20 novembre 2010

Quatre jours avant Harry Potter 7.1

1.

La légende des photos sera simple :

1. L'Ecole des Sorciers
2. La Chambre des Secrets
3. Le Prisonnier d'Azkaban
4. La Coupe de Feu
5. L'Ordre du Phénix
6. Le Prince de Sang-Mêlé
7.1 et 7.2. Les Reliques de la Mort.

1.

James Cameron a dit quelque chose d’assez culotté. De mémoire, cela donnait : « Gagner de l’argent n’est que l’une des conséquences collatérales au fait de donner aux gens ce qu’ils veulent. »

4.

Vous pouvez vous moquer, mais lui, je le crois. Les moneymakers ne sont pas les réalisateurs, ce sont les producteurs. Et, coup de pot, il arrive à Hollywood que ce soient les réalisateurs qui fassent les films. Harry Potter 7 sort en deux épisodes : on crie au coup juteux. Il y a une chose qui pourrait surprendre : alors que le parc Harry Potter vient d'ouvrir à Orlando, ce septième volet ne retourne pas une seule fois dans l'univers qui en est la source, puisqu'on ne met les pieds ni à Poudlard, ni dans le train : Les Reliques de la Mort est un road movie. Cela va quand-même rapporter un pognon monstre, mais si ce n'est pas du grand art, ce sera au moins de l'artisanat hollywoodien de haut vol.

5.

Oui, j'en dirai ici plutôt du bien, mais pas vraiment à cause des films (on parlera peut-être de leur qualité, plus bas...). D'abord parce que j'admire JK Rowling, pas pour son imagination mais pour qui elle est. J'aime bien cet oncle Picsou moderne, femme richissime ayant toujours gardé l'humilité apprise de ses périodes de chômage (je dis ça parce que j'ai vu le documentaire d'une heure qui lui est consacré sur le DVD de bonus du 6...). Ensuite, parce que Harry Potter est le plus long épisode du Truman Show jamais réalisé. C’est une métaphore de la résistance contre le totalitarisme, ou de l’élite british, ou une réécriture des récits initiatiques médiévaux – c’est surtout un énorme document anthropologique sur la puberté. Personne, jamais, ni Shirley Temple, ni Haley Joel Osment, n’a vu son corps évoluer avec la même régularité à l’écran que Daniel Radcliffe, Rupert Grint et Emma Watson. Corps, visages, regards ont changé. Je suis allé voir le premier Harry Potter le 1er janvier 2002, j’étais en Première L. Maintenant j’ai mon bac, mes études sont finies. Je n’ai pas fait gaffe aux sorties des livres (que j'ai lus avec parfois deux ans de retard), mais je réalise que j’ai suivi les films. Chaque affiche a un effet Madeleine de Proust. Je me souviens de l’endroit où je les voyais le plus.

3.

En somme, Harry 7.1 sort mercredi et ce n’est pas grave.

5.

La saga des Potter aura aussi été l’occasion d’un déferlements d’effets spéciaux. La puberté des acteurs aura accompagné celle des ordinateurs, dont on a vu la puissance évoluer petit-à-petit (comparer Dobby dans le 2 et le 7 promet d'être intéressant).

1.

2.

3.

4.

D'ailleurs, le plan suivant est assez important.

1.

Nous étions donc le 1er janvier 2002 et je me souviens avoir été très surpris d'apercevoir un dragon en images de synthèse, inutile à l'avancée du scénario, en plein milieu du film. C'est le moment où j'ai compris que les images de synthèse avaient cessé de représenter un artifice de bouquet final, un objet de spectacle comme elles l'avaient été dans les années 90. Ce plan, c'est le début du cinéma tout-numérique. Où l'on peut rajouter tant qu'on veut. Quelques jours plus tard, en 2002 toujours, je suis allé voir La Communauté de l'Anneau, et j'ai vu ce travelling impossible sur la bataille de Sauron, lors du prologue. Deux claques. Disons qu'en matière d'effets spéciaux, Terminator 2 et Jurassic Park ont inauguré les années 90, Harry Potter 1 et La Communauté de l'Anneau les années 2000, et Avatar les années 2010.

1.

5.

