15 septembre 2010

Sexy Dance 3D


Enthusiasm is my middle name



On nous a reproché récemment de consacrer toute notre énergie à lapider sans sommation l'essentiel de ce qui nous passait devant les yeux. Ô lecteur mécontent (non sans un soupçon de mauvaise foi, car enfin tu n'avais qu'à lire plus attentivement le nom de ce blog) et frustré, reçois donc de plein fouet et avec gratitude cet enthousiasme réconciliateur : nous avons adoré Sexy Dance 3D ! Et je t'avouerai même que c'était probablement l'un des plus délicieux moments ciné de ces dernières semaines. Foin des goûts d'esthètes, l'histoire est strictement la même que celle de tous les autres films du genre. Chez moi, on appelle ça "film de bowling", parce que, quand nous étions petites, ma plus jeune sœur regardait en boucle - ET sur Disney Channel- un film qui racontait exactement la même chose, à cette différence près (mais elle est subtile) que les protagonistes arboraient d'ignobles chaussures... de bowling, au lieu des baskets argentées édition limitée de Sexy Dance 3D (non, ce n'est pas hors sujet, c'est même l'ultime enjeu du film, quand on y regarde de près. Si.). Or donc Sexy Dance 3D est comme toujours une histoire de clans qui s'affrontent sans merci sur les sentiers de la gloire. Le clan des méchants multiplie les coups bas, celui des gentils riposte sans faire la moindre entaille à son honneur, et gagne après avoir eu la gentillesse de commencer par perdre, suspense (!) oblige. Ajoutez à tout cela une énième RoméoJuliettade à rebondissements, et vous savez tout. Ne m'accusez pas de spoiler. La vérité, c'est que tout cela n'a aucune importance, et que l'un des grands mérites de cette production-là est de ne même pas essayer de lui en donner. Les sentimentalités verbales passent sans qu'on ait eu le temps d'en souffrir tandis que, tout réjoui derrière ses lunettes par les prouesses d'une 3D admirable, le spectateur heureux glisse confortablement de clip en clip. Rien de plus, rien de moins : ralentis, effets de matière, muscles et nombrils, chorégraphies de caméra dans la chorégraphie des corps. C'est bienfaisant, tonifiant, rythmé, spectaculaire sans prétention : un feelgood movie comme on les aime, dont le seul défaut est de vous maintenir pendant les deux ou trois heures suivantes dans une lutte inconfortable entre cette furieuse envie de danser qui vous vrille les jambes, et l'ultime écho de lucidité qui vous murmure au creux de l'oreille "N'essaie pas. N'essaie pas... N'essaie pas..." A part ça, on adore.

Noémie.

* * *

Une adolescente


Elle s’appelle Cameron/Pace. C’est elle qui a inventé Pandora - après avoir été elle-même inventée par James Cameron et Vince Pace. Elle a les yeux de Wall-E. Leur courbe fait le tour de l’écran, passe derrière les images. C’est une caméra 3D. La seule, l’unique.

Depuis Avatar, elle a eu peu d’amants. Une histoire avec Joe Dante, The Hole, profonde et belle, paraît-il – jamais venue en France. Depuis un an, Cameron connaît ses premiers émois, et multiplie les partenaires ; ce ne sont pas tous des Lumière, mais, dieu qu’ils sont jolis. En ce moment, on lui connaît un danseur et un geek : soient Sexy Dance 3D et Resident Evil : Afterlife.

Le surnom du premier appelle à la méfiance, même s’il importe peu ici de défendre les qualités profondes des deux bellâtres. Précisons que son nom d’origine est Step Up, ce qui a au moins le mérite de le détacher de l’orbite des teen movies décérébrés dont les titres tournent toujours autour du mot Sex. Step Up 3D, donc, est un danseur, avant tout. C’est le troisième volet d’une franchise, qu’il ne faut pas confondre avec Street Dance, dont un volet en 3D est sorti au mois de mai – attention cependant : ce n’était pas Cameron/Pace, mais une mocheté qui rêve de lui ressembler (j’ignore son nom, je sais juste qu’elle travaille dans le traitement des images en post-production).

Step Up 3D, c’est en quelque sorte le spin off des danseurs filmés avant le générique de This Is It : ces jeunes émus aux larmes rien qu’à l’évocation, face à une caméra numérique, de la liberté que leur apporte la danse. Seulement, il n’est pas seulement question de danse. Un peu de cinéma : Luke, leader du crew, rêve d’être cinéaste. Ce désir de s’intéresser au cinéma – nouveau chez John Chu, déjà réalisateur de Sexy Dance 2 -, c’est l’influence de Cameron/Pace, qui donne soudain au film un supplément d’intérêt. Et une beauté hallucinante.

La danse, comme le théâtre, est un art du corps, contrairement au cinéma qui s’attache avant tout à l’image, au dessin : à la représentation du corps. Les choses changent. On ne s’en rendait finalement guère compte avec Avatar, qui ne laissait pas le temps d’observer ce que ce type de 3D appliquait aux corps humains, s’intéressant plutôt aux extra-terrestres. Recevant ces nouveaux corps en même temps que leur nouveau relief, le spectateur n’avait pas eu le temps de réaliser à quel point la profondeur était différente de tout ce qu’on avait pu voir jusque là, ne faisant que constater qu’il existait un autre type de 3D que celle, toute en jaillissement, du Futuroscope, créneau vacant où Piranha 3D est venu se loger. Sur Terre, les qualités de Cameron se voient plus encore que sur Pandora. Et le danseur était celui qu’il lui fallait pour lui permettre de révéler comme le volume des corps est l’une des choses qu’elle sait faire le mieux, plus encore que tout effet de profondeur, ou de jaillissement.

