Non. Enfin, non. Non, non. Non, non, non-non. Non. … Non.
…
Mais encore ?
(soupir)
Partons des faits, voulez-vous ?
Toy Story 3 est un premier film. C’est le premier film de Lee Unkrich, dans l'équipe depuis 1995, mais qui s’en était toujours tenu au rôle d’assistant réalisateur. Tous les Pixar (Toy Story 3 est le 11e) n’auront en effet été l’œuvre que de 4 hommes : John Lasseter, Andrew Stanton, Pete Docter et Brad Bird. C’est tout. Pas un de plus. [Du point de vue des compositeurs, c’est encore pire, il n’y en a que trois : Randy Newman, Thomas Newman, et Michael Giacchino.] Ces quatre hommes les voici (c'est comme les 3 mousquetaires, ils sont 5) :
(de gauche à droite : Brad Bird, Andrew Stanton, John Lasseter, Pete Docter, Lee Unkrich.)
Question : pourquoi John Lasseter, inventeur et réalisateur des deux premiers Toy Story, a-t-il confié le boulot à un « débutant » ? Petit A : parce qu’il est à présent beaucoup trop puissant pour s’occuper de réalisation. Lasseter, c’est un peu George Lucas (qui lui a d'ailleurs remis un prix lors de la 66e Mostra de Venise, l'année dernière) : il en a tellement bavé à ses débuts (réalisant coup sur coup 1001 Pattes et Toy Story 2) qu’après Cars – qui, en plus, n’a pas si bien marché que ça – il a sorti les mains de la terre glaise pour les poser sur un bureau. Lasseter se contente maintenant d’écrire les histoires. Avec Andrew Stanton, il est l’un des scénaristes de Toy Story 3. Petit B : parce que Toy Story 3 ne l’intéressait pas, ne représentant aucun autre challenge que celui de cartonner une fois de plus au box-office. Une vraie corvée. Contrairement aux Pixar précédents, mais comme le premier Toy Story, ce troisième opus n’est pas un film expérimental : il repose sur des techniques déjà acquises, qu’il s’agit de pousser un peu plus loin seulement. Toy Story 3.0. Alors, autant laisser le petit Unkrich s’en occuper. Qui n’a pas le génie du maître, disons le clairement.
Autant enchaîner tout de suite sur ce que j’ai pensé de Ken et Barbie : l’animation est géniale. Le truc sur la raideur, sachant qu’on a inventé les images de synthèse pour se débarrasser de la raideur des marionnettes, et sachant que les jouets sont censés perdre de leur raideur lorsqu’ils prennent vie – fonctionne très bien. Il y a cette scène où Ken fait un défilé de mode à Barbie. C’est drôle, mais très franchement, est-ce que c’est beaucoup plus drôle que du Arturo Brachetti, du Patrick Sébastien, ou du n’importe-qui-en-train-de-mettre-des-costumes-de-pignol-et-en-train-de-faire-le-beau-gosse ? Bien-sûr que c’est drôle, mais est-ce que ça valait vraiment la peine de payer Pixar pour ça ?
Bonnie est la petite sœur numérique de Boo, la petite choute de Monstres&Cie. Même jeu sur la création prométhéenne de ce qui attendrit. Sauf que, dans Monstres&Cie, on s’en foutait, ça faisait avancer l’histoire, c’est tout. Dans Toy Story 3, on s’attarde sur elle. Voyez ce plan, au début, où la petite veut fouiller dans le carton. Il dure très longtemps. Plan fixe, jeu d’acteur. Fascination devant le mimétisme parfait de la créature de synthèse mignonne. Cela casse le rythme du film, met l’accent sur un détail important de l’histoire – Bonnie – certes, oui, mais c’est aussi et surtout une manière de contempler l’œuvre des animateurs.
Toy Story 3 n’est pas un ratage. Je suis le premier à défendre Indiana Jones 4 en disant que les attentes ne sont peut-être pas comblées, mais que le résultat reste très au-dessus de la moyenne. Là où ce n’est pas juste, c’est que Spielberg et Lucas ont perdu une partie de leurs fans parce qu’ils ont choisi d’aller au bout de leur envie d’extra-terrestres et de mélancolie. Les jouets aussi cèdent à la mélancolie, toutefois Toy Story 3 cède beaucoup plus souvent à un humour plus facile que Spielberg, qui regrettait déjà suffisamment comme ça d’avoir cédé aux fans, avait refusé. Si Lasseter avait fait le film, on aurait sans aucun doute obtenu quelque chose de beaucoup plus déceptif, venant de quelqu’un de lassé, cherchant ailleurs, quelque chose d’autre. Mais Lasseter n’avait pas son nom attaché à la franchise Toy Story aussi fort que Spielberg l’avait attaché aux Indiana Jones.
De toute façon, le vrai chef-d’œuvre, c’est Day&Night, le court-métrage projeté en lever de rideau. Difficile à décrire. L’amitié entre deux trous de serrure, derrière lesquels se creuse un univers en 3D. Les trous de serrure, eux, étant en 2D. On a donc, horizontalement et verticalement, l’amitié des deux bonshommes. Et dans la profondeur, le monde, la réalité. A travers le premier trou de serrure, la profondeur vue de nuit. A travers le second, la profondeur vue de jour. Comme l’écran est en partie noir, l’illusion de 3D est plus criante que jamais. On n’est pas très loin du plan d’Alice au Pays des Merveilles où Mia Wasikowska jette un coup d’œil au jardin, dans le vestibule aux portes du début…
Une remarque toute bête, avant de finir. Sur Monsieur Patate. Dans Toy Story 1, au bout de deux minutes, le gag attendu est consommé, le personnage réassemble sur son visage son nez, ses yeux, et s’exclame : « Regardez ! Picasso ! ». Toy Story 3 étend le gag sur toute une séquence. Sachez-le : ce n’est pas original. Alors les traducteurs font les malins, quand M.Patate tombe, on peut lire : « c’est surréaliste ! » - comme si la continuité du gag sur Picasso avait besoin d’être soulignée, encore une fois. Le truc, c’est qu’en version originale, le personnage se contente de dire : « that’s just great » (« ah, génial. »). Mais tout ça ne vaut pas la critique des Cahiers du Cinéma de ce mois-ci, dans lesquels les transformations de M.Patate sont qualifiées de… « baroques ». Où sont passés mes cours d’histoire de l’art ? Il faut que je vérifie un truc.
(The Great Escape / Le Grand Cassoss)
Camille
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