Allez, la musique.

6.

Dans le 7.1, il n'y aura peut-être pas Poudlard, mais je peux vous garantir qu'il y aura de la musique dès le logo Warner Bros., et que la caméra, c'est le rituel, passera au travers. Les compositeurs ont valsé : c'était John Williams au début(1-2-3), puis Patrick Doyle (4), Nicholas Hooper (5-6). Ce à quoi il faut s'attendre mercredi, c'est un changement d'ambiance : le tandem Yates à la réalisation/Hooper au score est modifié, le français Alexandre Desplats est aujourd'hui le compositeur (7.1, 7.2). Desplats, c'est Benjamin Button et Tamara Drewe, pour vous faire une idée. Quant au chef-d’œuvre, tous scores confondus, on le cherchera du côté de Williams, sur la BO du Prisonnier d’Azkaban, avec ses accents médiévaux, pourtant parfois jazzy aussi, sans oublier les envolées lyriques aux cordes (Buckbeak’s Flight, moment d'émerveillement en vol qui cite Titanic, mais sera repris dans Avatar et dans Dragons). Mention spéciale pour la musique du logo d’Harry Potter 4 (le meilleur moment de ce film-là), qui évoque Batman.

4.

Harry Potter, c’est surtout l’un des plus énormes melting-pots d’imaginaires qui se soient produits depuis Star Wars. Et ceux qui se figurent encore qu'il s'agit d'un imaginaire enfantin sont à côté de la plaque. 7 tomes, 7 ans, 7 classes de la 6e à la Terminale ; cela doit fonctionner à peu près pareil en Angleterre. 7 parce que cela permet de répartir deux fois trois ans autour d'un axe qui change tout, la 4e année (ici, la 4e année est à la fois le moment de l'incarnation de Voldemort, et l'arrivée du sexe dans les relations entre élèves, oh-la-la.).
1.4.6.

Ce que j’ai toujours aimé : les plans du château. Tous. Toujours prétextes à des solos de la musique, ils s'assombrissent également au fil des films. Poudlard ressemble de moins en moins à une image d’Epinal, et de plus en plus à un espace mental.

1.1. toujours3.

4.6.

Bon, les images que j'ai choisies ne reflètent pas forcément bien l'idée d'espace mental. J'aurais dû prendre le plan dans l'escalier de phare du troisième épisode (sortie du cours de divination), ou bien ce moment du 5. où la caméra s'élève et, filmant Poudlard en plan zénithal donne une impression de labyrinthe. Regardez plutôt l'évolution des plans d'escaliers : cliché léché dans le 1., vraie composition dramatique dans le 6 :

1.6.

Ceci, encore, extrait du 6 :


Ou encore ceci, 6 toujours (on dirait vaguement le début de Shining) :


Le chef décorateur s’appelle Stuart Craig. Oscarisé pour les décors des Liaisons Dangereuses et du Patient Anglais, il a été nominé pour Harry Potter 2 et 4 (pour le décor de la chambre des secrets et celui du cimetière ??).

2.La statue de sanglier que l'on voit dans ce plan est assez célèbre. L'original se trouve dans un marché près du Palazzo Vecchio, à Florence. Dans le Hannibal de Ridley Scott, qui se passe là-bas, c'est une fontaine qui sert à se laver les mains du sang qui a éclaboussé. On en trouve également une réplique au Louvre, au pied de l'escalier avec Diane de Poitiers en Diane chasseresse. Je n'ai jamais su qui l'avait sculpté, ni pourquoi il est si célèbre, mais on le voit partout.

2. Dialogue très bref entre le décorateur et les animateurs dans la chambre des secrets.

En avançant, Potter aura glané toujours plus d'acteurs britanniques. Ce qui donne, au final, l’un des castings all-stars les plus hallucinants de tous les temps. Vous retrouverez des acteurs des Potter chez Ridley Scott, John Mac Tiernan, Gore Verbinski, Woody Allen, James Ivory, Luc Besson, les Coen, Anthony Minghella, Wes Anderson, Terry Gilliam, Baz Luhrmann… Ici, la main de Gary Oldman.

3.

