8 juillet 2011

Transformers 3 - La visite au zoo

"Citer une personne, c'est du plagiat ; en citer plusieurs, c'est de la recherche." (dans quoi j'ai entendu ça déjà ?)

Regarder un film de Michael Bay, ce n'est jamais vraiment "regarder un film". C'est une expérience physique que certains (beaucoup, tous les gens bien, en fait) trouvent douloureuse et annihilante. C'est aussi visiter un zoo.

Visiter un zoo peut, parfois, être enrichissant. Les animaux nous ressemblent tant. C'est regarder notre reflet derrière une cage, ou une vitre (et d'ailleurs La Fontaine fête aujourd'hui , 8 juillet, ses 390 ans).
Dans certains cas, le zoo n'est pourtant qu'un ensemble de boîtes où sont enfermées les bêtes. Coupées de leur habitat naturel, elles ne sont là qu'à titre de tableaux, d'échantillons, de sauvegardes.
Bay fait exactement ça, avec le cinéma américain. Vous trouverez dans chacun des siens une vingtaine d'autres films, sortis de leur habitat naturel et mis dans la cage, le tupperware, le bain de formol, de son style clipesque, tachycardique (j'ai appris ce mot en lisant une critique d'Armageddon).
Différence avec les zoos : les spécimens enfermés par Bay sont tous des mutants, hypertrophiés, updatés Attendez vous à croiser des rhinocéros à trois cornes, des éléphants à deux trompes, des dauphins capables de rester 10 secondes en lévitation au-dessus de l'eau, des mygales à 12 pattes, des vautours à hélices ou des tigres lance-missile (les deux derniers sont authentiques).

Quels sont les nouveaux ajouts à la réserve ? Transformers 3 débute. Gardez vos fenêtres fermées.

[Vous pouvez toujours cliquer ici, histoire de vous mettre dans le bain. Ce morceau résume le film entier ; si l'on était pressé, il n'y aurait absolument rien à ajouter.]

* * *

La découverte de la source d'Energon à Tchernobyl est filmée comme celle de l'épave au début du premier Alien.

(facile. petite mise en jambes.)

La musique. Ces énormes pompes menaçantes que l'on entend au début des scènes d'action, ou encore quand les parachutistes se jettent d'un immeuble, sont la copie de celles que l'on entend dans Inception mais, à tout prendre, le bruit discordant des pépiements électroniques qui s'y ajoute évoque plutôt la musique atonale et terrifiante de Shutter Island.

(bon et maintenant, passons aux choses sérieuses.)

Dans Transformers 3, les 15 derniers étages d'un immeuble s'effondrent avec des personnages à l'intérieur. C'est évidemment une manière de battre Spiderman 3, dans lequel 2 étages, seulement, font glisser tout un tas de personnages dans le vide. Bay frime : là où la trouvaille de Sam Raimi consistait à filmer les débris s'écrasant au sol sur les passants et les voitures, Bay laisse chuter sa caméra avec ces même débris.

L'immeuble qui s'écroule, c'est aussi 2012. Tout comme le coup des personnages en vol traversant l'immeuble en train de s'écrouler... (Soit dit en passant, le 11-Septembre aura 10 ans dans deux mois et le tabou visuel qui pesait dessus semble s'estomper pour de bon). Si Bay montre un train écrasé dans un immeuble mais pas le moment où ce train s'écrase, c'est que cela a déjà été filmé dans 2012 (c'est un peu le même principe que Mission : Impossible 3 qui ne montre pas ce qui se passe à l'intérieur du building, sautant par-dessus une scène déjà vue dans Mission : Impossible 2).


Idée de coffret pour Noël. Le thème : les épisodes 3 qui se finissent en concert des tambours du Bronx. Terminator 3, Spiderman 3, Transformers 3. Tout est prétexte au choc sonore du métal contre les matières. Terminator 3 s'en régale dès lors que les androïdes s'échangent des coups de boule ; Spiderman 3 finissait littéralement par une scène de carillon ; Bay n'a jamais brillé par son originalité, vous l'aurez compris : Transformers 3 s'achève sur un concert de fracas métallique - en plus riche - en updaté, bien-sûr.

