6 mars 2010

Pourquoi Clooney est nominé aux Oscars – tome 2 : Les Rois du Désert.


Three Kings, David O. Russell, 1999.

Au début des Rois du Désert, on s’imaginait naïvement qu’on allait voir une bonne comédie bien grasse sur les joies de la vie du troufion des sables. On a ouvert des yeux ronds comme des billes devant le générique tonitruant où défilaient biceps et divertissements potaches sur un flow digne des thémas West Coast de MTV. Une bourrinade sympathique et culottée : sortez la bière et les Curly, on va rigoler.
Les 4 premières minutes, c’était vaguement marrant. Mark Wahlberg avec un keffieh sur la tête, règlement de compte entre spécimens féminins débarquées dans le cadre sous un fallacieux prétexte de reportage, naïveté du bleu de service.
A la cinquième, on avait complètement fini de rigoler. Les Rois du Désert n’est pas une comédie : c’est un film crade et violent où les fillettes pleurent leur mère abattue sous leurs yeux, où personne n’est capable d’être fidèle à une ligne de conduite, opportuniste ou généreuse. C’est l’histoire d’un cessez-le-feu en forme de grosse blague, où l’on a tellement de raisons de tuer qu’on les tire au sort comme des cartes de tarot : l’or, la peur de Saddam, la vengeance, l’or, la peur de mourir, l’or.
Cela dit, si vous regardez le film après ce paragraphe, vous louperez le principal. Ce qu’il faut lire avant Les Rois du Désert, ce sont les journaux people de l'époque. Les Rois du Désert aurait besoin d’un exergue. Quelque chose comme : Clooney et David O. Russell ne pouvaient pas se blairer, et se sont écharpés pendant le tournage. Ils ont poursuivi la bagarre des années après, par interviews interposées ("George Clooney peut aller se faire mettre"). Le plus fou, c’est que Clooney s’était battu bec et ongles pour avoir le rôle, à une époque où il était surtout le docteur Colgate. Bref, ça n’était pas non plus une franche rigolade sur le plateau.
C’est peut-être pour ça qu’on est bien incapables de vous dire, finalement, ce qui distingue la performance d’acteur de ce Clooney-là. On aurait envie de croire à une forme d’anti-jeu, purement défensif, déterminé par l’instinct de survie : oublié le bel enjeu de création artistique, le vrai défi est d’arriver au bout du tournage avec un nombre raisonnable de dents. Violence d’un autre genre, très déstabilisante, que le spectacle de cette agressivité contenue et pourtant incapable de demi-mesure. Conséquence remarquable de cela : Russell reprochait au docteur Colgate de cligner des yeux pour passer le temps ; Clooney en réaction ne cligne des yeux – vous pouvez vérifier, on vous en prie – que trois fois, en 114 minutes. Cela lui donne un air violemment neutre, parfois hagard, comme un type avec un puissant mal de crâne qui s’obligerait quand même à crapahuter dans le désert avec ses petits camarades. Ce qui, finalement, est une sacrée performance.

Noémie & Camille

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