25 octobre 2010

Expo Science-Fiction à la Villette

Sanctuaire





"Nous vous invitons de l'autre côté de la frontière des certitudes, et en belle compagnie !" (Préface du livre de l'expo...)


On ne sait jamais quoi répondre à ceux qui nous disent que la science-fiction ne sert à rien. Car leur répondre serait forcément offensant, à un moment ou à un autre, cela reviendrait à expliquer pourquoi ce ne sont que de vieux éteints dont l'imagination est morte, et pas seulement l'imagination, mais la simple intelligence qui est celle de n'importe quel lecteur de poésie capable de voir dans l'emploi des images autre chose que ce qu'elles montrent. Je restai ainsi bouche-bée, poliment bouche-bée, l'autre jour, en entendant : "la science-fiction, je peux pas. Il n'y a pas de lien avec le réel. Le fantastique, oui, parce qu'il y a un lien. Mais la science-fiction, non." Mais cette sensibilité bas de gamme est partout, jusqu'au sommet de la Sorbonne, Paris-4 pour faire joli, dont le directeur de l'UFR de littérature comparée asséna un jour à Noémie, qui voulait travailler sur Barjavel : "la science-fiction est un sous-genre. Barjavel n'a rien inventé." Je peux comprendre qu'on soit indifférent à la science-fiction, même qu'on ne l'aime pas. Mais qu'on la rejette comme ça, ça me brise le cœur.
A l'exposition créée par la Villette, ouverte il y a une semaine et qui s'y tiendra jusqu'au 3 juillet, il y a un panneau sur lequel les grandes avancées de la science sont mises en parallèle avec les grands moments de la littérature SF. On peut y lire, en 1943 : Barjavel, Le Voyageur Imprudent. Invention de la notion de paradoxe temporel, dit "paradoxe du grand-père" (un homme voyage dans le passé, tue son grand-père, donc il n'existe pas, donc il ne peut pas tuer son grand-père, donc il existe, donc il le tue, etc.) Noémie et moi avons alors partagé une petite pensée pour Didier A., directeur d'UFR, et puis nous avons passé notre chemin.
Ceci est un spot de pub. Si vous êtes mordu de SF, cette exposition sera pour vous le paradis sur terre. Sinon vous passerez un bon moment, instructif, divertissant, agréable ; mais c'est aux mordus que je m'adresse ici. Ceux-là ont à portée de RER, de train - et croyez-moi, si vous venez de loin, le déplacement vaudra le prix du billet grandes lignes - le sanctuaire des sanctuaires. L'expo science-fiction de la Cité des Sciences et de l'Industrie est en effet consacrée à la science-fiction au cinéma.

Nous ne nous y attendions pas. Un week-end par an, depuis 2006, année de ses 20 ans, la Villette est entièrement gratuite. C'est un peu comme Noël : rien de fondamental, mais manquer l'occasion, c'est mutiler le déroulement des saisons. L'être humain a besoin de rituels. Nous voilà donc, samedi matin, gratuitement entrés, dans ce que nous pensions être la première salle d'une petite expo visitée en 20 minutes, consacrée aux voyages vers la Lune.

Pour la première fois, la Cité des Sciences s'est associée à la Bibliothèque Nationale. Résultat : un premier émerveillement imprévu devant un Hetzel, l'un des Jules Verne originaux, de 1867. Peu après, nous verrons un manuscrit de Villiers de l'Isle-Adam (La Nouvelle Eve), jusqu'au climax de la contribution Bnf : la page 6 du manuscrit de La Planète des Singes, dans la marge duquel la main de Pierre Boulle a griffonné : "un singe ? oui. Une planète avec des singes. A approfondir."

Juste derrière, dans une vitrine, les costumes du remake de Tim Burton. Mais à ce moment-là, nous ne touchions déjà plus le sol, et ce n'était pas ce que nous avions vu de plus beau. A partir de maintenant cet article vire à la litanie geek.

Le premier choc date de la vitrine consacrée aux combinaisons spatiales. C'est bien celle de Bud Brigman, dans Abyss, que vous avez devant vous, à côté de celle de Bruce Willis dans Armageddon (la visière est encore cassée). La grosse, dorée, vient du Sunshine de Danny Boyle. Sur un écran, des extraits d'Apollo 13, qui n'a pas volé son oscar des meilleurs effets spéciaux. Je veux devenir astronaute. C'est trop tard. Tristesse passagère.

En 2006, c'est l'expo Star Wars qui avait créé l'événement. L'expo SF en est la continuation, le sequel. Plus de moyens. Plus de tout, avec quelques élément du premier épisode : on découvre ainsi, ce samedi-là, des story-boards originaux de L'Empire Contre-Attaque. Regardez, sous le dessin, un type qui ne savait pas découper droit a grossièrement collé un papier tapé à la machine sur lequel sont notés les éléments nécessaires à la réalisation du plan. Derrière, vous verrez une maquette originale des croiseurs impériaux employés dans la scène du champ d'astéroïdes. Un peu plus loin, vous verrez une réplique du costume de C3-PO. Le R2-D2 qui se tient à ses côtés, en revanche, est l'original.