Sexy Dance 3D se situe dès lors au croisement de la comédie musicale et de la performance chorégraphique live, cette dernière tirant jusqu’à aujourd’hui sa force de la présence physique, à proximité de l’œil du spectateur, des danseurs. La scène de théâtre était un espace en trois dimensions où se mouvaient des volumes, chose que le cinéma ne pouvait restituer, comblant cette pression hypnotique de l’espace théâtral par un jeu sur les cadrages, les couleurs, les décors : fabriquant de la comédie musicale pour étoffer la danse en 2D des images. Eh bien oui, les choses en changé. Cameron/Pace a rendu leur épaisseur aux avant-bras, aux gorges, aux crânes. Littéralement sensible lorsqu’un raccord fait passer le visage de la danseuse Sharni Vinson d’un écran d’ordinateur à la lumière du soleil, en pleine rue.

Pour autant, la comédie musicale est restée, inscrite dans un réel beaucoup moins stylisé qu’à l’époque où le monde se devait d’épouser et de suivre la beauté des mouvements pour leur rendre de l’ampleur. Ce qui aboutit à un plan-séquence d’anthologie, au cours duquel deux personnages rejouent I won’t dance dans une rue, pourchassés par les figurants qui, eux, ne basculent pas dans le monde merveilleux où tout le monde connaît des chorégraphies par cœur. John Chu a bien compris que la 3D était un jeu : ses personnages s’emparent de deux tableaux et, se cachant derrière, leur font jouer un passage chorégraphique tout en jambe : buste en 2D, jambes en 3D ; les dimensions dansent entre elles, l’osmose est accomplie.

Et le souvenir n’est plus le même. Là est la révolution : dans la mémoire que l’on a du film en quittant la salle. Lorsque l’on repense à un film, on en visualise des images entourées de noir, un écran avec une salle autour. Un cadre, quoi. Plus avec Step Up 3D, qui s’inscrit dans la mémoire à la manière d’un vrai numéro de danse. On revoit les corps. Il n’y a plus d’écran à se rappeler : puisqu’il y avait de la profondeur, une pièce, et, entre l’œil et le fond de la pièce, les quelques centimètres d’un cou, d’un bras, d’une main. Ce sont des souvenirs de théâtre.

On évitera poliment, comme pour Avatar, d’épiloguer sur le scénario qui achemine les images jusqu’au générique de fin. On épiloguera, en revanche, sur ce même générique. Signe d’une émulation créatrice peu commune dans les films de street-dance, qui, habituellement, se contentent de reproduire quelques tics de clips (comme cela arrive parfois dans les moments creux, justement, de cet épisode). La première partie de ce générique est constituée d’un festival de trucs visant à jouer avec la 3D, jusqu’à ce qu’apparaisse un danseur assis sur une chaise, au milieu d’une surface en linoléum. A droite de l’image, les crédits défilent du bas vers le haut, selon une courbe qui les fait s’éloigner de l’écran lorsqu’ils passent en son milieu. A gauche, l’écran à totalement disparu. Il n’y a rien d’autre à voir, rien d’autre à distinguer, que ce linoléum, cette chaise, et ce danseur.

Dans Le Projet Andersen, le metteur en scène québécois Robert Lepage avait eu l’idée de projeter un générique d’ouverture à sa pièce sur un écran creux, dont la cavité n’était révélée au public qu’à l’instant où l’acteur y bondissait. On ressent le même trouble devant ce générique de Sexy Dance 3D, non pas tant hypnotisés, cependant, par l’effet de profondeur, que par les mouvements de l’homme assis : ses mains et ses bras suffisent à une chorégraphie qui rejoue à la fois l’histoire du film et son régime visuel. Les doigts dessinent un écran, exactement comme lorsqu’un réalisateur veut préparer son cadre. Puis en dessinent un autre, un autre, et pivotent : l’écran a changé de sens ; un mouvement de bras vient traverser la ligne sur laquelle s’étaient échafaudés les plans imaginaires, vaste mouvement de bras parodiant les effets de jaillissement – qui voudraient agripper le public, que le public voudrait attraper – mouvements plus discrets qui consistent juste à profiter de l’espace ainsi tracé. Plus tard, les doigts forment un cœur, c’est la romance neuneu qui passe, furtivement, puis une main rejoint un œil, mime une caméra qui se volatilise aussitôt, quelques plans à nouveau, quelques mouvements de danse, mouvements de plans… On ne peut qu’être bluffé par le dernier partenaire de Cameron/Pace, qui sait refléter son regard, et la rendre aussi belle qu’elle le rend érotique.

Camille.

2 commentaires:

Elise a dit…

En tant que pratiquante occasionnelle de popping et autres danses dites urbaines, je suis tombée amoureuse de cette licence. Et de Moose.
En outre, ce post ouvre la voie à mon panégyrique de Piranha 3D.
Bien joué.

noémie a dit…

Elise, serais-tu enfin décidée à faire ton grand retour ? :-D :-D :-D