6 septembre 2012

Blog au point mort

Vous l'aviez remarqué, vous aussi ?

Vous nous en voulez ? 

On s'en veut aussi...

Alors en attendant un grand retour, un peu de musique pour adoucir les moeurs : le remix fanfare du concerto pour guitare de Rodrigo dit "Concerto d'Aranjuez" (ou "la grande rose" pour les initiés, paraît-il), que vous pouvez entendre dans un très joli film un peu oublié, Brassed Off (Les Virtuoses, 1997), de Mark Herman, avec feu Pete Postlethwaite et Ewan McGregor quand il était presque minot.

Si vous voulez entendre la version originale, c'est par ici. Sinon, détendez-vous, et profitez du spectacle...




A très vite,

Noémie

6 août 2012

Au fait, au Futuroscope, ils passent quoi ?



 Comme nous tous, le Futuroscope est aujourd'hui une vieille chose de 25 ans un peu passés. On ne s'y rend plus comme dans un parc d'attraction, plutôt comme dans une sorte de festival spécialisé dans l'IMAX décatie, la 3D un peu cheap - un festival de ce cinéma dit "forain" dont Hollywood fait aujourd'hui ses choux gras et ses blockbusters dodus (Dark Knight en IMAX, Rebelle en 3D, vous voyez le tableau). Qu'est-ce que c'était, ce bazar, quand on y allait encore pour s'encanailler ? Vous avez compris : le petit frisson du Futuroscope, où tous les films ont au minimum l'âge de coûter 5€ à Gibert, c'est l'improbable combinaison de l'IMAX et du Grindhouse, du très-propre de la pellicule traversant ces projecteurs de deux tonnes, et du très-sale de la poussière qui s'est accumulée dans les coins du parc, et ceux des photogrammes.

blablabla
  Le Futuroscope a été frappé du syndrome Optic 2000. Vous savez, ces opticiens qui ont eu l'air très con quand on a changé de millénaire, il y a 11 ans. Lorsque le Futuroscope a ouvert il se tournait vers l'avenir et aujourd'hui, évidemment, ce n'est plus le même kif : c'est devenu un parc consacré à une portion très spécifique du rétro-futurisme. A Disneyland, vous avez cette très jolie section, à droite de Main Street, consacrée à la façon dont on voyait le futur au XIXe siècle (Jules Verne y est très représenté). Aussi le Futuruscope se consacre-t-il aujourd'hui à la façon dont on voyait le futur en 1987. Pour l'instant, ce changement de statut n'est pas encore assumé, le parc s'imagine encore pionnier. Alors qu'on est dans les limbes du spectacle. Revue point par point de ces films sans âge, mais pas complètement. Soyez prévenus : vous risquez d'avoir finalement envie d'aller y faire un tour quand même.

* * *

1. Voyageurs du ciel et de la mer [2000/2010]

Voyageurs du ciel et de la mer est le premier des trois films du parc réalisés par de grands noms (...avec Annaud et Besson, je vous entends rire, j'y reviens tout-à-l'heure). Il s'agit de plans tournés en IMAX par Jacques Perrin et Jacques Cluzaud sur Le peuple migrateur et Océans ; le tout projeté sur un délicieux procédé de double-Imax qui consiste à placer le public entre deux écrans géants, l'un en face de lui, l'autre sous ses pieds. 
Une mise au point sur l'Imax ? Sans façons. Ou très vite. Imax, pour Image Maximum. En gros c'est un format d'image. A la base, ça désignait la largeur de la pellicule - 70mm au lieu de 35. Aujourd'hui, l'Imax, c'est le 4K, cet espèce de format hyper-lourd qu'on fantasme renfermé sur une clé USB glissé par un hypothétique Père Noël hollywoodien dans la cheminée des cinémas du monde entier. Gag : le Futuroscope tourne encore majoritairement à l'Imax sur pellicule et ne s'est pas mis au numérique. 

