21 septembre 2010

Hot shots (septembre-octobre 2010)

Hors course : Oncle Boonmee (celui qui se souvient de ses vies antérieures) de Apichatpong Weerasethakul.

Vu au Musée des Abattoirs de Toulouse il y a trois ans : une toile enduite de cambouis et assortie d'un texte dithyrambique de quarante lignes en police 9 sur un petit panneau blanc, expliquant que c'est en réalité le rien absolu de l'Oeuvre qui fait sens : "Par le choix d'un matériau définitoire du quotidien urbain comme par son refus emblématique du narratif sous toutes ses formes, l'artiste pointe avec une virulence sans égal les blessures d'une société contemporaine en perte de repères."A ce moment-là, vous avez deux options : soit renchérir avec des trémolos dans la voix, pour le plaisir d'humilier la personne à côté de vous, qui ne voit également qu'une toile enduite de cambouis, mais qui renchérira de même, parce que nous sommes dans un musée d'art moderne, c'est chic, c'est trop V.I.P., et on ne peut pas s'abaisser à dire tout haut ce que tout le monde essaie en vain de ne pas penser : c'est une toile enduite de cambouis, voilà tout.

C'est là qu'il va me falloir du courage. Il serait de bon ton de vous écrire quelques lignes empreintes d'un respect ému sur cette palme d'or à laquelle tout le monde fait semblant de comprendre quelque chose sans être vraiment sûr qu'il y ait quoi que ce soit à comprendre. J'ai entendu des merveilles sur Boonmee :

"Non, mais tu vois, c'est la sensation qui prime au fond, finalement... Pourquoi voudrais-tu qu'il y ait quelque chose à comprendre ?" (Pourquoi, en effet ?)

"Non, mais c'est le fossé culturel, le problème. Si on était de là-bas, on comprendrait." (Perspective ô combien plus angoissante, à tout prendre.)

ou encore

"Non, mais de toutes façons le narratif c'est quand même grave dépassé." (??????)

Une grande respiration plus tard, voilà en toute honnêteté ce que j'ai à vous dire sur Boonmee : je ne me suis pas vraiment ennuyée, ou pas autant que ce que je craignais. J'ai vu de belles images, et l'égarement narratif de la femme et du poisson m'a même franchement plu. J'ai bien aimé les fantômes. Au début. Je veux bien considérer, par amitié pour certaines personnes que j'estime, la possible pertinence d'une poétique du what the fuck. Mais je la leur laisse.

Je n'ai absolument rien contre Boonmee, dans le fond. Ce qui m'exaspère, c'est d'y retrouver le public de la toile de cambouis.

Navrant : The Runaways, de Floria Sigismondi.

Quand un faiseur de clips se lance dans le cinéma, c'est toujours une très bonne ou une très mauvaise surprise. Floria Sigismondi remporte haut la main la palme de celui/celle qui n'aurait pas dû. Son film est consternant à tous les étages : brassant les clichés du genre avec un premier degré qui aurait pu nous faire rire s'il n'avait pas le double tort d'être scolaire et prétentieux, The Runaways est un désolant collage de déjà-vus découpés dans les grands et les petits films sur l'âge d'or du Rock et du Glam. Un film réalisé comme on fait ses courses à Auchan, avec une liste. Dérives sexuelles : fait. Alcoolisme juvénile : fait. Tentations lesbiennes : fait. Overdose : fait.
Il n'est hélas pas rare de voir un film sans idée. Mais un film qui ne tente même pas, pas une seconde ! d'imposer une touche personnelle, c'est exceptionnel. Les jeunes actrices ne sont pas mauvaises, juste terriblement fades. Il faut dire, à leur décharge, que les rôles ne sont pas écrits. L'histoire est d'un ennui mortel. Aucune tentative de controverse, aucune tentation white trash : on vise un public entre 12 et 15 ans, ignare, le seul à pouvoir être émoustillé par une scène de baiser lesbien filmée, ô surprise ! avec un filtre rouge. Car le comble du comble, pour une réalisatrice de clips (et pas mauvaise en plus), c'est que c'est mal filmé. Les scènes de concert sont correctes. Le reste, une frénésie lassante de caméra subjective sans subjectivité, des gros plans sur le maquillage qui coule, une déferlante pathétique de flous artistiques bon marché. D'ailleurs, plus personne n'ose les tremblements de caméra pour mimer les effets de la drogue. Trop vus. Mais il faut croire que Floria Sigismondi ne va jamais au cinéma.

Presque : Twelve, de Joel Schumacher.


Beaucoup trop conforme au programme du Gossip Girl : The Movie qui devrait nous tomber sur le coin du nez un de ces jours pour présenter un intérêt véritable. Néanmoins (et c'est la seule raison pour laquelle j'en parle), il offre un des très rares exemples de films sauvés par ce fléau de la voix off qui en a coulé plus d'un. La scène d'ouverture est une sorte de remix de Spirit à la sauce Upper East Side. Une silhouette en manteau noir au sommet d'un building, et un nom : White Mike. Le film tourne et tourne autour de ce personnage trop délibérément mystérieux pour lui donner une force. Pour le reste : gosses de riches trompant leur ennui avec des substances illicites trop faciles à obtenir. Vaines tentatives de glauque. Facilités scénaristiques. Chace Crawford ne sait pas pleurer sur commande. Néanmoins, cette voix omniprésente d'un homme de quarante ou cinquante ans, sans relais physique dans le film, d'une unicité de ton presque troublante au fil des variations de discours, rachète une bonne partie du peu de choses qu'il y avait à racheter.

Miraculeux : Des hommes et des Dieux, de Xavier Beauvois.

Je pourrais écrire toute la nuit sans trouver les mots pour vous dire à quel point le film de Xavier Beauvois m'est un émerveillement. Aussi, je voudrais ne rien vous dire du tout, et pourtant il faut que je dise quelque chose, tout le reste n'a été qu'un prétexte pour en arriver là. Je pourrais vous dire que j'ai éprouvé pour la première fois de ma vie, au fond d'une salle un peu moche du MK2 Bibliothèque, le sentiment (pour le moins incongru dans ce contexte) de bénéficier d'un privilège immense : celui de pouvoir me trouver au cinéma, en 2010, et de voir ce film. Je pourrais vous dire que ce film, c'était un rêve que je pensais ne jamais voir réalisé, une idée trop belle pour prendre corps : arriver au sublime par la route de l'absolue sobriété. Je pourrais tenter de mettre un nom sur le miracle : l'effacement derrière l'image d'un cinéaste assez courageux pour laisser une histoire parler d'elle-même.
Je reste en deçà de ma pensée, infiniment. Je ne sais plus quoi vous dire, à vouloir trop vous dire. A n'être presque rien ce film est trop pour consentir à passer par ma plume. Je n'ai rien à vous dire. Je n'ai rien à vous dire sur Des hommes et des Dieux, sinon mon humble certitude d'avoir vu l'une des plus belles et grandes choses qu'il me sera jamais donné de voir. Cela, et le silence inénarrable de mon émerveillement.

Noémie.

9 commentaires:

Elise a dit…

La seule chose que j'ai retenue des Runaways c'est que manifestement, le cadrage est une notion obsolète.
Et je me sens un peu visée par ta critique sur Boonmee. Même avec zéro histoire j'aurais aimé regarder les images.

Camille B. a dit…

c'est le fossé culturel, voyons...

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