Cinéma des années 80 forever : les deux 4x4 noirs qui attaquent sur l'autoroute se transforment en extra-terrestres version Predator. (facile)

Des tonnes de références à Star Trek : Leonard Nimoy (Spock de la série, vu dans le film de JJ Abrams sorti en 2008) double Sentinel Prime (un robot) et je ne me rappelle plus exactement de ce qu'ils disent mais les personnages y font référence plusieurs fois. Enfin, la planète aspirée en son centre par une sorte de trou noir est la copie exacte d'un plan du Star Trek d'Abrams.


Transformers 3 a été filmé avec la Cameron/Pace, reine des caméras stéréoscopiques. C'est James Cameron qui a fait cours à Bay, et ce dernier, pas gêné, ne se prive pas de quelques citations directes d'Avatar : la scène où des hommes tombent dans le vide, suivis par des hélicos en train de se crasher - ou, update toujours, scène où Sam est accroché par un câble à un monstre en furie qui essaie de s'en débarrasser. On retrouve la même interaction entre un acteur et un monstre de synthèse au début d'Avatar (lorsque Jake est attaqué par le Thanator).


Gotham City, dans Batman Begins et The Dark Knight, est en partie constituée de Chicago. Seulement Bay filme les ponts, lors de sa bataille, depuis le même point de vue que Nolan dans The Dark Knight.


C'est Spielberg qui a refilé la saga Transformers à Michael Bay - en partie parce que le premier épisode ressemblait à une version updatée d'E.T. A présent, la référence a changé : Bay pompe La Guerre des Mondes. Ça paraît évident dit comme ça, mais on n'aurait jamais imaginé qu'il reproduirait à l'identique la façon dont les humains sont réduits en cendres par les extra-terrestres.
Détail : l'un des plans-séquence les plus marquants de La Guerre des Mondes montre une voiture éjectée à travers la vitrine d'un magasin, et esquivée de justesse par le héros. Bay reproduit cette cascade dans Transformers 2. La voiture est filmée de l'intérieur de la boutique, le héros l'évite de peu, etc.
Comme Emmerich, comme Abrams, Bay est amoureux de Spielberg, et le plagie systématiquement, avec quelques années de retard. Seulement, Emmerich n'est pas produit par Spielberg. Ce qui évite à ses films d'être arrogants, mais les rend terriblement cuculs.

Toy Story. D'abord parce que les Transformers, à la base, sont des jouets. Certes. Mais dans Transformers 3, un plan du premier Toy Story est cité, lorsqu'un robot se fait passer pour une gentille machine auprès d'une fillette avec qui il prend le thé (avant de désintégrer ses parents, chose que ne fait pas Buzz). En parlant de Pixar, on remarquera que Cars 2 est la version pour enfants de Transformers : des petites voitures qui parlent, quoi.


[Tiens, Optimus Prime aussi perd un bras à la fin de Transformers 3.]

Le coup du rétroviseur est vieux comme le monde. Seulement Transformers 3 et Toy Story 2 citent le même plan de Jurassic Park, avec l'inscription "les choses apparaissent plus proches qu'elles ne le sont en réalité" (je vous mets la capture, pour le plaisir) :


Tyrese Gibson à côté d'une jolie bagnole, c'est encore un film de petites voitures : Fast & Furious 2. Le coup du garde du corps qui devient soudain très agressif, puis s'excuse : La Mémoire dans la Peau. Le gant électronique de Sam, à la fin : Iron Man. L'ouverture sur des images d'archives bidouillées : Watchmen. (3e ou 4e fois que Kennedy est réutilisé dans des images d'archives, d'ailleurs : voyez Forrest Gump, et, je crois, Treize Jours.)