 

Quel est l'intérêt de l'Imax ? Voir des machins toujours plus grands ? Même pas. Par exemple, le Grand Large du Grand Rex, boulevard Poissonnière, est plus large qu'un écran Imax. Il mesure 25m de largeur sur 12 de hauteur (25x12), tandis qu'un écran Imax en fait 16 de haut mais seulement 22 de large (22x16). A vous de choisir. La largeur ou la hauteur. Mais cela nous éloignerait de notre sujet d'origine. L'intérêt de l'Imax n'est en tout cas pas une histoire de taille ; il est où alors ?

 Réponse 1 : nulle part, lâche-moi.

 Réponse 2 : dans une caméra Imax, qui pèse déjà très lourd (selon le modèle, cela va de 25 à 100kg), on ne peut pas mètre 50 heures de pellicule vierge. C'est une bête très lourde. Au Futuroscope il faut toujours garder ça à l'esprit : chaque film consiste à emmener en balade 200kg de matos. Le but du jeu étant de les emmener le plus haut possible.  Dans les Andes, dans l'Himalaya, dans l'espace, etc.

quelque chose comme ça
 D'où l'intérêt (relatif...) d'avoir tourné des morceaux du Peuple migrateur avec. Vous savez, ce film tourné en ULM. Voilà, gag. La caméra pèse deux tonnes, du coup, difficulté accrue de voler, cadrer correctement n'y pensez même pas, résultat : les types ne pouvaient pas mettre plus d'une minute de pellicule pour chaque session en vol et quand on filme des animaux - ce qui nécessite beaucoup de patience et surtout de temps - un plan réussi en Imax a tout d'un miracle. 

en vrai c'est un peu moins bien quand même, hein
  Le hic, c'est que les images d'Océans (documentaire sorti début 2010) projetées sur l'écran inférieur ont l'air beaucoup plus propres que celles du Peuple Migrateur. Et voilà le Futuroscope dans toute la splendeur de son paradoxe : vous avez face à vous des oiseaux de l'an 2000, et sous les pieds des baleines de 2010 ; une sorte de montage à la one-again tend à vous donner l'illusion que les premiers volent au-dessus des seconds

Pour être honnête, il faut mentionner certains plans zénithaux (caméra en vol, tournée vers le sol) qui se déploient sur les deux écrans à la fois (ils ont dû coller deux caméras l'une à l'autre et tourner en hélico, j'imagine). C'est pas mal. Problème : la segmentation de l'écran inférieur. La vitre qui soutient les gradins est découpée en rectangles par la charpente opaque du sol. En fait d'Imax, on se retrouve avec plusieurs petits écrans collés l'un à l'autre. C'est con.

2. Les ailes du courage [1995]


 Les ailes du courage, c'est un peu le Citizen Kane du cinéma Imax - ce qui vous donne une idée du niveau général des films de cette catégorie, sachant qu'Orson Welles, dans ce cas, s'appelle Jean-Jacques Annaud. Bon, je trouve L'Amant magnifique, Le Nom de la Rose est ce qu'il est et on a vaguement défendu Or Noir sur le blog l'an passé. Toujours est-il que Les ailes du courage est le premier film à avoir été tourné en IMAX et en 3D. Pfouy.
 Le grand classique n'a plus les hommages de l'Imax pour lequel il a été conçu. Il passe donc sur un petit écran - et en VF. Tant pis pour la voix suave du Val Kilmer des beaux jours, mesdemoiselles. Il est ici Jean Mermoz, sorte de mentor vaniteux du petit Guillaumet, dont le film retrace la survie pas croyable dans la cordillère des Andes. Quelques scènes de vol sympa en 3D, bien-sûr ; on imagine Annaud tout content d'avoir fait monter la grosse dame Imax dans les sommets enneigés d'un quelconque col de Caradhras (Carahdras? Caradrhas ? pft). Sinon le film est gentiment nunuche, façon Annaud quoi, avec quelques trouvailles (le type qui se fabrique une tombe pour qu'on le repère du ciel), et puis Gabriel Yared a composé la musique (Gabriel Yared : L'Amant, Le Patient Anglais).

