2 juin 2011

L'Aigle de la 9e

The Descent 3


L'Aigle de la 9e Légion ne passe plus que dans une salle à Paris, mais pas n'importe laquelle : l'UGC Orient-Express. C'est ce tout petit multiplexe situé au fin fond des Halles, au niveau du métro. Raison pour laquelle il porte son nom : on y entend passer les wagons du RER, un étage plus bas. Cela n'est pas sans charme. Devant un film à grand spectacle, vous avez l'impression que la cavalerie va traverser l'écran. Devant un film d'horreur, vous vous sentez dans les entrailles perturbées de la Terre.

Ce qui est précisément le cas de The Eagle. The Eagle, c'est un film de Kevin Mac Donald, mais je l'ai regardé en étant persuadé qu'il était du réalisateur de The Descent, Neil Marshall. Jusqu'à la fin. C'est dire si l'homme a de la personnalité. Je regardais le film et je me disais : ha oui... Bonne transposition des thématiques... Pas mal... Descente dans les entrailles, l'Ecosse à la place des grottes... Hum hum.

Si j'ai confondu, c'est parce que la disparition de la 9e légion au-delà du mur d'Hadrien, en 117 après Jésus-Christ, a inspiré un autre film : Centurion. Qui, lui, est bien de Neil Marshall. Je suis excusé, si, si. A ceci près que Centurion raconte la disparition elle-même tandis que l'Aigle de la 9e raconte comment le fils du Centurion retourne en Ecosse découvrir pourquoi son père a disparu. C'est un diptyque officieux comme on les aime. Ou alors, des films jumeaux comme Armageddon/Deep Impact, Pic de Dante/Volcano, Capote/Scandaleusement Célèbre, Le Monde de Nemo/Gang de Requins, BREF - vous avez compris.



Détail amusant : ceux qui ont vu Centurion (dont je ne fais pas partie) ne l'ont pas aimé. Ils ont été déçus.
Second détail amusant : ceux qui ont vu The Descent 2 (dont je fais partie) ne l'ont pas aimé. Ils ont trouvé ça naze.
Chacun de ces films essayait de renouer avec ce qui avait fait le succès de The Descent ; aucun n'y est parvenu. L'Aigle de la 9e légion, si. En d'autres termes : Kevin MacDonald a réalisé un meilleur film de Neil Marshall que Neil Marshall lui-même, et une meilleure suite à The Descent que The Descent 2. Balèze.


(à voir l'affiche de Centurion, et la tagline, "l'histoire s'écrit dans le sang", je connais une fan de 300 qui risque d'aimer.)






Quels sont donc les ingrédients du slasher movie rupestre sorti en 2005, que l'on retrouve dans ce petit peplum que plus personne n'ira voir ?
Univers sexué : ladies spéléologues, gentlemen légionnaires.
Ennemis préhistoriques : des grottes infestées d’australopithèques cannibales aux peuplades barbares des terres s’étendant au-delà du mur d’Hadrien, il n’y a qu’une demi-journée de cheval, à peine.
L’Écosse, rongée par l’obscurité et la brume, peuplée de cadavres et d’hommes couverts de boue, est un nouveau monde souterrain ; et comme les filles de Marshall réglaient leurs comptes entre elles à coup de piolet au fond des abîmes, le petit soldat rejoint les Highlands pour régler un conflit son père.

Flavius (Channing Tatum, qui connaît son Russell Crowe sur le bout des doigts) est en effet le fils du centurion responsable de la disparition de la 9e légion dans les montagnes d’Ecosse, et de l’aigle qui en était le symbole ; il part donc à sa recherche escorté d’un esclave autochtone, incarné par un Jamie Bell en plein trip roots après le tournage high-tech du Tintin de Spielberg. On passera sur quelques scènes de bromance humide, en admettant qu’elles fassent partie du paysage culturel sous Hadrien. La reconstitution historique ne manque d’ailleurs pas de charme : comme pour remédier à son manque d’imagination, le film s’attache au moindre détail avec minutie. Dialectes d’époque, culte à Mithra, scènes de chasse, de chirurgie...

Cette descente vers le Nord sauvage est encore et toujours une descente de la tête aux tripes, un retour aux pulsions, à l’animal. La caméra s’attarde alors sur la nature : une épée dans le courant d’un ruisseau, des pierres au premier plan, une bataille dénuée de musique, où seuls comptent les coups et les cris. Des trucs déjà vus, mais à leur place. Mark Strong, par exemple, croisé en chemin. De l’art de colorier sans dépasser les bords. Mark Strong, c'est le nouveau méchant par excellence, le nouvel Alan Rickman, le nouveau Gary Oldman : voyez-le dans Sherlock Holmes, Kick Ass ou Robin des Bois, c'est toujours un plaisir.

La quête des héros les conduit jusqu’au fond d’une grotte, où est entreposé l’aigle entre deux cérémonies tribales dont il est l’idole. Dans son meilleur rôle, Tahar Rahim en chef de clan confère malgré l’argile qui le recouvre une personnalité à ce qui n’aurait pu être (ça n’aurait gêné personne) qu’une force en action, une puissance de course lancée aux trousses des héros dans une dernière partie sauvage et efficace de remontée vers le Sud (le genre de scène qui vous donne envie de revoir Apocalypto alors que vous êtes convaincu que c'est une merde). Eden hors-civilisation, univers primitif qu’il ne s’agit pas de conquérir mais de traverser, on n’est pas très loin de Malick et de son christianisme libre à la limite du paganisme – le héros de L’Aigle est monothéiste et voue un culte au Soleil. Foi du charbonnier ou du membre facebook, il ne s’agit jamais que de retrouver la nature, comme on peut rêver de paysages après des heures passées devant un écran d’ordinateur.

Camille

P.S. Le lien du nom de Channing Tatum conduit à un extrait de Sexy Dance 2. Si vous n'êtes pas allé voir, vous devriez. Parce qu'on ne dira jamais assez de bien de John Chu.

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