Un mot sur les réalisateurs, la qualité des films ? Car cela compte encore... Les deux premiers, de Chris Columbus (Mrs. Doubtfire), sont sérieusement pignolants ; sans la musique et les effets spéciaux, on se sentirait rudement con. Grint, Watson et Radcliffe ont fait de sérieux progrès (Radcliffe en particulier, qui devient bon dans le 4 lorsqu'il piège Hermione en train de faire des sous-entendus grivois, et excelle dans le 6 lors de sa scène de cuite au philtre de chance). Le troisième est le meilleur de la série : il est d'Alfonso Cuaron (Les Fils de l’Homme). Virtuosité des plans séquences et esthétique morbide, un vrai travail de poète à partir des symboles proposés par la mythologie Rowling. Le quatrième, réalisé par Mike Newell (Quatre mariages et un enterrement), est le plus chargé en moments de pur nanar : on ne se remettra pas de l’arrivée à Poudlard des autres écoles. Sans les acteurs (arrivée de Ralph Fiennes) et les effets spéciaux, on se sentirait rudement con. Les bons moments du 4, on les doit aux animateurs :

Arrive ensuite David Yates, issu de la télé anglaise. Harry Potter 5 souffre de cette nouveauté : Yates devait se faire les armes. Le film, de fait, peut apparaître frustrant. Sur Harry Potter 6, Yates se surpasse : on retrouve la poésie qu’avait atteinte Cuaron dès son premier essai. C’est Yates qui a réalisé celui que vous verrez dès mercredi. Le plan où j'ai accepté David Yates, au début du 5 :

6.
6. Je ne pense vraiment pas qu'Harry Potter 7.1 soit aussi détestable que les affiches gangrenées par Orange et le remix pourri du thème dans la bande-annonce en donnent l'impression. La couche de pub n'a jamais été aussi épaisse sur un film, il serait cependant dommage de se laisser rebuter par la moisissure, inévitable sur une saga aussi âgée. Voyez ça comme une tranche de fromage. Il faut juste enlever la croûte.

6.

Quant à ceci... Je vous laisse découvrir.

Camille.

(6.)

13 novembre 2010

Novembre ou les limbes

Ce n'est plus Halloween, ce n'est pas encore Noël. Ce n'est plus l'automne, ce n'est pas encore l'hiver. Novembre, c'est le mois antipathique où les feuilles gisent déjà toutes dans la boue et où les illuminations sont encore éteintes. C'est le nulle part de l'année. Les limbes des quatre saisons.
Pourtant on se croirait au mois de juillet : depuis deux semaines, plus un post sur mauvaises langues. Souvenez-vous, si, juillet existe, c'est la saison des blockbusters, ces films qu'on va voir en pantacourt ou débardeur, espérant dans la file d'attente que la clim' ne sera pas trop forte. Ce fut par exemple la saison d'Inception, dont l'un des points faibles était justement une strate de rêve appelée les limbes. Point faible parce qu'on aurait rêvé ces limbes visuellement plus folles que cette mégalopole de sable. C'était pourtant plutôt joli, ces immeubles qui s'effondrent comme des pans de la banquise.
L'idée est là : les limbes, c'est la neige ; c'est le blanc. Page vierge, plage blanche, microsoft word tout juste ouvert. L'année pas encore recommencée, 2010 qui n'en finit pas de finir.
Limbes donc. Et cinéma.
Plusieurs manières de s'y rendre. En début de troisième épisode d'une trilogie célèbre, par exemple. Verbinski et Wachowski :



Ou en scaphandre. Mais alors il faut attendre la toute fin du film. Dans tous les cas, les limbes renferment un écran de cinéma, salle noire ou rideau aquatique. On y découvre la genèse de l'humanité (De Palma, en blanc) ou sa fin (Cameron, en bleu).




Autre façon d'aborder les limbes : de dos. Abrams et Tarantino.



Patrie d'origine de ces quelques Robinsons : Pirates des Caraïbes 3, Matrix Revolutions, Mission to Mars, Abyss, Star Trek et Kill Bill 1. Nous reviendrons bientôt ! D'ici là, bon courage à tous pour la traversée des deux semaines à venir.

(Le Peuple Migrateur).


Camille.