8 février 2010

Sherlock Holmes

Le tweed ne fait pas le moine.


Il aurait fallu beaucoup de culot, d'imagination et d'intelligence pour s'attaquer sans dommages à Sherlock Holmes. Pourtant, n'en déplaise aux aficionados d'enquêtes réglées comme du papier à musique, flegme spirituel et autres casquettes à carreaux, le pari avait tout pour séduire : vous connaissiez Sherlock l'impassible, le bien élevé, le rationnel, nous allons en faire une star du rock. Vous aimiez Watson le discret, l'avisé, le raisonnable, nous allons en faire une star du rock.

Let's rock then.


Voici ce qui swingue dans Sherlock Holmes :

1. Robert Downey Junior : la rockstar par excellence. Un génie bouillonnant et turbulent, plus méthodique sur le ring que sur une scène de crime, gentiment égoïste, bref : le seul homme au monde capable d'avoir la classe même en bretelles.

2. La musique de Hans Zimmer : nominée à l'Oscar. Il a même renoncé à son gimmick noire-pointée-noire-pointée-trois-croches-deux-doubles (je sais, ce serait plus simple si je pouvais vous le chanter) pour l'occasion. Plus sérieusement, une musique d'une légèreté et d'une vivacité surprenante de sa part, c'est tout simplement salutaire dans un film à la gloire du ralenti.

3. La photo : c'est vraiment très joli. Seulement, c'est bizarre, ça me dit quelque chose. Et c'est normal, parce que Ritchie a embauché le directeur photo de Sweeney Todd et lui a demandé de refaire la même chose, avec un peu d'Harry Potter et beaucoup de From Hell au milieu. Zut, tout de suite, ça swingue moins.

4. Une jolie scène de combat sur le ring pendant laquelle Holmes torse nu anticipe puis met à exécution une admirable stratégie du K.O. Bonne idée, vraiment, excepté que l'anticipation au ralenti suivie par la mise à exécution en accéléré, on l'avait déjà vue dix minutes plus tôt, dans la toute première scène. Oh, le vilain radoteur.

[5 ? NB : je mets un point d'interrogation pour le décorateur : il a peut-être fait un très joli travail, mais comme Ritchie ne se donne pas la peine de filmer le mythique 221B Baker Street, on n'a aucun moyen de le savoir.]

Ces quelques friandises dûment appréciées, que nous reste-t-il ?


1. Un faux tandem : j'aurais pu vous dire que Jude Law swingue aussi. Le problème, c'est qu'à force d'insister sur le fait que Holmes et Watson sont "frères", Ritchie a fait du second un simple clone du premier. Il finit ses phrases et ses raisonnements, frappe la joue gauche du méchant préamoché par le frangin à droite, partage gentiment ses armes à feu. Bref, on s'ennuie ferme.

2. Un méchant plat : comme si Tweedledee et Tweedledum ne suffisaient pas, on a droit à un méchant qui a la gueule d'Andy Garcia sans être Andy Garcia. Pas de personnalité, pas de passé, pas de mobiles, pas de jeu d'acteur. Tant de rien, c'est presque surprenant.

3. Une Homelette transparente : pire que transparente, insignifiante. Rachel McAdams est même très bien placée pour le titre de jeune actrice la plus insignifiante de la nouvelle génération. Vous pouvez crier à la mauvaise langue, m'accuser de jalousie, mon cavalier était exactement du même avis. Absence totale de tentative de jeu, aucune personnalité, aucun mystère (Irène Adler, quand même !), mêmes mimiques communes que dans tous ses autres rôles. Pour le coup, elle est tellement insignifiante que c'en est surprenant.

4. Un scénario inexistant : déjà, tout le film est construit comme prétexte à une suite, et ça, monsieur Ritchie, c'est vraiment de mauvais goût. En gros, le vrai méchant, celui qui a une personnalité, c'est l'inimitable Professeur Moriarty. Sauf qu'on ne le voit pas. Zut alors.

5. Des dialogues insuffisants : au mieux, vous souriez. Au pire, vous avez dans l'oreille un très désagréable bourdon de déjà-entendu.

6. Une enquête improbable : faire de Sherlock Holmes un super-héros, pourquoi pas ? Le raisonnement type "Vous savez (ah ! cette manie des détectives de rendre des comptes au méchant), lorsque j'étais à 600 mètres de vous, j'ai bien vu que vos chaussures était cousues main, voilà ce qui vous a trahi " s'accepte sans sourciller une fois, peut-être deux. Mais il faudrait quand même expliquer à notre cher détective qu'en attendant l'arrivée du cinéma en odeur, mener toute une enquête par déduction olfactive, c'est un peu ennuyeux.

7. Des images de synthèse : un assez joli pont en construction, et encore. Pour tout le reste, voir Sweeney Todd, Harry Potter VI, From Hell.

8. De la baston : sauf qu'ils ont manifestement oublié d'embaucher un chorégraphe, et promu dans l'urgence le type de la machine à café. Résultat : du Pirates des Caraïbes en soldes, et mal filmé.

9. DES RALENTIS : des tonnes et des tonnes de ralentis, et ô surprise ! surtout dans les scènes de baston. Nous avons bien de la chance.

10. Ah non, en fait non.

Sur ce, chers lecteurs, je vais me coucher, non sans m'ébaudir une dernière fois sur cette inénarrable réflexion de G.O. pour T***rama : "Le scénario, plutôt fin, obéit à l'esprit des romans." Que vous n'ayez jamais eu la curiosité d'ouvrir un Conan Doyle, je vous le concède, madame, les livres sont si chers. Mais tout de même, vous vous faites bien du mal...

Et si vous voulez vraiment mon dernier mot sur le film, je me permettrai cette petite blague : Rudimentaire, mon cher Watson. Je sais, elle est mauvaise. Le film aussi.



Noémie.

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