 Petit à petit, on comprend mieux le problème de Jean-Jacques Annaud : l'homme filme en IMAX tout le temps, même en 35mm. C'est-à-dire : comme si sa caméra avait toujours un gros cul. Très peu de travellings, ou alors très très lents. Majorité de plans fixes. Ça marche quand on adapte des écrivains, qui ont eux-mêmes souvent un gros cul. Moins quand on se prend pour David Lean...



3. Le Petit Prince [2011]

Star des pubs pour le parc dans le métro, attraction la plus récente, Le Petit Prince est un cinéma dynamique pour enfants, que l'on regarde debout sur une plateforme hoquetante. Il y a des bulles et des éclaboussures, et la musique est nulle à pleurer. L'animation fait penser à un film de fin d'études projeté au festival d'Annecy. La salle d'attente est jolie, cela dit. Poulpe, dauphins et méduses animatroniques géants. Charming.

4. Planète Bleue [1980 ? 1970 ? 1812 ? -10 000 ? Honnêtement je ne veux pas le savoir.]

Quand l'Imax passe sur un écran bombé, il devient de l'Omnimax. C'est ainsi. A l'Omnimax du Futuroscope, l'écran lui-même est si vieux que les jointures se voient, même quand le film est projeté dessus (la Géode de Paris a le même problème, pour autant que je me souvienne). Résultat : segmentation de l'image maximum, effet de gigantisme divisé par autant de portions découpées. Planète bleue est un docu acheté 12 dollars au Smithsonian Museum il y a 20 ans, traduit en VF à l'arrache : écologie 1.0, plans de 4L et de 205 sur les Champs Elysées. Au secours.

5. Du côté des Pandas  [2001]

 

Ecologie 1.0, le retour. On est cette fois à l'intérieur du "Kinemax", le bâtiment qui ressemble à un cristal. 

Du côté des Pandas consiste encore et toujours à emmener la grosse caméra partout. Ici dans les montagnes de Chine, sur des ponts suspendus - le caméraman joue à se faire peur, les planches pourraient craquer sous le poids de la caméra, bla bla bla. Le plan, lui, ne rend rien. Le problème avec les films en IMAX, c'est que les types qui s'en occupent ne regardent que l'image. A fortiori les directeurs du Futuroscope. Ils s'imaginent que le public ne va voir que des images. On se retrouve avec des films au scénario débile, au montage pathétique (fondus enchaînés systématiques), à la musique regrettable (ici, le compositeur Randy Edelman est l'homme derrière la musique de McGyver et La Momie 3), aux acteurs douteux (malgré Maria Bello face aux pandas, vue dans History of Violence) - sans oublier un doublage VF digne des grandes heures de Dallas en maison de retraite le mardi après-midi.
 J'allais dire, il faudrait que de vrais réalisateurs s'occupent de tourner en Imax, mais je n'ai pas encore vu Dark Knight Rises (je le verrai sur petit écran, malheureusement - Max Linder : 16x6m - ou pas).

6. Sea Monsters [2007]

 Film en Omnimax et en 3D (ce qui n'est pas systématique, à la Géode de Paris par exemple, il arrive que les films en 3D soient projetés sur une petite partie de l'écran seulement). Le narrateur s'appelle Bernard, raconte n'importe quoi, mais alors n'importe quoi. Travelling flous. Plans réutilisés plusieurs fois. Effets de surgissement à gogo.

7. Coup de foudre à Pizza Hill [2011]

Ambiance festival d'Annecy à nouveau, pour ce film dynamique pompé sur Le Cinquième Élément. Besson n'est jamais loin, d'ailleurs c'est avec Le Grand Bleu que le Grand Rex avait inauguré le Grand Large en 88.

