3 décembre 2011

Twilight 4 - Cataplasme

Pour ceux qui nous croiraient malades, quelques mots sur Twilight 4, que nous sommes bien-sûr allés voir, et au Mk2 Bibliothèque encore, tradition oblige. Très vite pendant la séance, l'atmosphère s'est détendue, nos éclats de rires ont conquis quelques autres rang qui ont peu-à-peu cessé de prendre au sérieux ce film où l'on vous fait passer pour du grand spectacle des huskies géants qui reçoivent des droites pendant 10 minutes. A la fin pourtant, certains fans nous regardaient de travers. Ceux qui auraient probablement le mieux aimé nous tuer s'embrassaient langoureusement, enlacés, debout au dernier rang, de temps en temps ils se regardaient dans le blanc des yeux, on s'est demandés avec horreur si le mec s'était pas plus ou moins servi de la scène de mariage entre Edward et Bella pour faire sa demande.

"Quoi, j'ai lancé, ne nous faites pas croire que vous nous en voulez d'avoir un peu gloussé.
- Ça fait un an qu'on l'attendait, a répondu une jolie brune au rang derrière nous. Vous avez ruiné la séance, vous n'avez pas honte ?"

Aux rangs de devant, sur les côtés aussi, les gens l'avaient entendue. Un type est intervenu : "Nous vous avons sauvé du piège intellectuel mortel qui aurait consisté à prendre ces conneries au sérieux." Je l'ai remercié avant de renchérir : "Avouez que la mère qui donne un collier à Bella en disant que c'est son premier bijou de famille, juste avant la nuit de noce, ça fait con.
- C'est les sous-titres.
- Avouez que les loups qui s'engueulent par voix-off interposée, ça fait con.
- Toujours moins que de les faire parler vraiment.
- Avouez que le type qui casse le lit en faisant l'amour pour la première fois, jouit quatre secondes plus tard et ne retouche plus jamais sa femme parce qu'il a peur de la brutaliser, ça fait pas seulement con, ça fait glauque.
Elle s'est tournée vers sa voisine et lui a raconté un truc sur un garçon qui battait sa copine quand il jouissait trop vite. Là, il s'est passé quelque chose d'assez intéressant : les deux filles ont eu l'air de faire une concession.
- Oui, ça...

Comme si les fans de Twilight savaient que c'est nul et qu'ils l'acceptaient. Partant de là, je ne serai pas surpris si les salauds cupides qui produisent tout ça ne demandent pas délibérément aux réalisateurs d'être mauvais. Un peu comme le type moche qui s'enlaidit encore plus pour faire rire son entourage, être sûr d'être accepté en répondant aux attentes des gens. Je vous dis, dans la salle, la moitié du public était venue pour rigoler. Si ça se trouve, le cœur de cible, c'était nous.

J'ai demandé à la brune ce qu'elle aimait dans Twilight. Sa copine blonde a répondu :
- Taylor Lautner est très beau.
Ce qui rejoint ce que j'écrivais dans mon dernier post : Twilight se vend comme du porno et ne joue que sur les pulsions sexuelles. C'est même pire que du porno, puisque Twilight entretient la frustration là où même le plus naze des films X finit par une éjaculation.
Elle m'a traité de vicieux.
- Est-ce que ça ne vaut pas mieux ?, j'ai poursuivi : Twilight ressemble à une longue inception visant à persuader que 1) Buter des criminels n'est pas si grave 2) On n'avorte pas, même si le bébé est un monstre qui vous bouffe de l'intérieur (cette fille qui passe son temps à corriger "bébé" quand on dit "fœtus"...) et 3) Tout est meilleur si c'est faux.

J'aurais été ravi de me taire à ce moment-là et de partir mais des dizaines d'yeux hostiles s'étaient rivés sur moi et attendaient que je continue de parler pour saisir une opportunité plus facile de me clouer le bec.


