Speed est le premier film de Jan de Bont, l'autre hollandais d'Hollywood, avec Paul Verhoeven. Cependant, contrairement à Verhoeven, on peut dire sans trop se tromper que de Bont s'est planté.
Imaginez.
Vous avez 22 ans et vous entrez dans le métier, comme chef op'. 16 ans plus tard, après avoir travaillé plusieurs fois pour Verhoeven, notamment sur un de ses chefs-d'oeuvre (Turkish Delights), c'est un bingo ! Vous débarquez à Hollywood. Maintenant, vous avez 38 ans.
Vous savez vous y prendre. Votre travaillerez pour votre ami Verhoeven jusqu'à créer les lumière bleues de l'interrogatoire de Sharon Stone dans Basic Instinct. Oui, ça, c'est de vous. Entre temps, vous avez travaillé pour les ZAZ (tous les Y a-t-il... ?) mais aussi pour Ridley Scott (Black Rain, pas impérissable), et surtout, surtout, pour deux maîtres des films d'action made in 80's : Richard Donner (L'Arme Fatale 3, celui avec René Russo) et... John Mac Tiernan : Piège de Cristal et A la Poursuite d'Octobre Rouge.
La moindre ampoule, dans tous ces films, c'est vous. Vous avez passé des heures à fréquenter ces types. Vous étiez là quand Bruce Willis réinventait l'action urbaine pied nus, en marcel, seul flic en charge d'un groupe d'otages en proie à l'instable alchimie de la panique.
A 50 piges, c'est encore un bingo ! Vous hésitiez à passer à la réalisation, et puis, voilà. Il y a quelque chose de familier dans cette histoire de flic seul avec un groupe d'otages, à l'intérieur d'un bus aux mains d'un fou cupide et cruel. Speed, c'est Piège de Cristal, sur quatre roues. Vous vous dites que ça ne vous fait pas peur.
Avoir regardé les maîtres du film d'action vous donne une bonne inspiration. Il faut du courage pour sortir un film la même année que True Lies, avec lequel James Cameron voulait river leur clou aux films d'action des années 80, justement. Et vous pouvez être content de votre coup : deux ans plus tard, Brian de Palma lui-même, pour Mission : Impossible, vous piquera quelques images. Keanu Reeves descendant en silence, tête la première, dans une cage d'ascenseur ; Keanu Reeves se battant à coups de pied, agrippé au toit d'un train... contre un Dennis Hopper qui ressemble à s'y méprendre au Jon Voight de Mission : Impossible...
Pour son premier film, de Bont ne manque pas d'ambition. Il met à l'écran deux symboles du Nouvel Hollywood des années 70 : Dennis Hopper réalisa en 1969 Easy Rider ; tandis que Jeff Daniels (le co-équipier de Keanu Reeves) était la star de La Dernière Séance, de Peter Bogdanovitch, sorti en 1971. Deux premiers films, deux chefs-d'œuvre. Quant à cette caméra qui poursuit sans cesse de lourds véhicules lancés à pleine vitesse et ne pouvant s'arrêter, c'est bien Duel, premier film de Spielberg sorti en 1972, la référence.
Speed est un succès. Il reprend à la fois les vieux trucs des années 80 (la musique de Terminator, le marcel de Bruce Willis), et annonce la suite : de Palma et son Mission : Impossible, Mac Tiernan et sa Journée en Enfer. J'ai même pensé à Démineurs. Mais oui : Keanu Reeves avait été choisi pour Speed après Point Break, de Katryn Bigelow. Et chez de Bont, quel est le rôle de Reeves ? Désamorcer des bombes.
En revanche, vu en 2010, Speed a sacrément vieilli. Voir Hopper se vanter d'être le mec avec un plan, c'est tout mignon depuis qu'on a vu le Joker, dans Dark Knight, se vanter d'être précisément celui qui n'a pas de plan. En 1994, on avait trop peur de ce terrorisme absurde qu'incarnèrent plus tard les kamikazes du 11-Septembre et le Joker. On avait besoin de méchants prévisibles. Et puisqu'on parle de terrorisme : il y a une belle trilogie du métro qui déraille constituée de Speed, d'Une Journée en Enfer et de Prédictions. Une maquette dans le premier, un wagon grandeur nature dans le second, une image de synthèse dans le dernier.
Speed permet aussi de se rendre compte du génie de JJ Abrams. Voyez Mission : Impossible 3 et Star Trek : ça, ce sont des films vraiment speed... En comparaison, notre film de bus est assez pépère : on y prend le temps de discuter, de se lancer des vannes, de se féliciter.
Vous avez 52 ans et votre premier film est un carton. Une nouvelle vie peut commencer : celle d'un big-shot d'Hollywood. Spielberg, qui a été séduit par vos œillades à Duel, vous prend sous son aile et produit Twister, le plus beau film d'orages de l'histoire et merveille de psychologisme en film catastrophe. Vous y faites bosser Bill Paxton, poulain de James Cameron. Vous vous y croyez.
Et puis, Speed 2 se ramasse. Vous regrettez. Pour vous refaire, vous travaillez à nouveau pour Spielberg : c'est Hantise, avec Liam Neeson et Catherine Zeta-Jones. Les chérubins en bois animé, les rideaux de synthèse et les statues qui prennent vie, font un film très joli, et un bide. Le psychologisme, ici, était mal joué. Nouvelle tentative dans l'autre direction, alors, maintenant que Spielberg vous a lâché : vous refaites une suite. Celle de Tomb Raider : Tomb Raider et le Berceau de la Vie. Qui se plante. Enfin, pour ceux qui voudraient revoir Gerard Butler faire autre chose que le macho dans les comédies romantiques, ça peut toujours servir.