8. Cosmic Collisions [2010]


 Film projeté au Planétarium. Voix-off en VO : Robert Redford. VF : Lorànt Deutsch. Hahaha. 
 Ce serait dommage de s'en priver pourtant : le charme discret des Planétariums opère encore. Hollywood s'est emparé de la 3D et de l'IMAX, c'est le dernier territoire à conquérir. Vas-y Scorsese, fais-nous un film pour Planétarium. Vas-y Spielberg. Vas-y Dolan (il paraît que son dernier est bien, il faut savoir s'ouvrir. Et puis un film d'amour aurait tellement de gueule. On verrait des filles pleurer à la place des étoiles. On regarderait leurs larmes couler comme des météorites ! Vivement 2030)

9. Vienne dynamique [1994]

 Pas facile de parler d'un film dynamique. Il faudrait mémoriser en plus des images et du son les mouvements de la plate-forme où l'on est installé. Tout ce dont je me souviens ici, c'est de la trouvaille qui consiste à pencher les sièges en avant quand la caméra effectue un travelling ascendant, ce qui donne l'impression d'être enfermé à l'intérieur, derrière l'objectif, et de s'élever en même temps que la grue. Bien vu.
 Désormais tous les films dynamiques sont en animation 3D, alors celui-ci fait office de dinosaure. Du coup, ils ont rajouté il y a 6 mois, sur les côtés de la salle, des écrans qui diffusent des images en relation avec ce qui a été tourné en 1994 (paysage qui défilent, passants qui vous regardent, éclairs lumineux...). Le Futuroscope dans toute sa splendeur, à nouveau : 1994 en face, 2012 sur les côtés. 

 

 10. Arthur et les Minimoys, l'aventure en 4D bla bla bla bla [2009]


Luc Besson, donc. A conçu cette attraction qui reçoit l'année dernière le Grand Prix de l'Attraction qui Déchire le Plus au Monde. C'est mérité, allez. Si les films qui l'inspirent sont nuls, c'est qu'ils ne valent qu'en tant que prétextes à ces quelques minutes passées dans un cube de verre au Futuroscope. L'inverse de Pirates des Caraïbes, quoi.

sinon le type à droite est un parfait inconnu
Arthur et les Minimoys est une sorte de Best Of du parc tout entier. On vous place dans des sièges dynamiques à l'intérieur d'une grosse coccinelle. Face à une Géode. Gigantesque, façon Omnimax. Et on vous fait enfiler des lunettes 3D. Ajoutez à cela quelques courants d'air derrière les cheveux quand un énorme moustique vous dépasse, interminablement, en vrombissant sur votre droite, et puis des baguettes qui cliquettent contre votre siège quand des araignées recouvrent l'écran - l'immersion est absolue, incroyable. Ça ne sert à rien mais qu'est-ce que c'est joli. 

 

 Voilà le Futuroscope : dernier refuge des grands faiseurs comme Annaud et Besson. Quand ces deux-là seront cuits pour de bon du point de vue créatif, il faut leur souhaiter de se retirer au Futuroscope. Leur Villa à eux, née à l'époque de leur premiers succès. Qu'ils retapent le parc. Qu'ils en fassent une ode aux vieux de 25 ans déformés. D'ici là, si vous pouvez voir Dark Knight Rises en Imax, foncez !

Oh, il y a aussi ce truc, Les Animaux du futur. Ce n'est pas un film, plus une attraction façon Disneyland, où on vous assoit par deux dans des casseroles montées sur des rails. Je m'étais retrouvé assis à côté du concepteur lors d'une séance d'Avatar au Max Linder. Le type m'avait laissé étaler ma petite science sur la 3D pendant une heure avant d'annoncer qui il était. Golry. Le fait est qu'il a dû baver devant Pandora. Son monde virtuel à lui est beaucoup moins... efflorescent, disons. Les Animaux du futur repose sur le principe de la réalité augmentée et c'est précisément le genre d'attraction qui fera rire en 2022. Et qu'ils auront gardée... Future œuvre high-tech et grindhouse, en somme, comme Les ailes du courage.