... Et puis au début, on croit à un hasard, mais quand ça recommence, plus de doute : Bay s'est maté Aladdin avant de tourner. Sam tombe dans le vide et remonte comme par magie sur un vaisseau qui fait office de Tapis Volant ; peu après, Carly fait le même coup à Megatron que Jasmine à Jafar, titillant sur son orgueil ("tu crois être le plus fort mais tu n'es qu'un gros pigeon", etc.) Évidemment, Bay est allé piocher dans une scène perverse, puisque le grand vizir y garde la princesse comme "esclave" après avoir rêvé de l'épouser pendant tout le film. Du coup, Megatron se comporte en roi et traite Rosie Huntington-Whiteley "d'esclave" (ce qu'elle n'est pas du tout, à la base).

Bon, et puis si Bay ne se citait pas aussi lui-même, ce ne serait pas du jeu. Guettez donc :

Sweet Emotion, d'Aerosmith, que l'on entend quand Sam passe des entretiens d'embauche, déjà employée dans Armageddon lors des essais sous-marins. La caméra lâchée dans le vide, qui accompagne un homme et quelques débris dans sa chute d'un immeuble. Gimmick typique : c'est le plan de Pearl Harbor où la caméra chute en même temps qu'un obus, ou celui de Bad Boys II où elle plonge dans le système d'aération d'un building avant de débarquer dans une boîte de nuit en sous-sol. Certains adaptent des attractions au cinéma ; Bay fait du cinéma une attraction. La scène de l'autoroute est un autre de ses gimmicks. L'homme a en effet inventé sa propre caméra, la baybuster, qui est une caméra montée dans une cage à roulettes que l'on peut faire foncer au milieu de n'importe quel accident sans risques. L'idée est donc de balancer des trucs sur la route et d'y projeter la caméra. Dans Bad Boys II, les projectiles sont des voitures neuves. Dans The Island, ce sont des essieux de train. Dans Transformers 3, ce sont des robots.

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Dans les zoos les gosses font comme Adam, nomment en criant tous les animaux qu'ils reconnaissent ; c'est l'une des nombreuses régressions infantiles proposées par le film. J'y ai cédé... Pardon !


Et pour finir sur une touche de mauvaises langues, vous remarquerez sur cette capture tirée de Transformers 2 que l'incrustation des doigts sur la statue, à gauche, est complètement ratée. In your face, Michael Bay !


Camille

4 commentaires:

Tommaso Malvina (Paris) a dit…

Luciano De Crescenzo, je pense. Mais il est possible que ça vient d'ailleurs...

Anonyme a dit…

bonjour je trouve que tes commentaires sont instructifs mais quand l'on va voir un film c'est pour se défendre pas pour décrire chaque scene et les comperer et on ne va pas voir transformers pour les plans , la place des cameras .... on y va pour la beauté des robots et des voitures .

Camille B. a dit…

Merci pour "instructif". Pour le reste, tu défends en effet assez bien la posture du spectateur "anonyme", de ce "on" qui n'est personne et regarde un film comme "on" regarde un poster ou un camion sur un parking. Il en faut ! Sinon l'argent ne rentrerait pas, et Bay ne pourrait pas placer ses caméras où il veut.

N.A. a dit…

"...c'est pour se défendre" intéressant lapsus :)

Ils sont déjà assez ouverts pour faire un vrai travail de spectateur attentif sur un film comme Transformers, faut pas pousser non plus.
On me tenait ce genre de propos récemment, sur la défensive justement, à propos du film. Oui on sait ce qu'on va voir, oui on sait à l'avance que c'est un grand public/gros budget US plein de clichés, et que c'est les super effets spéciaux qui comptent. Mais bon, l'utilisation du cerveau n'est pas une option, même devant les pires navets! Leur article n'a rien d'une longue diatribe de rabat joie en plus, il est fun et construit. Alors bon.