Tout autour de vous, des écrans diffusent des extraits de films. Et vous entendez, au loin, le générique de Star Trek... Vous allez voir. Vous passez à côté d'une maquette d'un des petits frères de l'USS Enterprise. Sur des mannequins, voilà les costumes de la série originale. 1966. A côté, un petit topo sur Dune (il paraît que le réalisateur de Taken et de From Paris with Love va prendre la suite de David Lynch. Quand on voit ce qu'un autre poulain Besson a fait du Choc des Titans, ça fait envie.)

Ils ont l'air un peu rigides comme ça ; ils sont beaucoup plus vivants en vrai.

Vous n'êtes pas au bout de vos surprises. La SF, c'est le voyage dans l'espace et dans le temps aussi ; à l'étage, toute une pièce est consacrée aux reliques de Retour vers le Futur. Des choses qui n'ont rien à faire avec la science-fiction, tout en la résumant parfaitement : l'un des objectifs inavoués de l'expo est bien de faire la nique aux Didier A., de montrer que la science-fiction n'est pas un sous-genre décérébré mais l'une des formes les plus nobles, les plus modernes et les plus belles de la poésie. De montrer qu'il n'est rien de notre société qu'elle n'ait pas interrogé, manipulé, modifié. Qu'elle est l'expression des rêves de nous autres pauvres pollueurs, et de nos cauchemars. Que la question, que l'enveloppe en soit signée Montaigne ou Asimov, est toujours la place de l'homme seul dans l'univers vide. La science-fiction (le raccourci de Montaigne à Zemeckis secoue un peu, accrochez-vous), c'est donc aussi cette guitare Gibson avec laquelle Michael J. Fox fait tomber amoureux ses parents en leur jouant Johnny B. Goode, c'est son chapeau de cow-boy (regardez à l'intérieur, il y a le nom de l'acteur), ce sont ces accessoires, de faux journaux : en 1989, date de réalisation du second film, on s'était amusé à imaginer que la Reine Diana rendrait visite à Hill Valley en 2015.



Vous êtes redescendus. D'un étage, pas sur terre. Dans la vitrine consacrée aux robots, le costume de Robocop se tient à côté de Sonny, le robot d'I, Robot. Derrière, la statue d'un Terminator sans revêtement braque le buste du T-1000 couvert d'impacts de Terminator 2. A côté se trouve Robby, le robot aux airs de mixeur de La Planète Interdite (Fred Wilcox, 1956). Sur les écrans, la scène où un Transformer s'extrait majestueusement d'une piscine suit un extrait de Barbarella (Roger Vadim, 1968). Vous passez à côté d'une affiche de Mondwest, de Michael Crichton (le Jules Verne moderne, c'était lui, mais ils n'en parlent pas beaucoup...) et vous arrivez au costume de Rick Deckard, le Harrison Ford de Blade Runner. Le costume de policier du Cinquième Elément n'impressionne pas autant, mais fait plaisir à voir quand-même, de même que le masque de Mangalore qu'on verra un peu plus loin. Le Cinquième Elément, c'est - avec Barbarella - le film de SF français le plus célèbre, il est donc mis à l'honneur (typiquement le genre de film que je serais bien incapable de juger, l'ayant vu environ 450 fois étant ado).


Quartier d'expo sur les utopies, les dystopies, les uchronies, la première d'entre elles date de 1872, un type avait imaginé ce qu'aurait été le monde si Napoléon avait gagné à Waterloo. Peu après, beaucoup de Starship Troopers : costumes de soldats, maquette gigantesque du vaisseau piloté par Denise Richards. Quelques tests sur les lois de la robotique édictées par Asimov (reprises dans I, Robot : "un robot ne peut faire de mal à un humain", etc. - à ce sujet, j'ai vu hier L'œil du mal, remake produit par Spielberg de La Mort aux Trousses, avec un robot tout-puissant à qui on a inculqué la constitution américaine en guise de lois de la robotique - à voir.)

Les commissaires de l'exposition auraient pu s'en tenir là. Ils s'étaient déjà procuré une statue grandeur nature du premier Alien, importation directe du musée Giger en Suisse ; le costume de Rip Torn dans Men In Black II ; le masque d'extra-terrestre utilisé à la fin de Rencontre du 3e type ; la maquette du Narcissus, vaisseau avec lequel Ripley s'échappe... Mais non. Il manquait quelque chose. En 1984, William Gibson a écrit Neuromancien, inventant le concept de cyberespace, rendant possible l'invention de la matrice des frères Wachowski. Ce qu'Alien est aux films d'extra-terrestres, ce que Retour vers le Futur est aux films de voyages dans le temps, ce que Star Wars est aux odyssées spatiales, Matrix l'est aux films sur le monde virtuel. Les commissaires se sont donc débrouillés pour obtenir de quoi remplir une salle entière.

Mais je me rends compte qu'il est temps de laisser parler les images.



http://www.cite-sciences.fr/francais/ala_cite/expositions/science-et-fiction/accueil


Ceux qu'il faut remercier : Ugo Bellagamba, Patrick Gyger (rien à voir avec H.R.), Roland Lehoucq, Clément Pieyre, mais surtout Evelyne Hiard et Sophie Lecuyer.

11 € plein tarif / 8 € tarif réduit / gratuit pour les moins de 6 ans.

Le tarif réduit s’applique aux moins de 25 ans et étudiants, 60 ans et plus, titulaires de la carte famille nombreuse et personnels de l'éducation nationale.




Camille. (merci à JB Wagner pour les photos)

1 commentaire:

Anonyme a dit…

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