 Le Futuroscope, ou l'art du rétro-futurisme par anticipation. L'une des boutiques s'appelle "La fabrique de souvenirs". C'est ça. Ici, on fabrique le futur du passé. Ou quelque chose comme ça.

 

 c.

P.S. Il existe 5 cinq salles IMAX en France susceptibles de diffuser Dark Knight Rises. Une à Disneyland, une à Ivry-sur-Seine, une à Rouen, une à Lyon, une à Toulouse. Toi qui nous lis depuis Châteauroux, pardon de t'avoir vendu du rêve pour rien.

4 août 2012

Dimanche soir à Lama

A Lama, en Balagne, se tient depuis dix-neuf ans un festival de cinéma en plein air, où votre envoyée spéciale a vu de très beaux films et fait quelques photos. Dimanche soir, c'était la séance pour les enfants (Little Bird, de Boudewijn Koole) au Mercatu, dans une ruelle...












Noémie

PS : On ne voit plus grand-chose vers la fin, c'est indubitable. Blâmez sans scrupule mon absence totale de prédispositions photographiques, puis pardonnez-moi, si j'ai réussi à vous transmettre tout de même un peu de l'ambiance...


27 juillet 2012

Vacances...

Quelques affiches qui vendent du rêve (ou pas)

et dédicacées, en plus.
Pour vous les amoureux Méline et Valentin.

Pour ma soeur Eléonore, qui lit rarement mon blog 
mais qui ne regrettera pas d'être venue cette fois.

Pour mon pire ennemi.
(Ô Angoisse)

Pour ma soeur Adélaïde, qui comprendra.

Pour Camille, qui aime beaucoup Rohmer.
(private joke inside)

Pour toi, dépressif contemporain qui aimait la vie 
en moule-bip, et que les magazines féminins sectaires
et Sacha Baron Cohen ont poussé au Prozac 
et au caleçon de bain disgracieux. 

Pour toi Jérôme, que Jack Benny fait rire.
(" ! "pour initiés)

Pour mon DJ préféré, qui n'a pas volé les siennes.

Pour ma mère, qui ne lit jamais mon blog, et pour 
mon cousin Emmanuel, qui a un côté Hulot, 
voire plusieurs.

Bonnes vacances à vous, un suicide enjoué à ceux qui n'en ont pas, et à très vite, pour quelques mots sur le dernier Nolan, entre autres.

Noémie

24 juillet 2012

Ta punition, ma pauvre Angèle...

  C’est d’être toi, et d’avoir à vivre avec ça
-en d’autres termes de ne pas mourir, et de recevoir la vie, encore fillette, comme un châtiment


 Ce n’est pas très optimiste, Holy Motors
 C’est même complètement dépressif, le héros fume et boit mais ne mange pas
 Et tout le monde aime, écrit, se pâme (sauf quelques-uns qui en sont revenus)
 
 Il y a bien des raisons qui semblent claires de l’admiration suscitée par le film. D’abord il est très beau, je veux dire, beau comme un Spielberg ou comme un Ridley Scott : le Carax sait tenir sa caméra, c’est certain, et puis il y a cette forêt de symboles, cette orgie de sens – comme il peut y avoir orgie de preuves après un meurtre
-  en général, cela cache quelque chose

Holy Motors, a priori abscons, a deux manières d’être explicite.

            La première, la moins intéressante, tient à ces clés disséminées ici et là : « Théo » est le nom de la victime et celui de la boîte de prod de Carax ; c’est Carax l’homme qui se réveille au début ; l’une des Limousines a la voix de Michel Delahaye, éminent critique ; Henry James est remercié au générique parce que la scène du moribond est inspiré d’un de ses dialogues, etc. – il y a moyen de rigoler pendant des heures. Le film est saturé d’intertextualité, d’inter-tout, et Carax en bon petit littéraire qu’il est sait faire sonner ses phrases, faire sonner ses plans – son côté Spielberg/Scott – et citer qui il faut quand il faut.

