11 mars 2012

Winnie est un con


Découverte d'une petite merveille de l'animation sortie dans l'indifférence générale au printemps dernier. Je veux parler de Winnie l'Ourson. Et là c'est moi qui ai l'air con.

Sauf que non. Parce que là où vous entendez “ours cul nul et lucratif”, il faut entendre “John Lasseter”; vous voyez bien que ça ne sonne pas pareil. Mais si, voyons : il y a quelques années, Disney fatigué refile son département animation au créateur de Pixar. Qui a lancé trois chantiers, La Princesse et la Grenouille, Raiponce, et Winnie. Raiponce est loin d'être un chef-d’œuvre, mais reste du bon boulot comparé à ce que servait Disney depuis quelques années. La Princesse et la Grenouille est une belle réussite. Le champion, pourtant, c'est Winnie.

Vous ne l'avez pas vu passer parce que les affiches vendaient un film pour enfants neuneus, et qu'au bout de deux semaines, ce long-métrage d'une heure pile seulement ne passait déjà plus que dans deux salles à Paris. C'est bien dommage, mais vous commencez à vous demander ce que vous foutez là, à lire du bien de Winnie, et il est temps que je vous réponde.

Souvent, plus le pitch est mince, plus le film est réussi, parce que les scénaristes ont une plus grande latitude, pouvant le rembourrer avec absolument ce qu'ils veulent. Prenez Pirates des Caraïbes : pas d'histoire, pas de personnages, les scénaristes s'en sont donnés à cœur joie. Idem avec Transformers. Attendez, on ne peut pas dire du bien de Transformers et de Winnie dans le même texte. C'est un suicide critique ou quoi ? Vous savez qu'ils adaptent la bataille navale au cinéma ce mois-ci ? Battleship, c'est ça.

Comment donc rendre intéressante une bande d'animaux tarés, un lapin, un cochon, un ours jaune, tout ça ? Réponse : en les rendant complètement cons. Évidemment on ne pouvait pas faire le marketing là-dessus. Pourtant ça aurait mieux marché. Parole d'étudiant en marketing (?!).

Ce Winnie ne raconte pas grand chose, si ce n'est que Bourriquet a perdu sa queue – qu'on peut donc en profiter pour lui accrocher n'importe quoi au cul, même un accordéon – et qu'un monstre a peut-être kidnappé le maître des animaux – qu'on peut donc en profiter pour inventer n'importe quoi, même préparer des guet-apens dans lesquels tout le monde ira se jeter joyeusement. La scène où Winnie tombé dans un trou souffle « bother » à chaque fois qu'un objet lui tombe sur la gueule vaut son pesant d'or. Celle où Porcinet découpe sa corde en 6 pour que tout le monde puisse remonter du trou, et s'étonne qu'il n'y ait plus assez de longueur. Le délire sur Can you knot ? - No, I cannot ! -Good ! Knot the knots, then ! - But I can NOT ! - ce truc dure quinze plombes, c'est un bonheur.

Comme il n'y a rien à raconter, les personnages deviennent des sortes de cobayes entre les mains des animateurs. Tout un jeu est mis en place entre les personnages et les lettres du livre que lit le narrateur (John Cleese), en voix off. Le cadre s'élargit, l'image n'est plus qu'un dessin entre deux paragraphes, Winnie saute, chope un A, s'en fait un tabouret, ce genre de truc.

Il y a aussi cette séquence dans laquelle il devient complètement fou parce qu'il n' a pas eu sa dose de miel. Alors tout se transforme en pot de miel, et Winnie de plonger la main dans tout ce qui bouge. Je vous laisse imaginer. La séquence rappelle le rêve de Dumbo bourré, un des grands moments de l'histoire de l'animation, sorti en 1941.

Et puis, Eric Goldberg est l'animateur du Lapin et de la séquence du Backson, animée à la craie. Eric Goldberg, c'est le réalisateur de Pocahontas et de la séquence des Flamants Roses dans Fantasia 2000, et l'animateur de génie du Génie d'Aladdin et du satyre dans Hercule. Ça a l'air tout bête, mais ça se voit.

Voilà et, comme le film dure une heure, on ne perd pas de temps avec des rebondissements inutiles, de la morale, des bons sentiments. C'est très con très vite, très fort, et puis ça s'arrête. Un vrai shoot de miel.

Camille.

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