- Dans Twilight, on boit du sang contenu dans des poches en plastiques et on le boit à la paille ; on transforme quelqu'un en vampire non pas en le mordant mais en lui faisant une piqûre. Tout est décalé, démonté, tout ce qui est vrai, direct, charnel et sincère est délayé. Mordre Bella pour la première fois et la dépuceler auraient dû constituer un seul et même acte mais ça aussi est décalé : il la saute, et la mord deux heures plus tard - et seulement une fois qu'elle est morte ! (petite scène de nécrophilie assez sympa, je reconnais : cette bouffée d'air ouvertement malsain faisait un bien fou).
Si vous enlevez les vampires et les loups-garous, et ne gardez de Twilight que ce qui est un miroir de la réalité, vous n'obtenez pas seulement un film con comme Sarah Palin (il est plusieurs fois question d'Alaska dans la saga, si je ne m'abuse), vous obtenez un plaidoyer pour la survie en milieu aseptisé. Et c'est ce que vous voulez : pas un film qui soit bon, mais un film qui corresponde à ce que vous attendez. Vous-même avez dissocié la chaîne naturelle de cause à effet qui veut qu'on aille voir un film parce qu'il est bon. Déconnectés de la réalité.


A ce titre, le dernier plan du film n'est pas seulement scandaleux, il est symptomatique. Le gros plan sur les yeux rouges de Bella qui ressuscite sous forme de vampire est un plagiat honteux du dernier plan d'Avatar, tout le monde y a pensé. Pourtant, Twilight est le contraire d'Avatar : là où le film de Cameron est entièrement technologique mais dégoûté de la technologie, Twilight est cheap et rêve d'un monde où rien n'est direct, ou tout est médiatisé et passe par un outil. Twilight, c'est le cri du singe dans 2001 Odyssée de l'espace, du singe qui se rend compte qu'il peut taper sur un autre singe avec un os plutôt qu'avec ses poings. Les loups en image de synthèse, c'est encore ça : Twilight ressemble à l'adaptation de ces tableaux beaufs sur lesquels des huskies posent devant la Lune. Eh ben, c'est le cri de singe des types qui sont contents d'avoir recréé ces images merdiques par le truchement d'un ordinateur plutôt qu'avec des gros pastels.
- Tous les films hollywoodiens sont cyniques comme ça. C'est une industrie, on l'accepte, on le sait, a fait remarquer la brune.
- Oui, sauf qu'ici le cynisme des producteurs n'est aucunement filtré par la créativité d'un réalisateur. C'est du cynisme à l'état pur. Y avait-il vraiment besoin de faire deux épisodes pour ce dernier livre ? Ici, tout dure quinze plombes parce qu'il faut tenir deux heures. On a même droit à une scène où machin fait ses bagages. Rien, absolument rien d'important ou même d'utile à l'histoire ne se passe entre le mariage et l'accouchement. Et ce rien n'est même pas intéressant, comme pouvait l'être le rien de la première partie en forêt d'Harry Potter et les Reliques de la Mort.
Vous êtes les victimes de ce que le cinéma peut faire de plus corrompu, de plus laid et de plus cupide, et vous ne savez même pas pourquoi vous choisissez d'y céder."

J'étais content de ma conclusion. Il y avait à présent une ambiance de merde. Le flûtiste du générique de fin s'était enfin pendu. La blonde et la brune sont parties sans sourire. J'avais l'air très con. Personne n'étale sa science comme ça à la fin des films. Et sûrement pas à la fin de Twilight. On n'apprend rien à personne, on se rend antipathique et on a l'air prétentieux. Les gens y vont pour faire quelque chose de bête. Ils le savent. Ils aiment Twilight et savent que c'est mauvais : c'est la signature de la saga. Sinon, qui accepterait un final débile comme le coup de foudre entre Taylor Lautner et le bébé ? Le prénom de ce bébé : Renesmée ? La tronche de gastroentérite que tire Kristen Stewart du début à la fin ?

Aussi ne dirons-nous aucun mal du prochain qui sortira. Espérons que nos agents infiltrés au service des sous-titres nous serviront encore quelques beaux bijoux de famille.


C.


P.S. Bien entendu, tout était vrai dans ce qui vient d'être raconté.

2 commentaires:

Anonyme a dit…

Pas de singe chez Kubrick, que des hommes !

Camille B. a dit…

C'est juste. Pas de loups dans Twilight non plus, d'ailleurs.