Grandeur et décadence de Jan de Bont. Depuis Tomb Raider, plus rien. Juste cet article, ici, chez nous, sur Mauvaises Langues... Bah, c'est déjà pas mal, non ?
Camille
Vous avez 22 ans et vous entrez dans le métier, comme chef op'. 16 ans plus tard, après avoir travaillé plusieurs fois pour Verhoeven, notamment sur un de ses chefs-d'oeuvre (Turkish Delights), c'est un bingo ! Vous débarquez à Hollywood. Maintenant, vous avez 38 ans.
Vous savez vous y prendre. Votre travaillerez pour votre ami Verhoeven jusqu'à créer les lumière bleues de l'interrogatoire de Sharon Stone dans Basic Instinct. Oui, ça, c'est de vous. Entre temps, vous avez travaillé pour les ZAZ (tous les Y a-t-il... ?) mais aussi pour Ridley Scott (Black Rain, pas impérissable), et surtout, surtout, pour deux maîtres des films d'action made in 80's : Richard Donner (L'Arme Fatale 3, celui avec René Russo) et... John Mac Tiernan : Piège de Cristal et A la Poursuite d'Octobre Rouge.
La moindre ampoule, dans tous ces films, c'est vous. Vous avez passé des heures à fréquenter ces types. Vous étiez là quand Bruce Willis réinventait l'action urbaine pied nus, en marcel, seul flic en charge d'un groupe d'otages en proie à l'instable alchimie de la panique.
A 50 piges, c'est encore un bingo ! Vous hésitiez à passer à la réalisation, et puis, voilà. Il y a quelque chose de familier dans cette histoire de flic seul avec un groupe d'otages, à l'intérieur d'un bus aux mains d'un fou cupide et cruel. Speed, c'est Piège de Cristal, sur quatre roues. Vous vous dites que ça ne vous fait pas peur.
Avoir regardé les maîtres du film d'action vous donne une bonne inspiration. Il faut du courage pour sortir un film la même année que True Lies, avec lequel James Cameron voulait river leur clou aux films d'action des années 80, justement. Et vous pouvez être content de votre coup : deux ans plus tard, Brian de Palma lui-même, pour Mission : Impossible, vous piquera quelques images. Keanu Reeves descendant en silence, tête la première, dans une cage d'ascenseur ; Keanu Reeves se battant à coups de pied, agrippé au toit d'un train... contre un Dennis Hopper qui ressemble à s'y méprendre au Jon Voight de Mission : Impossible...
Pour son premier film, de Bont ne manque pas d'ambition. Il met à l'écran deux symboles du Nouvel Hollywood des années 70 : Dennis Hopper réalisa en 1969 Easy Rider ; tandis que Jeff Daniels (le co-équipier de Keanu Reeves) était la star de La Dernière Séance, de Peter Bogdanovitch, sorti en 1971. Deux premiers films, deux chefs-d'œuvre. Quant à cette caméra qui poursuit sans cesse de lourds véhicules lancés à pleine vitesse et ne pouvant s'arrêter, c'est bien Duel, premier film de Spielberg sorti en 1972, la référence.
Speed est un succès. Il reprend à la fois les vieux trucs des années 80 (la musique de Terminator, le marcel de Bruce Willis), et annonce la suite : de Palma et son Mission : Impossible, Mac Tiernan et sa Journée en Enfer. J'ai même pensé à Démineurs. Mais oui : Keanu Reeves avait été choisi pour Speed après Point Break, de Katryn Bigelow. Et chez de Bont, quel est le rôle de Reeves ? Désamorcer des bombes.
En revanche, vu en 2010, Speed a sacrément vieilli. Voir Hopper se vanter d'être le mec avec un plan, c'est tout mignon depuis qu'on a vu le Joker, dans Dark Knight, se vanter d'être précisément celui qui n'a pas de plan. En 1994, on avait trop peur de ce terrorisme absurde qu'incarnèrent plus tard les kamikazes du 11-Septembre et le Joker. On avait besoin de méchants prévisibles. Et puisqu'on parle de terrorisme : il y a une belle trilogie du métro qui déraille constituée de Speed, d'Une Journée en Enfer et de Prédictions. Une maquette dans le premier, un wagon grandeur nature dans le second, une image de synthèse dans le dernier.
Speed permet aussi de se rendre compte du génie de JJ Abrams. Voyez Mission : Impossible 3 et Star Trek : ça, ce sont des films vraiment speed... En comparaison, notre film de bus est assez pépère : on y prend le temps de discuter, de se lancer des vannes, de se féliciter.
Et puis, Speed 2 se ramasse. Vous regrettez. Pour vous refaire, vous travaillez à nouveau pour Spielberg : c'est Hantise, avec Liam Neeson et Catherine Zeta-Jones. Les chérubins en bois animé, les rideaux de synthèse et les statues qui prennent vie, font un film très joli, et un bide. Le psychologisme, ici, était mal joué. Nouvelle tentative dans l'autre direction, alors, maintenant que Spielberg vous a lâché : vous refaites une suite. Celle de Tomb Raider : Tomb Raider et le Berceau de la Vie. Qui se plante. Enfin, pour ceux qui voudraient revoir Gerard Butler faire autre chose que le macho dans les comédies romantiques, ça peut toujours servir.
Grandeur et décadence de Jan de Bont. Depuis Tomb Raider, plus rien. Juste cet article, ici, chez nous, sur Mauvaises Langues... Bah, c'est déjà pas mal, non ?
Camille
1 commentaire:
film le charme, comme bien que joué reeves. Il serait ae http://filmstream.co/
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