            La deuxième manière, c’est qu’il sait qu’il sait le faire – et se promène d’un genre de cinéma à un autre en permanence, en errant : on croit entendre après chaque séquence que « bon, ça, c’est fait ». C’est là le sentiment du héros, celui du devoir accompli. Or voilà peut-être ce qu’est surtout Holy Motors. Et l’origine du parfum d’amertume qui l’enveloppe.

-   des moteurs qui tournent à vide

 

 Car l’amertume ne saurait venir de ce qui est explicite. On n’est pas dans Les Muppets : Holy Motors se fout bien de l’avancée de la motion capture au cinéma. On n’est pas dans Avatar : Holy Motors se fout bien de l’écologie, même si Lavant soupire à un moment donné « j’aimais bien les forêts ». On n’est pas non plus dans To Rome with Love : Holy Motors se fout bien que la scène de Monsieur Merde soit une parabole de la société du spectacle, de l’abrutissement des artistes et de leur public, etc. Tout ça, c’est explicite, on s’en fout. On s’en fout d’autant plus que l’une des beautés du film, c’est de montrer, de rappeler qu’après tout – oui – on s’en fout.

 « la beauté du geste » ? Qui y croit encore ? Vraiment ? Si c’est ça l’enjeu du film, c’est qu’il est en péril, que l’on commence à s’en foutre précisément et pas seulement le public des idiots mais l’acteur lui-même (voir les remarques du personnages de Piccoli à son égard).

 Nous sommes plongés dans ce futur proche dans lequel rien n’a changé, sinon que le cinéma a disparu et que les gens se content d’une beauté explicite, genre Eva Mendes maquillée, drapée d’or au Père Lachaise
      
            Et le héros est immortel
            Après l’entracte, Lavant meurt quatre fois
            Ça ne prend jamais.
Écoutez les répliques sur la mort qui bercent le film, disposées ça et là par le savant petit littéraire : la mort donne son prix à la vie (explicite, premier degré facile), elle guérit de la vie ; en clair (second degré, toujours un peu facile) ne jamais mourir, comme le héros, est une damnation (voir la vieille : « j’ai peur de ne jamais mourir », et Piccoli, chef des damnés : « à une époque j’ai même cru que j’allais mourir. »)

 Alors Carax se fout de son film ?
 Oui.
 Prend sa virtuosité à deux mains, la fait tourner à plein régime, fait chauffer le moteur
-  et cale à pleine vitesse
-  précisément de manière à joyeusement flinguer les pieds de l’œuvre.

C’est ce qui est sublime ici. Pas une scène qui ne soit faussée. Il y a cette hésitation entre beauté et vérité qu’a cernée la fillette
-  Angèle, qui a choisi de ne pas mentir, et la vérité est bien laide…

 

Il y a tous ces effets tous purulents de cinéma : la fausse charge du film français contre le cinéma américain, la beauté trop éblouissante pour être honnête de la scène avec les capteurs – et ses ralentis à la John Woo, ses monstres numériques à la David Fincher (monsters turned into lovers) – le zoom absolument grotesque sur Kylie Minogue se prenant pour Nicole Kidman dans Moulin Rouge qui perce, qui littéralement troue et déchire le satin magnifique des refrains qui l’entourent (lovers turned into monsters)

 Who were we… Who were we…
-   toujours ce tendre désir d’un retour au passé puis

            THERE WAS A CHIIIIIIIIIIIIILD……..

