11 novembre 2011

Contagion, de Steven Soderbergh

C'est du propre ! 


Une petite introduction de circonstance. 

De Steven Soderbergh, si je n'avais vu que les Ocean's, Girlfriend Experience, The Informant ! et les deux Che, je vous aurais dit mercredi soir, en revenant de Contagion : "C'est normal. Il a fait un film froid sur un sujet brûlant. C'est son style." Et vous n'en auriez pas passé un meilleur moment pour autant. Non que Contagion soit un mauvais film. C'est un parti-pris courageux, comme tout film choral. C'est très bien mis en scène, et mieux encore filmé. Plutôt bien joué. Un peu long sans doute, comme tout film glacé.

Soderbergh aime bien mettre l'humain en bocal.

Si vous avez vu autre chose de Soderbergh que la série des Ocean's, vous le savez déjà : Steven Soderbergh est un cinéaste misanthrope. Je ne parle pas de l'homme, dont je ne sais rien. Mais son cinéma est misanthrope, dehors comme dedans. A l'extérieur, son parcours est rythmé par une alternance financièrement correcte entre les films "commerciaux" que nous avons probablement tort d'aimer, qui rapportent, et les expérimentaux indigestes qui se fichent pas mal que nous les aimions ou pas, et que nous n'aimons pas, d'ailleurs, même lorsque nous affirmons le contraire pour faire chic. Avoir "aimé" Girlfriend Experience ou The Informant !, c'est comme avoir "aimé" ce monochrome numéro 4539875, Triangle isocèle vert sur fond vert, au centre Pompidou : la seule chose qui nous plaît vraiment, c'est l'idée d'avoir compris quelque chose qui échappe à tout le monde, alors qu'il n'y a rien à voir, ni à comprendre. 

Triangle isocèle vert sur fond vert ou Métaphore contemporaine
par Noémie L., 2011, Centre Pompidou, 898786755 $

A l'intérieur du cinéma de Soderbergh, c'est la même chose : chaque film s'élabore à partir de plans préliminaires uniquement constitués de lignes de démarcation entre l'oeil et les hommes. Non, nous n'entrerons pas dans l'esprit de celui-là, nous ne saurons presque rien de sa douleur. Nous la montrerons, à distance, comme la croissance d'une plante que l'on se garderait bien de goûter, car tous les hommes ont le même goût, et toutes les douleurs se ressemblent. De là, sans doute, sa prédilection pour le film choral. L'oeil y papillonne d'une émotion à l'autre, sans que la main trouve le temps d'aller toucher les rires, goûter les larmes. Contagion est exactement cela : les personnages sont autant d'esquisses, très propres, auxquelles il ne sera pas accordé une seconde de jeu au delà du temps réglementaire. 

Une grimace et au lit : l'art de gérer le péril Cotillard.

Tous les personnages se valent : le courage du Père est de même nature, exactement, que celui du Médecin. La Martyre n'a pas plus de panache que l'Escroc. Tous sont des Héros, et aucun ne l'est. Soderbergh ne s'intéresse à l'Homme qu'avec une majuscule, sans jamais s'aventurer sur les terres de l'humain, de peur que toutes ses douleurs et ses rêves, ses caractères, ses grandeurs, ses rechutes, ses larmes et son sang, tout ce sale, ne viennent contaminer la clarté froide de sa vision. Non, il ne manque rien à Contagion, c'est juste un film de Soderbergh. Bien désinfecté.

Celui qui me trouve la photo d'un VRAI sourire de Soderbergh gagne 
l'inestimable monochrome présenté ci-dessus. 

Voilà ce que je vous dirais si je n'avais pas vu Traffic. Qui est, indubitablement, un film choral de Soderbergh. Seulement voilà : Traffic est un chef d'oeuvre, et Contagion n'en est pas un. Je perdrais beaucoup de temps à vous expliquer ce qu'il n'y a qu'à voir, ou revoir, pour comprendre. Un constat cependant, qui fait toute la différence : Traffic est un film qui parle des hommes. Ont-ils trompé la vigilance de l'Oeil pour y glisser, entre deux plans, un peu de cette chair douloureuse qui les encombre autant qu'elle leur offre une vérité ? Ou bien l'Oeil a-t-il consenti, le temps d'un miracle, à ce que la main effleure le sale ? Je n'ai que faire d'une comparaison, et vous de même. Je préfère consacrer le temps qu'elle exigerait à revoir Traffic, ou même une seule scène, une seule image contre laquelle j'échangerai sans état d'âme tout les Ocean's, et le gros Che bipède, et les longueurs étales de Girlfriend Experience, et tout le reste : Michael Douglas au chevet de sa fille droguée, posant ses lèvres tremblantes sur son front pâle, lourdement couronné par une ombre de mort.

Noémie

1 commentaire:

Sarah a dit…

Tout à fait d'accord avec toi, le film nous empêche de ressentir la moindre empathie pour les personnages et leurs histoires pourtant dramatiques nous paraissent presque sans intérêt...Un autre des aspects "refroidissant" du film est aussi sa tendance à aller vers les clichés (évidemment, ce sont les américains qui trouvent le vaccin, les labos pharmaceutiques ne sont pas méchants contrairement aux affabulations du blogger, et tout ça se termine par un bal de prom...)