3 mai 2011

THOR - QUEMADA

Thor, de Kenneth Brannagh. On n'allait pas laisser passer ça, vous imaginez.


Voici Kenneth Brannagh, et voici quelques titres de sa filmo : Henry V, Beaucoup de bruit pour rien, Frankenstein, Hamlet, Peines d'amour perdues, As you like it, La Flûte Enchantée... Guettez aujourd'hui la petite lueur de désillusion dans les yeux de celui qui a cru, dur comme fer, qu'un gros studio le laisserait faire du Shakespeare avec du comics.

Thor, c'est le genre de film qui, en 2060, fera le bonheur des cinéphiles amateurs de séries Z. On leur dira, la voix chevrotante, qu'ils sont mignons mais qu'une série Z désigne un certaine catégorie de films à petits budgets, et qu'à l'évidence l'histoire du dieu du tonnerre descendu aux Etats-Unis est, de ce point de vue, une série A. Pas du tout, répondront nos petits-enfants, série Z désigne un état d'esprit. Et ce qu'il y a d'extraordinaire avec les Marvel du début du siècle, c'est qu'ils ont su marier l'état d'esprit du nanar avec le professionnalisme des blockbusters de base. Soit un manque total d'imagination marié à une forme de primitivisme idéologique (primat des muscles sur l'esprit, forcément trompeur), à un messianisme béat, à un amour du travail mal fait et de l'image pour touristes - mélange typique de naïveté et de cynisme.


Cela dit, en 2060, les bisseux seront aussi amateurs de comics. C'est ce qu'annonce la présence de Samuel Jackson dans le rôle du mastermind ombrageux de tout ce bazar. Il apparaît pour la première fois dans Iron Man 2 en tant que futur chef des Avengers, film à venir qui regroupera plusieurs héros - Hulk, Iron Man, Captain America - et réapparaît dans une scène placée à la fin du générique de Thor. Samuel Jackson, c'est avant tout le geek de comics d'Incassable : sa présence à la tête de la collection de héros que Marvel s'est reconstituée au cinéma ne surprend pas, elle indique une manière d'apprécier les productions Marvel : il faudrait devenir comme Jackson dans Incassable, des geeks prospecteurs de sens dans la fange des histoires produites à la chaîne. Encore quelques films, et ce qui n'apparaît aujourd'hui que comme un enchaînement de films tous plus nanarisants les uns que les autres finira par ressembler à un fleuron de la culture pop au même titre que les pulp fiction et les comics, histoires au rabais publiées sur du papier sale dont Samuel Jackson est aussi l'un des emblèmes (via Tarantino).

Alors on pourra épiloguer sur le combat ancestral du Bien et du Mal, les faiblesses des héros, les obsessions (le rayon laser : Wolverine, Iron Man 2, Thor) ou la présence des sœurs Boleyn (Scarlett Johansson et Nathalie Portman, l'une en Veuve Noire dans Iron Man 2, l'autre en midinette dans Thor). Mais pas aujourd'hui, pas en 2011.
Tout n'est pas si noir. Une chose m'a plu. Dans Thor, la 3D semble déplacée : les comics sont en effet avant tout un art de l’à-plat, du lissé de la feuille. Une seule scène se dégage alors du film, celle où, à la fin, fiston et papounet Hopkins se rabibochent devant un matte painting d’une platitude absolue. On se croirait dans Pina : les visages deviennent d’autant plus épais qu’ils sont placés devant un décor dessiné sur une toile.

Détails, enfin : le coordinateur des cascades est Vic Armstrong, ex-Indiana Jones. Sa spécialité : les combats à mains nues, les coups de poings d'une extrême violence. On a donc droit à ce qu'il est convenu d'appeler "un bon vieux fistfight de derrière les fagots" quand Chris Hemsworth batifole dans la boue avec un clone de Michael Clarke Duncan ; mention spéciale aux trois coups de coudes dans le bide : c'est peut-être l'un des éléments les plus originaux du film, l'acharnement avec lequel un personnage plutôt doux (et empoté, cf. sa trouille d'embrasser la vamp Nathalie Portman, qui en a intimidé de plus grands, Jean Reno et Dark Vador en tête) explose la rate d'un parfait inconnu. Dans le domaine du combat à mains nues, cependant - ça a l'air futile mais en matière de blockbusters, c'est fondamental - Marvel se fait damer le pion par Fast and Furious 5. Eh oui.


Dernier détail. Ce ne sont pas les plans inclinés qui servent à rappeler au public que le réalisateur a sa carte d'artiste accompli dans son portefeuille. Ce sont les scènes de comédie. Thor est ainsi, à de nombreux égards, une variation sur Les Visiteurs. Non, ce n'était pas dit dans la promo... Mais après tout, c'est ce qu'il y a de moins raté.


Camille.

2 commentaires:

Nestor Ibarra a dit…

Bonjour,
je voulais juste dire que le personnage de Nick Fury, incarné par Samuel L. Jacson, apparait la première fois à la fin d'Iron Man 1 lors d'une séquence post-générique (on peut le trouver sur YouTube).
Quant au choix de Samuel L. Jackson pour incarner Nick Fury, il vient beaucoup du fait que, dans la franchise de comics "Ultimate", récent reboot total de l'univers Marvel et grande fresque où toutes les têtes d'affiches passent leur temps à se croiser, les dessinateurs ont décidé de représenter Nick Fury sous ses traits, pour rigoler. Du coup pour l'incarner dans les films,ben autant faire appel à lui...

Camille B. a dit…

Ultimate est postérieur à Incassable, n'est-ce-pas ? ;)

+ merci pour la précision sur la séquence post-générique d'Iron Man 1. Elle m'avait glissé de l'esprit.