* * *

Il y a la forêt de symboles et cette forêt ouvre et recouvre le film
-     ce bel avion du premier plan : d’où vient-il ? que veut-il ?
-    le réalisateur réveillé par la salle de cinéma mitoyenne à sa chambre d’hôte : qui est-il ? on se croirait dans un Rubik’s Cube scénaristique à la Charlie Kaufman

et sous la forêt
            la dynamite
             les plans trop lourds, les plans grotesques, le gros spectacle
-     le sang qui jaillit des plaies comme dans Sweeney Todd
-    la sonnerie du plan ORSEC qui se déclenche à l’approche de Voltaire
-    le vieillard qui meurt dans un souffle : « adorée !.... »

grotesque vous dis-je
et beau pour ça

parce qu’à ces moments-là c’est comme si le film doutait
comme s’il s’apprêtait à repartir juste après être venu (au sens anglais du terme « to come », qui est double) et
            oh, c’est la première image du film, un homme qui arrive, fait brusquement demi-tour, repart
            Alors quoi, Carax est un dandy ?
                       Ça me ferait mal
Sous les symboles, sous la condensation des films, sous le dandysme, il y a autre chose
            En-dessous
                                   Et cette clé-là le film nous la donne.

« la souffrance n’est pas ce qu’il y a de plus profond… mais elle est quand-même très, très profond. »
                                   (élue plus belle réplique du film par votre serviteur – justement parce qu’elle reflète ce mouvement d’autodestruction du sens, d’aller et venue, de rétractation subite, d’hésitation vaincue par la résignation…)

            Sous ce foutoir disais-je
                       Il y a la souffrance

La souffrance et les chiens

 

            Il y a trois chiens dans Holy Motors, souvent proches des humains, géographiquement et ontologiquement.
            Le bébé du début est remplacé aussitôt dans la travée entre les sièges du public par un chien lourd et probablement bête
            Les chiens dorment toujours auprès des hommes
            Comme eux, se réveillent pour une vie qu’ils oublient sitôt qu’ils l’ont vécue
            Vont chercher – demi-tour – et rapportent, constamment contents – c’est pour ça qu’on les aime, paraît-il
            Mais les chiens n’ont aucun sens de la beauté : les chimpanzés non plus, que retrouve Lavant à la fin, sur ces ultimes mensonges : « C’est moi », puis : « notre vie va changer… »

* * *
            Mais alors si la souffrance n’est pas au plus profond, qu’est-ce qu’il y a ?
-          il y a ce truc indicible
Kylie Minogue avant de chanter murmure : « i have this feeling… » - la voilà qui s’approche du feeling en question, court vers lui, s’arrête avant de l’atteindre, de le nommer – demi-tour – et chante.

Et l’enfant de la chanson, l’enfant de l’amour passé, comment s’appelait-il, ce CHILD ? – elle ne nous le dit pas

Il ne peut pas y avoir cinquante choses indicibles dans un film. Sinon c’est le bazar. Ni cinquante, ni deux, d’ailleurs.

Holy Motors prend place dans un futur proche où rien n’a changé mais où l’on s’est mis à douter de l’existence de la beauté. Les actes semblent vides, accomplis pour quelqu’un qui ne regarde plus. C’est un monde sans caméras et un monde sans amour.
-          plus de lovers. Juste des monsters.
Le moteur du monde est à deux doigts de caler, ne tourne plus qu’à la souffrance seule et à ce qu’elle recouvre
                        La tristesse
                        Qui hésite sans cesse à tout abandonner

 

Ce n’est pas très optimiste, Holy Motors
            La trajectoire du film part de l’amour – le visage de la fillette derrière le hublot – et rejoint la solitude absolue – le comédien seul avec ses trois singes – en passant par la mort, la violence, la folie. Lavant se tait d’abord (la vieille, la motion capture, Monsieur Merde) et meurt après l’entracte (le tueur, Théo, le ministre, le vieillard)

            Du silence à la mort, de l’amour à la solitude
            Et pourtant tout le monde aime

Ce doit être parce que c’est beau
Et s’il n’y a plus que la tristesse de belle
Alors laissons tomber le bonheur

c.