptée. On a l'impression que (500) Jours est une adaptation du journal d'un pauvre type, c'en est une ; à ceci près qu'elle a été réalisée par le personnage central du journal en question. Sur l'affiche, il y a le scénariste, en train d'écrire sur ses genoux, et la réalisatrice, en dizaine de photos, présente dans le moindre plan du film, implicitement ou non.

(500) Jours se rêverait en premier film romantique à finir mal, il en joue cependant trop : l’histoire rejouée n’est jamais que celle de Nathalie Portman et de Jude Law dans Closer – avec qui il partage la scène de Narcisse retrouvant son reflet, se contemplant fixement quelques secondes pour mieux s’admirer (plutôt que pour se comprendre). La focalisation sur le loser rappelle même Edward Norton dans sa première comédie, l’œcuménique Au Nom d’Anna. Qu’elles étaient tartes ces scènes d’apitoiement, jouées par le réalisateur, Norton lui-même ! (pendant ma période Beau Gosse, je les adorais) Ici pourtant, on en redemande : parce que ce n’est pas de la tête du loser qu’est extrait le film. Ça change tout.

Z.D. à l'époque de Presque Célèbre (2000)

La scène de comédie musicale détonne un peu. Le succès de Tom – il a eu sa partie de jambes en l’air – introduit un merveilleux toujours factice qui n’est pas sans rappeler The Mask, c’est-à-dire – toujours lui ! - Jim Carrey, dont l’histoire d’amour avec Zooey Deschanel finissait bien dans Yes Man. Gordon-Levitt imite même, à la fin de sa danse, la dégaine du Mask prenant son élan avant de se mettre à courir pour sortir du cadre. Il demeure cependant hors-cinéma, piètrement réel en dépit de la chorégraphie improvisée par les passants, et ne peut que s’imaginer Jim Carrey ou Harrison Ford. Personnage réel échouant à devenir fictif : c'est l'inverse exact d’Il Etait Une Fois, chouette film Disney où une princesse de dessin animé se trouve plongée dans le monde réel (même oiseau bleu cartoon chez Webb, costumes bleus accompagnant les yeux de Zooey Deschanel faisant écho aux ouvriers en salopette bleue
accompagnant ceux d’Amy Adams).

Il était une fois, Kevin Lima, 2008. La scène de comédie musicale de (500) Jours y fait référence, autant qu'au numéro de Sancho le Cubain de Jim Carrey dans The Mask. Mais Tom Hanson n'est pas un toon, et c'est son drame.

Jeté dans le monde réel de Webb, le moucheron Gordon-Levitt n’apparaît plus que comme un mort, ses sourires et ses œillades n’évoquant rien d’autre que le Casanova exhumé, fatigué et légèrement moisi du regretté Heath Ledger.



Amy Adams dans Arrête-moi si tu peux, de Spielberg : "I'm not a princess." Bon, d'accord, la réplique exacte c'est : "I'm not a virgin." Mais c'est toujours l'histoire de (500) Jours.
Un détail avant de signer : Marc Webb a été choisi pour remplacer Sam Raimi à la tête de Spiderman 4 (prévu pour 2011). Avec Hewitt dans le rôle du "I'm not a superhero".

Camille.

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